LE COMMERCE AMÉLIORE L'ENVIRONNEMENT (Version imprimée)
par Serge Rouleau*
Le Québécois Libre, 15 mars 2009, No 265.
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http://www.quebecoislibre.org/09/090315-6.htm
La crise économique a pour effet de ramener à l'avant-scène un réflexe
vieux comme le monde: le protectionnisme. Selon ses défenseurs, il
suffirait de fermer les frontières et l'économie redémarrerait comme par
enchantement.
Quiconque connaît un tant soit peu l'histoire sait que la croissance
économique est directement liée à la liberté de commercer. Toutes les
économies qui, par réflexe protectionniste ou pour d'autres raisons
politiques, se sont repliées sur elles-mêmes ont périclitées: l'ex-URSS,
la Chine de Mao, la Corée du Nord, etc.
Les bénéfices du commerce
Dans un marché libre, les prix sont déterminés par les acheteurs et les
vendeurs. Grâce à la concurrence que se livrent les vendeurs, les prix
des produits et services tendent à diminuer et leur qualité à
s'améliorer pour le bénéfice du consommateur. Le commerce permet de
multiplier les bienfaits de la concurrence au-delà de son village, de sa
région et de son pays.
Essentiellement, le commerce permet de produire plus de biens et
services à moindre coût, c'est-à-dire en utilisant moins de ressources.
Donc, en augmentant les biens et services disponibles, le commerce
favorise l'augmentation du niveau de vie des individus et des sociétés
qui le pratiquent.
À titre d'exemple, supposons que des Québécois désirent exporter plus de
produits d'aluminium aux États-Unis et que des Américains demandent
d'exporter plus de produits laitiers au Québec(1). À court terme, les
prix des produits laitiers québécois subiront des pressions à la baisse.
Les producteurs devront s'ajuster pour survivre. Les producteurs
d'aluminium américains subiront un sort similaire. Toutefois, cette
situation forcera le transfert de ressources d'une industrie inefficace
vers une industrie plus efficace dans chacune des économies. Ainsi, pour
une même quantité de ressources utilisées, les Québécois obtiendront
plus de produits laitiers et les Américains plus de produits
d'aluminium. Les Québécois et les Américains se seront mutuellement
enrichis.
Le lobbying
Le commerce menace la rentabilité, voire l'existence, des industries
inefficaces. Pour se protéger, elles demandent l'intervention des
gouvernements.
Le libre commerce subit présentement des pressions politiques et
culturelles en faveur de l'adoption de politiques d'achat local. Les
adeptes du protectionnisme prétendent qu'en consommant des produits
locaux nous favorisons les emplois locaux. Les groupes écologistes
recommandent la consommation de produits locaux pour réduire les volumes
de gaz à effet de serre (GES) générés par le transport des produits
importés. Dans un cas comme dans l'autre ils font fausse route.
Pour prendre un exemple évident, des tomates Savoura produites en serre
au Québec génèrent considérablement plus de GES que des tomates des
champs produites au Mexique et transportées au Québec. Donc, tant du
point de vue économique qu'environnemental il est préférable d'importer
les tomates du Mexique.
Bien sûr, Savoura emploie des travailleurs pour produire des tomates
québécoises. Toutefois, le Mexique n'ayant plus les revenus associés à
l'exportation de ses tomates réduira d'autant ses importations de
produits québécois. Ainsi, les emplois maintenus au Québec pour produire
des tomates de serre seront perdus par d'autres entreprises québécoises.
À la fin, les consommateurs québécois et mexicains seront les grands
perdants de cette politique d'achat local.
Poussée à l'extrême, une politique d'achat local est une recette qui
mène à la faillite des économies qui la pratiquent. La piètre
performance de l'économie cubaine est un bon exemple des effets pervers
d'une économie fermée sur elle-même. Le fait que ce soit le blocus
américain qui impose cette politique aux Cubains ne change en rien la
conclusion.
