Des fonctionnaires ont bossé sur le concept. D’autres ont bossé sur son
élaboration. D’autres, sur tout
son
aspect juridique. D'autres encore se sont appropriés des fonds publics
pour les rediriger vers la maison de production qui a produit la vidéo
présentative. D’autres vont suivre le déroulement du concours pour en dégager
des statistiques. D’autres vont juger les productions soumises. Et d’autres vont
finalement s’inspirer de toute l’initiative pour inventer de nouvelles façons
bidon de dépenser notre fric. Quelqu’un doit bien payer pour tout ça! Eh oui,
vous l'avez deviné: vous et moi.
De plus, comme dans tout concours qui se respecte, il y a des prix à gagner.
Qu'as-tu à gagner?
Si nous aimons ta vidéo, tu pourrais gagner le Prix du réalisateur vidéo
indépendant de l'ARC et être invité à assister (à nos frais, évidemment)
à une réception de remise des prix, à Ottawa, à l'occasion de la
première de ta vidéo sur le site Web de l'ARC.
Un voyage tous frais payés à Ottawa et une réception en ton honneur...
c'est pas trop mal! Et en plus, ta vidéo pourrait être vue par des
millions de Canadiens. On pourrait l'utiliser lors des prochaines
campagnes de publicité et initiatives de sensibilisation.
Tu as le pouvoir de changer les choses. Que vas-tu en faire? |
Pas sûr que quelques vidéos sur YouTube vont renverser la
tendance et « changer les choses », mais bon… Ne soyons pas rabat-joie. Soyons
constructifs et offrons à notre tour quelques pistes et renseignements de base,
histoire d’aider les vidéastes amateurs à produire des vidéos plus… équilibrées
(ou carrément subversives):
-
Les travailleurs, tout comme les entrepreneurs, sont
surtaxés et surimposés. Inévitablement, certains d’entre eux se tournent vers
l’économie souterraine pour conserver une part plus importante du fruit de
leur travail.*
-
Les coûts de transaction, c’est-à-dire les efforts
nécessaires préalables à la réalisation des échanges économiques, sont très
élevés. Plutôt que de se plier à une multitude de règlements, les agents
économiques vont décider « d’alléger volontairement les procédures » et ne
pas déclarer toutes les transactions.*
-
Bien des gens sont prêts à payer de l’impôt pour financer
certains services, tel que l’armée et les services de justice par exemple.
Sauf qu’il y a des limites. Quand les gens voient que les bureaucrates et
les politiciens agissent de manière irresponsable, ils sont enclins
à vouloir conserver leur argent et le dépenser de la façon
qu'eux jugent appropriée et responsable.*
-
À la question des causes de l’économie souterraine, la
réponse fondamentale se trouve dans la célèbre Richesse des nations
d’Adam Smith. Smith voyait le fondement de la société moderne dans la
division du travail, qui découlait elle-même « d’un certain penchant naturel
à tous les hommes […] qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des
échanges d’une chose pour une autre ». Chaque fois que leur penchant pour
l’échange est contrarié, les individus cherchent à contourner la contrainte
afin d’obtenir ce qu’ils perçoivent comme les avantages de l’échange.**
-
Quels sont les principaux obstacles à l’échange qui
poussent les individus vers l’économie souterraine ? La littérature
théorique et empirique met en évidence les impôts, la réglementation, et les
prohibitions.**
-
En ayant recours à l'économie clandestine, vous aidez des
Canadiens qui ne sont peut-être pas suffisamment qualifiés pour recevoir le
salaire minimum. Vous aidez aussi des gens qui, pour toutes sortes de
raisons, n’ont pas obtenu les cartes de compétence dont ils ont besoin pour
oeuvrer dans tel ou tel secteur. finalement, vous aidez peut-être à faire en
sorte que des gens ne se retrouvent pas sur l’assistance sociale.
-
En ayant recours au marché noir, vous aidez aussi
« l’économie »! Parce que tout l’argent que vous économisez en payant « en
dessous de la table », vous ne le cacherez pas en dessous de votre oreiller;
vous le réinjecterez dans l’économie.
-
Il est faux de prétendre que nous utilisons tous, à un
moment ou un autre, les programmes gouvernementaux. À part peut-être le
régime de santé, bien des gens n’utiliseront jamais la plupart des
programmes – Programme d'appui financier aux entreprises piscicoles de
salmonidés, Programmes de stabilisation sociale et économique (PSS-PSE),
Programme de sensibilisation à la chanson et de diffusion pour le milieu
collégial, Programme d'éducation en sécurité et en conservation de la faune
(PESCOF), Programme d'optimisation en réfrigération – Volet arénas et
centres de curling, etc. Il y en a des centaines au Québec seulement (voir
« Où
s'en va votre argent (7): les programmes & services », ailleurs dans ce
numéro du QL).
-
En payant « en dessous de la table », vous privez
les politiciens d’un peu d'argent qu’ils ne pourront pas remettre sous forme de
généreuses subventions aux entreprises et amis du pouvoir. Vous vous
réappropriez en quelque sorte le droit de « subventionner » qui vous voulez!
Jeter l’argent par les fenêtres |
Ce n’est certainement pas en organisant de tels petits concours que l’État va
venir à bout du marché au noir. Ce n’est pas non plus en imposant des sanctions
plus lourdes aux participants de l’économie souterraine – cette dernière existe
depuis le temps des Pharaons... Comme l’écrivait mon collègue Jasmin Guénette
ailleurs dans le QL:
« Il faut trouver des solutions constructives pour remédier à cette situation et
les seules valables à long terme sont de baisser les impôts et les taxes,
d’assouplir de manière considérable les réglementations de nature économique et
de créer un cadre légal où les politiciens ne pourront pas au gré de leurs
fantaisies dépenser l’argent des contribuables à gauche et à droite. »
L’économiste Dominik H. Enste
souligne quant à lui que « Guérir les symptômes [de l’économie souterraine] n’a,
de toute évidence, pas fonctionné. Il faut donc maintenant se concentrer sur
[s]es
causes. » Il explique que « l’évasion fiscale, le
travail illicite et la fraude de l’aide sociale sont très répandus. La plupart
des gouvernements mettent l’accent sur des mesures punitives pour combattre ces
comportements déviants. Mais la recherche empirique démontre, à l’encontre de la
théorie économique, que cette approche coûte cher, est inefficace et, en fin de
compte, ne marche pas. Les gouvernements doivent changer les institutions (le
régime fiscal, en l’occurrence) et la réglementation pour réduire les
incitations au travail illicite et à l’évasion fiscale. »***
En attendant, comme dirait le fonctionnaire en charge du concours de l’ARC: « On
réfléchit. On est créatif. On tourne! »
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