« Le
premier ministre comprend-il l'importance de cette institution nationale pour
tous les Canadiens, mais surtout pour les francophones hors Québec? » a demandé
le chef libéral, Michael Ignatieff, le jour de l’annonce. « Doit-on voir dans
cet acharnement contre Radio-Canada un autre effet pervers de son idéologie
réformiste? » a quant à elle lancé une députée bloquiste. « Pourquoi le ministre
s'attaque aux communautés rurales et francophones qui ont besoin du service
local de Radio-Canada? » a ajouté un député néo-démocrate(1).
Réagissant aux attaques
de l’opposition, le premier ministre est resté de glace. « Nous reconnaissons
absolument l'importance de Radio-Canada. C'est la raison pour laquelle nous lui
avons donné un montant sans précédent cette année, soit 1,1 milliard de
dollars », s’est contenté de répondre Stephen Harper avant d’ajouter « C'est
toujours dommage quand quelqu'un perd son emploi ».
C’est que le 25 mars
dernier la société d'État a annoncé qu'elle allait réduire ses effectifs. Pas
moins de 805 postes seront abolis, soit près de 10% de ses quelque 9900 employés
à temps plein. Le service français essuie presque la moitié des coupes, soit 335
postes et 51 millions de son budget. Quant au service anglais, ce sont 400
postes et 87 millions qui sont supprimés. La télévision écope particulièrement:
environ 86% des compressions s'y feront, contre 13% pour la radio(2).
Les membres de
l’opposition ont beau jouer les vierges offensées, ils savent pertinemment qu’il
y a matière à coupures à la SRC. Ils savent qu’un show de chaises produit par le
public coûte beaucoup plus cher que le même show de chaises produit dans le
privé. Ils savent qu’une équipe de production est toujours plus grosse dans le
public que dans le privé. Ils savent surtout que les conservateurs ne remportent
pas la palme lorsque vient le temps de couper à la SRC.
Dans une chronique pour
le moins étonnante, Nathalie Petrowski, de La Presse, nous l’a rappelé.
Elle est venue en quelque sorte à la défense des conservateurs – se défendant
bien d’être leur amie… « Si vous pensez que Stephen Harper n'aime pas
Radio-Canada, dites-vous que Jean Chrétien se réveillait la nuit pour la haïr »,
écrit-elle. « Depuis les années 80, libéraux et conservateurs ont sabré
successivement – et pas toujours délicatement – dans le budget de Radio-Canada
et de CBC. Reste que c'est en 1995, sous les libéraux de Chrétien, que la télé
publique a connu ses pires compressions. Cette année-là, un total de 440
millions ont été amputés du budget annuel, qui s'élevait alors à 1,5 milliard. »(3)
« Bref, poursuit-elle,
les trous dans la culture québécoise de James Moore ou l'allergie de notre
premier ministre aux artistes dans les riches galas, c'est de la petite bière à
côté de la déferlante libérale fédérale postréférendaire. […] Il n'en demeure
pas moins que ces conservateurs honnis, maudits et méprisés de tous ont été pas
mal moins sauvages, du moins à l'égard de la télé publique, que les libéraux de
Chrétien. »
Avouez que venant d’un média québécois « mainstream », c’est plutôt
surprenant!
Son
camarade Marc Cassivi, chroniqueur culturel, a opté, lui, pour l’approche plus…
conventionnelle(4).
Selon lui, nous ne payons pas suffisamment pour la société d’État: « En 2007,
chaque citoyen britannique a contribué 124$ à la BBC. La contribution annuelle
de chaque Français à France Télévision passera bientôt de 65$ à 77$. Combien a
coûté à chaque Canadien l'ensemble des services de Radio-Canada/CBC en 2008??
Exactement 34$. Neuf cents par jour. Même pas de quoi s'acheter une gomme
Bazooka. »
Aïe, aïe, aïe. Quand ce
n’est pas la tasse de café, c’est la gomme Bazooka. Les Britanniques paient plus
pour leur BBC, on devrait payer plus pour notre SRC! C’est logique. Les Français
se font saigner pour une télé publique, ma foi, plutôt mauvaise, vite, faisons
comme eux!
« Une étude réalisée par
le Groupe Nordicité en 2007 a révélé que le Canada se classait 14e parmi 18 pays
occidentaux en ce qui concerne le financement de la radiodiffusion publique,
poursuit-il. Il faudrait que le gouvernement canadien double le financement
qu'il accorde à Radio-Canada/CBC pour atteindre la parité avec la France, et
qu'il le quadruple pour rejoindre le niveau de la Grande-Bretagne. Ce n'est pas
moi qui le dis, c'est Hubert Lacroix, le PDG de Radio-Canada/CBC. »
Dans le monde idéal de
Cassivi, les Canadiens paieraient 2,2 milliards de dollars par année, à
l’exemple de nos cousins français, pour leur Radio-Canada. (Ça ne ferait après
tout que 68$ par tête de pipe. Soit deux gommes Bazooka par jour. De quoi faire
des ballounes et, qui sait, kick starter l’industrie de la dentisterie.)
Mais comme il est raisonnable, il se contenterait bien du 40$ par tête de pipe
réclamé par le milieu… |