Le cas particulier de l'industrie agricole
L'industrie agricole est la cible de prédilection des défenseurs des
politiques d'achat local. Ils sont secondés dans leur démarche par les
écolos qui prétendent que le transport des produits agricoles génère
d'importante quantité de GES.
Il est certain que le transport des denrées alimentaires entre les
différentes régions du monde produit des GES. Cependant, cela ne permet
pas de conclure que les produits agricoles locaux sont plus respectueux
de l'environnement que ceux en provenance du Chili, du Mexique ou de la
Californie.
Une
étude de l'Université Lincoln en Nouvelle-Zélande a calculé qu'une
tonne de viande d'agneau produite en Angleterre génère 2 849 kg de CO2.
Le même agneau élevé en Nouvelle-Zélande et transporté sur une distance
de 18 000 km en génère 4 fois moins, soit seulement 688 kg.
Une
étude de Christopher L. Weber et H. Scott Matthews publiée dans
Division of Labour conclut:
Nous avons trouvé que bien que les denrées
alimentaires soient transportées sur de longue distance (1640 km
pour la livraison entre le producteur et le détaillant et en moyenne
6760 km pour un cycle de vie complet), la phase de production domine
les émissions de GES, contribuant en moyenne 83% des 8,1 tonnes de
GES générées par la production des denrées alimentaires consommées
annuellement par une famille américaine. Le transport associé au
cycle de vie complet contribue 11% des GES et la livraison,
seulement 4%. L'intensité des GES des différents groupes
alimentaires varie largement. En moyenne, les viandes rouges
génèrent 150% plus de GES que le poulet ou les poissons. Aussi, nous
suggérons qu'une modification de la diète est un moyen plus efficace
de réduire les émissions de GES qu'une politique d'achat local.
Substituer les calories d'une seule journée par semaine de viande
rouge et de produits laitiers pour du poulet, du poisson, des oeufs
ou des légumes aurait plus d'impact sur la réduction des GES que
l'achat local de toutes nos denrées alimentaires(2).
En général, la consommation de plantes au lieu de
viande, en particulier les viandes rouges, procure plus de bénéfices
pour l'environnement que la substitution de légumes locaux par des
légumes transportés sur de longue distance.
Il serait fastidieux de calculer la pollution générée par chacune des
étapes de production de l'ensemble des denrées que nous consommons.
Toutefois, il est raisonnable d'affirmer que généralement, la pollution
associée à la production d'un produit donné est proportionnel à son
prix. C'est normal puisque le prix est proportionnel à la quantité de
ressources requises pour le produire. Donc, de manière générale, le
consommateur qui achète le produit le moins cher protège l'environnement
tout en améliorant son niveau de vie.
Malheureusement, les subventions aux producteurs locaux et les tarifs à
l'importation faussent les prix et sèment la confusion chez les
consommateurs. Ainsi, un consommateur, conscient des enjeux
environnementaux, croira bien faire en achetant un produit local moins
dispendieux. Cependant, il aura été berné par les tarifs à l'importation
d'un produit équivalent ou par des subventions aux producteurs locaux.
Seul le libre marché est en mesure d'établir le « juste prix » d'un
produit et de guider objectivement le consommateur dans ses choix.
L'agriculture au Québec
Supposons que dans le but louable de sauver la planète, les Québécois
décident d'acheter exclusivement des produits agricoles locaux. Cela
augmentera la demande des produits locaux et du même coup les besoins en
ressource. Cette décision n'est pas sans conséquence. Elle implique que,
pour une même quantité de biens et services, le Québec utilisera plus de
ressources qu'il en faudrait dans un régime économique favorisant la
spécialisation et le commerce. Ainsi, les ressources utilisées
inefficacement par l'industrie agricole ne seront plus disponibles pour
d'autres industries qui en auraient fait une meilleure utilisation, ce
qui rendra l'économie du Québec moins productive.
