MYTHES ET RÉALITÉS SUR LA CRISE ÉCONOMIQUE (Version imprimée)
par
Pierre-Guy Veer*
Le Québécois Libre, 15 avril 2009, No 266.
Hyperlien:
http://www.quebecoislibre.org/09/090415-4.htm
Quand l'économie va mal, il semble que n'importe qui peut se prétendre
expert et analyser la situation. En ces temps de troubles économiques,
« tout le monde » semble s'accorder (encore une fois) pour dire que le
capitalisme est en cause. À cause de la déréglementation, des banques
sans scrupule ont accordé des prêts à des gens qui ne pouvaient pas se
les permettre.
Quiconque a le moindrement étudié l'économie peut se rendre compte du
non-sens total de cette proposition. Les banques, comme n'importe quelle
entreprise privée, sont motivées par la recherche du profit. Pas de
profit, pas d'existence. Et pour s'assurer d'en réaliser, les banques
exigent un pourcentage d'intérêt plus élevé aux gens qu'elles
considèrent à risque. J'en sais quelque chose: alors que j'étais encore
en probation pour mon travail, on m'offrait un taux hypothécaire de
presque 10%!
La seule raison qui puisse expliquer qu'une banque prête à bas taux à
des gens à risque est la réglementation (et non la déréglementation).
C'est exactement ce qui s'est produit aux États-Unis. En 1992, sous un
Congrès majoritairement démocrate, le gouvernement a mis en place une
foule de règlements pour augmenter le crédit. Entre autres:
• On ne pouvait décourager les gens recevant de l'aide sociale à
contracter un prêt;
• L'assistance publique devait être considérée comme un revenu
ordinaire;
• On ne pouvait refuser un prêt pour une personne employée à temps
partiel;
• Un prêteur ne pouvait tenir compte du fait qu'une femme pouvait
tomber enceinte et arrêter de travailler.
Bref, sous le couvert de donner une chance à tout le monde, le
Congrès a dicté à l'entreprise privée à qui elle devait prêter. Les
réfractaires pouvaient être exposés à des amendes.
Même la Réserve fédérale (l'équivalent de la Banque du Canada là-bas)
s'en est mêlée. Selon elle, le fait qu'on accorde moins de prêts aux
Noirs et aux Hispaniques qu'aux Caucasiens est une preuve flagrante de
discrimination. Encore une fois, cette proposition ne fait aucun sens.
Une banque se priverait-elle vraiment de prêter à une personne solvable
à cause de la couleur de sa peau à la fin du 20e siècle?
Les banques sont très peureuses; elles prêtent seulement aux personnes
qui semblent de confiance, quitte à imposer un intérêt plus élevés. Mais
si on les force, elles prêteront à des gens plus à risque. C'est ce
qu'elles ont fait. Et à cause de ce tour de force, des milliers de gens
ont contracté des prêts sans posséder les revenus nécessaires pour les
rembourser.
Voici un cas typique d'une compagnie de crédit qui ne se plie pas aux
volontés de l'État. Accubanc Mortgage Corporation du Texas a dû payer
2,8 M $ parce que le gouvernement jugeait discriminatoire ses politiques
de prêts. Questionné à ce sujet, le secrétaire du comité du logement et
du développement urbain, le démocrate Andrew Cuomo, a lui-même avoué que
ces prêts étaient risqués et qu'il y avait un fort risque de défaut de
paiement.
Résultat évident de ces règlements: les gens épargnent moins et
dépensent plus. Entre 1992 et 2004, le taux d'épargne est passé de 8% à
presque 0%! Sans les épargnes des gens, les banques ne peuvent plus
prêter. S'en suivent, évidemment, des faillites...
Au cas où vous vous poseriez la question: le « méchant capitaliste »
George W. Bush a essayé de corriger ces erreurs irresponsables.
Plusieurs fois, en plus. Malheureusement, les démocrates ont toujours eu
assez de membres pour faire du fillibuster (parler sans raison
pour retarder un projet de loi). Les généreux dons de Freddie Mac et
Fannie Mae (des compagnies parapublique de prêts hypothécaires) au Parti
démocrate ont sans doute aidé au maintien de ces règles...
Bref, quand on vous dit que le capitalisme a causé une crise, exigez
plus d'informations. La crise des années 1930 a grandement été amplifiée
par les gouvernements via des tarifs douaniers prohibant tout commerce
mondial. La crise actuelle est, encore une fois, largement causée par
l'intervention du gouvernement, qui forçait la main aux compagnies de
crédit pour prêter à des gens potentiellement insolvables. Bien que le
capitalisme soit imparfait, il est (pour paraphraser Winston Churchill)
le pire système à l'exclusion de tous les autres.
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Pierre-Guy Veer est journaliste à l'hebdomadaire fransaskois
l'Eau vive, de Saskatchewan. |