Inversement, si l’on défend une intervention quelconque,
parce que l’on pense qu’elle conduit à un meilleur résultat
que l’échange dont elle contraint la liberté, alors on doit
admettre que la contrainte est un principe préférable
à la liberté des échanges, ce qui doit logiquement conduire
à défendre une administration totale de l’économie à
l’échelle de la planète.
S’il fallait trouver, au 20e siècle, un digne successeur à
Frédéric Bastiat, ce serait donc, non pas dans le style,
mais dans l’idée, l’économiste américain et
philosophe libertarien de l'école autrichienne, Murray Rothbard. Celui-ci affirmait
en effet: « Seuls les extrémistes sont cohérents ».
Tel est le fond de la pensée de Frédéric Bastiat, et sa
leçon pour notre époque. L’économie et la politique, la
liberté et la contrainte, sont deux principes opposés entre
lesquels il n’est, pas plus qu’entre aucun principe
opposé, aucun « mixte » possible. Tout compromis
relèverait, ici, de la contradiction.
Soyez libéraux, donc, ou soyez socialistes, mais soyez
conséquents! Et si vous penchez pour la seconde option,
voyez que votre principe, s’il était « poussé jusqu’au bout », « tuerait l’humanité ».
Désordre monétaire mondial |
Un mot doit être dit, ici, de l’ordre, ou plutôt du
désordre, monétaire mondial et de ce qui a façonné le 20e
siècle: non pas la guerre, mais le monopole des banques
centrales qui a été la condition nécessaire de la barbarie.
La leçon de Frédéric Bastiat s’applique ici avec force. Si
une banque centrale pouvait « soutenir » l’économie en
augmentant la masse monétaire et étendant le crédit, de
telle sorte que l’investissement soit supérieur à l’épargne
et/ou la consommation à la production, alors à quoi
servirait-il d’épargner et même de produire quoi que ce soit?
Si la planche à billets était, comme l’affirme Ben Bernanke,
l'actuel président de la Réserve fédérale,
une « technologie miracle » pouvant quoi que ce soit d’autre
que d’imprimer des billets, pourquoi ne se contenterait-on
pas de cette seule production? Et, inversement, s’il
est évident que des billets ne se mangent pas, pas plus
qu’ils ne peuvent servir à quoi que ce soit d’autre qu’à
être échangés contre une certaine richesse en fonction de
leur nombre, ne l’est-il pas que la création monétaire
ne produit pas la moindre richesse – pire, qu’elle en
détruit?
Mais il y a, outre la leçon qu’il nous donne, une
question que Frédéric Bastiat nous pose, et
à laquelle le monde d’aujourd’hui aura à répondre pour le
monde de demain: Est-il jamais trop tard pour revenir
sur ses pas dans une fausse voie?
Plus on en vient « au bout », plus on s’illusionne en
suivant un faux principe, « plus dure sera la chute » et le
retour à la réalité. Le retour aux principes de l’économie a
un coût grandissant à mesure qu’on s’en éloigne; si bien que
l’on risque aussi de désespérer pouvoir les supporter.
C’est aujourd’hui, à horizon proche – bien plus proche que la
« fin du pétrole » ou les conséquences néfastes du « réchauffement climatique » –, que le simple intérêt
sur la totalité des dettes publiques et privées
dépassera, dans un pays comme les États-Unis, la totalité de
la production annuelle.
On s’est engagé sur cette voie parce que l’on a feint de
croire en et à l’État, cette fiction à travers laquelle
chacun s’efforce de vivre aux dépens de ses concitoyens et
des générations futures. Ce faisant, on ne s’est pas
seulement trompé de principe: on a aussi inversé toutes les
valeurs, faisant de la propension de l’État à s’endetter et
à étendre le crédit à la production et la consommation à
crédit une vertu devant racheter la propension des
capitalistes à épargner et à réaliser des profits. C’est là
une faute que l’on paiera cher, mais que l’on doit racheter.
À la question que nous pose Frédéric Bastiat, nous ne
pourrons donc répondre que par la Dénationalisation de la
monnaie et le démantèlement de l’État-providence.
L’alternative, en effet, n’en est pas une: c’est, comme le
pointait déjà Friedrich Hayek dans La Route de la
Servitude, son effondrement, et avec lui celui de la
civilisation.
À cet égard, le risque est bien que le 21e siècle donne
tort à Frédéric Bastiat. La raison humaine ne peut-elle
aller au bout de sa propre négation? Nous avons vu
que le socialisme tuerait l’humanité; et pourtant nous ne
voulons, semble-t-il, toujours pas le voir. De même,
face à l’effondrement de la pyramide d’emprunts construite
par les Banques centrales, le monde s’est écrié: « Fiat
money, pereat mundus! »
Après tout, peut-être préférerons-nous mourir d’illusions,
contraints et forcés, à vivre libres, conscients et
responsables…
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