Par contre,
quel est le point commun avec les mouvements à l’université, dans
les milieux hospitaliers, dans les tribunaux ou dans les
départements d’outre-mer (DOM)...? C’est l’État centralisateur qui
prétend tout réguler de Paris alors qu’il n’a plus les moyens de ses
ambitions. Et les moyens sont rapidement limités quand les ambitions
sont démesurées. La sagesse commande d’ajuster les ambitions aux
moyens disponibles et non l’inverse. Ajuster les ambitions dans le
domaine qui nous intéresse ici, c’est savoir limiter le périmètre de
l’État en appliquant un principe né de la philosophie des Lumières:
le principe de subsidiarité.
C’est donc bien l’État-providence qui est à l’agonie. Dans chaque
secteur emporté par la tourmente des révoltes et des
mécontentements, les mêmes causes engendrent les mêmes effets. Et
l’on ne voit pas très bien comment sortir de cette spirale infernale
dont la seule issue est la faillite. Car si les motifs de
mécontentement et les revendications sont légitimes, les moyens
d’action sont inefficaces, contribuant à accentuer encore la source
des problèmes. Dans chaque cas, les manifestants critiquent l’État
et ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement dont la
fonction légitime est de conduire la politique de l’État. Mais, dans
leur colère, ils se retournent vers qui? Vers l’État!
Il semble que les gens ne
parviennent pas à comprendre que l’État n’a pas de ressources
propres. Il constitue une vaste machine à opérer des transferts.
Autant le marché nous incite – et nous oblige – à vivre au service
des autres puisqu’un actif tire son revenu de sa capacité à rendre
des services à autrui, autant l’État-providence nous incite à vivre
aux dépens des autres puisque les minorités les plus actives se
serviront de la rue pour obtenir de nouvelles ressources publiques
pour lesquelles il faudra trouver de nouveaux financements. Pour
paraphraser Bastiat, il y a ce que l’on voit (la main
faussement généreuse qui distribue) et il y a ce que l’on ne voit
pas (la main plus sournoise qui prélève).
Comme l’État n’a pas de
ressources propres, et que les ressources qu’ils tirent des
prélèvements obligatoires ne suffisent plus à financer le
fonctionnement des services publics fondamentaux, ces revendications
aboutissent à un accroissement de la pression fiscale indirecte qui
retombe en dernière instance sur les ménages eux-mêmes. Au fur et à
mesure que l’État prétend aider les gens, il contribue à resserrer
l’étau qui les étouffe toujours plus. Personne n’a vu que,
dorénavant, pour financer le Revenu de solidarité active (RSA), les
intérêts des livrets d’épargne des familles font l’objet d’un
prélèvement à la source supplémentaire, qui s’additionne aux
prélèvements sociaux existants. Aucune tirelire n’est à l’abri et
cette insécurité de l’épargne n’est pas de nature à mobiliser les
capitaux.
Or l’État vient en aide
aux banques, se porte au secours des constructeurs automobiles, gère
et rénove les universités, soutient les DOM. Plus les missions de
l’État-providence s’étendent, plus ses moyens se rétrécissent en
conséquence, et plus les gens seront insatisfaits et frustrés alors
que leur pouvoir d’achat se trouvera amputé par des prélèvements de
plus en plus déguisés, destinés à financer cette machine infernale.
C’est à l’agonie d’un
modèle centralisateur que l’on assiste. L’Union soviétique ne s’est
pas effondrée pour d’autres raisons. Dans tous les grands pays
modernes, il appartient à des universités responsables de juger
quels étudiants et quels enseignants-chercheurs elles vont recruter,
de quelle manière elles vont les motiver pour optimiser les chances
de réussite de l’établissement. En France, pareil projet suscite la
révolution. Ce qui est terrible au fond, c’est qu’un tel projet est
impensable car l’assistance a généré une société de défiance.