Cette conclusion est particulièrement valable pour l'industrie agricole
québécoise. Le climat froid qui prévaut au Québec augmente les coûts de
production bien au-delà des coûts de transport des denrées en provenance
des pays du Sud.
• Premièrement, notre courte saison de croissance limite les fermes à
une seule récolte annuelle. Donc, pour produire une quantité donnée de
denrées, nous devons utiliser 2 ou 3 fois plus de terres arables qu'une
région où l'on produit plusieurs récoltes annuelles.
• Deuxièmement, la rareté de la main-d'oeuvre oblige les agriculteurs à
utiliser plus d'équipements mécaniques. Ces équipements coûtent cher et
leur utilisation génère des GES.
• Troisièmement, nous utilisons plus d'engrais chimiques pour compenser
la pauvreté des sols et la courte saison de croissance. Ces engrais
polluent l'environnement et l'énergie nécessaire à leur production
génère beaucoup de GES.
• Quatrièmement, le climat impose des coûts d'opération élevés. Les
agriculteurs utilisent des bâtiments chauffés, éclairés et ventilés pour
protéger les animaux. Ces infrastructures énergivores sont une source
non négligeable de GES.
• Finalement, les cultures maraichères et horticoles requièrent
l'utilisation de serres chauffées et ventilées. Une politique qui
favorise ces cultures va à l'encontre d'un objectif de développement
durable.
Le Québec est l'une des régions du monde où l'industrie agricole est la
moins efficace. Elle est artificiellement maintenue en vie par un
régime de gestion de l'offre et par des subventions qui coûtent des
centaines de millions annuellement aux consommateurs québécois.
Conclusion
La science économique démontre que le commerce enrichit ceux qui le
pratiquent. Toutefois, ses opposants soutiennent que la création de
richesse n'est pas la finalité de l'homme. Ils accusent le libre marché
de tous les maux, notamment de détruire l'environnement.
Cependant, ils occultent le fait que pour une production donnée, le
commerce permet de réduire le gaspillage de ressources rares et
limitées. Indirectement, en favorisant l'économie des ressources, le
commerce réduit les émissions de GES et protège l'environnement. Au
contraire, les politiques d'achat local amplifient les problèmes que les
groupes d'intérêt et les écolos prétendent vouloir résoudre. Comme c'est
souvent le cas, les bonnes intentions ne suffisent pas.
Il est évident qu'au Québec une politique stricte d'achat local en
agriculture est irréaliste et dommageable pour l'économie et
l'environnement. Les régimes de gestion de l'offre, les subventions et
les tarifs douaniers nuisent au développement économique du Québec. Ils
favorisent une agriculture locale inefficace au détriment des
consommateurs.
Notes
1. Il est sous-entendu que l'industrie québécoise de l'aluminium est
plus efficace que celle des États-Unis et vice-versa dans le cas de
l'industrie laitière. Le but de ce texte n'est pas de démontrer la
véracité de cette hypothèse, mais plutôt d'utiliser cette hypothèse pour
démontrer les avantages du libre commerce.
2. Traduction libre du texte: We find that although food is transported
long distances in general (1640 km delivery and 6760 km life-cycle
supply chain on average) the GHG emissions associated with food are
dominated by the production phase, contributing 83% of the average U.S.
household's 8.1 t CO2e/yr footprint for food consumption. Transportation
as a whole represents only 11% of life-cycle GHG emissions, and final
delivery from producer to retail contributes only 4%. Different food
groups exhibit a large range in GHG-intensity; on average, red meat is
around 150% more GHG-intensive than chicken or fish. Thus, we suggest
that dietary shift can be a more effective means of lowering an average
household's food-related climate footprint than "buying local." Shifting
less than one day per week's worth of calories from red meat and dairy
products to chicken, fish, eggs, or a vegetable-based diet achieves more
GHG reduction than buying all locally sourced food.
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* Serge Rouleau est éditeur du
Magazine nagg. |