S’enchaînèrent les ministres John Manley, Ralph Goodale, et Jim Flaherty, qui à
leur tour supprimèrent un autre 65 milliards de la dette nationale. Au début de
l’année 2008, la dette était de 383 milliards de dollars – 11 600$ par habitant,
atteignant ainsi son plus bas niveau depuis des années. La diminution de la
dette s’accompagna d’une baisse des paiements d’intérêt, libérant ainsi des
dizaines de milliards de dollars pour les dépenses et les baisses d’impôts.
L’expérience canadienne
était unique: pendant la même période, la dette nationale de l’État américain,
sous l’influence de George Bush et de ses politiques guerrières, connaissait
l’une des plus rapides croissances jamais observées aux États Unis. De même, les
gouvernements japonais et européens se livraient à d’importantes dépenses,
accroissant leur niveau d’endettement. Les fonctionnaires canadiens, eux,
évitèrent la tentation d’imiter les mauvaises habitudes de ces nations plus
puissantes.
Malheureusement, les
tendances récentes indiquent que l’époque de la réduction de la dette canadienne
a touché à sa fin. Ce qui surprend est la vitesse à laquelle ce changement s’est
opéré: en l’espace de quelques mois, le gouvernement fédéral s’est endetté
d’environ 90 milliards de dollars, en bons et en billets du Trésor pour la plus
grande partie. La majorité de cette somme, soit 75 milliards, a été dépensée
entre octobre 2008 et janvier 2009. À l’heure actuelle, l’endettement du Canada
se chiffre aux environs de 478 milliards, brisant le record enregistré en 1996.
Tout cela est d’autant plus choquant qu’en janvier de l’année dernière, la dette
était à son plus bas niveau depuis 1993.
Mais où sont donc passés
ces 75 milliards de dollars? Une somme de 50 milliards a servi à l’achat de
titres hypothécaires garantis par la Société canadienne d’hypothèques et de
logement (SCHL), des achats promis aux grandes banques canadiennes par Jim
Flaherty(2). Une autre
somme de 41 milliards repose présentement dans les comptes du gouvernement à la
Banque du Canada et à d’autres banque commerciales; une grande partie de cet
argent servira à l’achat d’une série de titres hypothécaires supplémentaires. Le
ministre Flaherty, qui avait tout d’abord promis d’acheter pour 25 milliards de
titres, a gonflé ce chiffre à 75 milliards en décembre, et à 125 milliards dans
le budget de 2009.
Comme si ce n’était pas
assez, le gouvernement vient tout juste d’annoncer un budget fédéral
gargantuesque. Le ministère des Finances prédit que le déficit de l’année
fiscale qui débutera en mars 2009 s’élèvera à 33,7 milliards, et que le déficit
de l’année suivante s’élèvera à 29,8 milliards. Avec l’achat des titres
hypothécaires, ces déficits devraient faire grimper la dette fédérale à 512
milliards en mars qui vient, et à 593 milliards en mars de l’année suivante(3).
En 2011, l’endettement dépassera les 600 milliards, une croissance de 60-70% en
l’espace de quelques années seulement. Sur le graphique, on peut voir que la
réduction de la dette fédérale pour la période de 1996 à 2007 n’est plus qu’une
triste aberration.
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