Les mouvements des DOM
vont bien au-delà du mécontentement social. Alors que la Martinique
et la Guadeloupe bénéficient d’une position privilégiée dans le
domaine de l’économie touristique, susceptible de nourrir une
prospérité durable et respectueuse de son environnement (un nombre
croissant de pays émergents voient leur économie décoller grâce au
développement du tourisme), l’État français est parvenu à rendre ces
territoires totalement dépendants de la métropole, en maintenant des
relations qui ressemblent à un néocolonialisme de plus en plus mal
vécu par les habitants(2).
La multiplication
incessante des conflits et leur montée en puissance montrent que
notre pays ne parvient pas à entrer dans le monde moderne. Nous nous
accrochons à des modèles organisationnels issus de l’économie de
guerre. L’État-providence a tué les sources de la prospérité et il
prétend détenir ensuite les clés de la relance économique. On
accepte rarement d’être soigné par celui qui vous a aussi mis mal en
point.
Qu’on se
garde donc de donner trop de pouvoir aux politiciens, ils s’en
serviront au détriment de l’intérêt général. Malheureusement, la
France est une nation qui a donné à l’État un rôle central et
hégémonique, au détriment de la société civile et de ses acteurs. Et
l’État veut tout piloter, tout réguler et tout maîtriser…mais
personne ne peut plus diriger l’État. Le pire est qu’il n’arrive pas
non plus à se désengager lorsque ses responsables prennent
conscience des limites inhérentes à la centralisation à outrance,
que ce soit dans le domaine de l’éducation, la recherche ou la
santé. Chaque fois qu’il tente de redonner la responsabilité aux
niveaux de décision plus proches du terrain, l’État rencontre la
fronde de la base qui assimile ce désengagement à la casse du
service public.
Que ce soit à gauche ou à
droite, les hommes et femmes politiques sont animés par des intérêts
personnels bien éloignés des intérêts collectifs qu’ils prétendent
incarner et défendre. Parions que Ségolène Royal attend Martine
Aubry au tournant, et/ou le contraire. Les responsables politiques
se divisent sans cesse au sein des mêmes familles pour arriver au
pouvoir. Mais quand ils sont au pouvoir, non seulement doivent-ils
affronter la rue et l’opposition, mais ils doivent surtout se méfier
de leurs pires amis. Les hommes et femmes politiques s’épuisent
ainsi en alternances factices et quand ils arrivent aux commandes,
ils n’ont plus l’énergie pour tenir la barre. À force de penser aux
intérêts du parti, on en oublie les intérêts de la nation.
C’est que la plupart des
hommes et femmes politiques n’échappent pas à la condition des êtres
humains en général. Ils sont comme ces traders qu’ils clouent au
pilori chaque jour. Ils ne sont pas au-dessus de la mêlée. C’est
pourquoi il faut veiller à ne pas trop leur déléguer de pouvoir
arbitraire, notamment dans le domaine économique et social. C’est
d’ailleurs l’hypothèse centrale du raisonnement économique: les
individus cherchent d’abord à maximiser leurs propres intérêts.
C’est en raison de cette
hypothèse que les économistes aussi sont raillés par d’autres
disciplines des sciences humaines qui prêteraient aux individus des
mobiles plus nobles. Mais l’intérêt personnel n’est pas un mobile
ignoble, comme l’a très bien démontré Adam Smith dans sa Théorie
des sentiments moraux. Un individu raisonnable peut estimer
qu’il est dans son intérêt personnel d’apporter du bien autour de
lui, d’être généreux, de se consacrer à des activités artistiques
sociales ou humanitaires. Mais l’attrait du pouvoir fait souvent
perdre la raison.
Mouvements sociaux et crise économique |
En son temps,
George W. Bush a battu les sommets d’impopularité aux USA. Pourtant,
jamais les citoyens américains ne sont descendus dans la rue pour
bloquer leur propre pays. On peut évidemment être contre un
gouvernement mais cela ne donne pas le droit de mettre en danger
l’économie de son pays. Les Américains ont assumé leur choix
électoral jusqu'au bout, sachant qu’ils auraient la possibilité de
changer le moment venu. Aujourd’hui, un grand espoir se porte sur le
nouveau président Obama tandis que l’alternance démocratique s’est
produite dans un processus exemplaire pour le reste du monde.
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