LES LIMITES DE LA PLANIFICATION BUREAUCRATIQUE MONDIALE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT (Version imprimée)
par Maher Gordah*
Le Québécois Libre, 15 avril 2009, No 266.

Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/09/090415-5.htm


La recherche de la croissance économique est un sujet de préoccupation assez ancien chez les économistes. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, les économistes et les experts les plus réputés en matière de développement économique ont essayé de découvrir les remèdes qui permettraient aux pays pauvres de converger vers les niveaux de développement des pays industrialisés.

Comme le soulignait très justement l'économiste américain William Easterly de l'Université de New York: « tels les antiques explorateurs, les économistes ont tenté de découvrir l'objet précieux, la clé qui permettrait aux pauvres tropiques de devenir riches ». Les remèdes magiques prescrits par ces experts, reposant trop souvent sur une idéologie planificatrice, recourraient sur l'aide publique extérieure pour financer l'investissement en capital physique, la promotion de l'éducation de masse, le contrôle de la démographie ou encore l'annulation des dettes sous condition de réformes. Le résultat est le suivant: aucune de ces panacées n'a répondu à leurs espérances. Ces élixirs n'ont pas permis aux pays pauvres de connaître la croissance et la prospérité économique.

L'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, qui ont bénéficié de toutes les attentions des économistes durant les cinquante dernières années, ont connu une croissance nulle voire négative à certaines périodes. La conséquence majeure est que ces pays représentent encore aujourd'hui le foyer d'une énorme concentration des pauvres du monde entier. La raison principale est que la croissance économique reste liée principalement aux bonnes incitations, c'est-à-dire que les agents économiques agissent selon les bénéfices espérés qu'ils peuvent tirer de leurs actions.

Étrangement, les économistes du développement ont occulté ce point lorsqu'ils ont établi leur diagnostic et proposé leurs « remèdes miracles ». Le développement économique ne peut apparaître que si le trio formé par les donateurs, les gouvernements des pays du Tiers-monde et leur population est soumis à des incitations qui lui sont favorables. La croissance économique devient une réalité lorsque le gouvernement est incité à promouvoir le progrès technologique, l'investissement productif et la promotion d'une instruction de qualité.

Même le programme d'annulation des dettes, qui était à l'ordre du jour des organismes internationaux depuis 1979, n'a pas permis l'amélioration de la situation économique des pays pauvres, la raison principale étant l'irresponsabilité des gouvernements de ces pays. En effet, malgré l'annulation de 33 milliards de dollars de dettes des 41 pays les plus endettés (selon la Banque mondiale), le montant des nouvelles dettes de ces pays a atteint quant à lui plus de 41 milliards de dollars, sur une période allant de 1989 à 1997.

Ainsi, paradoxalement, il semblerait que la dynamique du désendettement justifie celle de l'endettement. Des études empiriques récentes ont montré qu'il existe un lien statistique assez significatif entre la part du « soulagement » moyen de la dette (en pourcentage du PIB) et l'endettement net supplémentaire (en pourcentage du PIB). Par conséquent, l'effacement de la dette ne semble pas avoir profité à la croissance économique, bien au contraire. Il apparaîtrait donc qu'une politique d'annulation des dettes ne puisse fonctionner que si deux conditions sont remplies:

a) Seuls les pays pour lesquels un progrès réel du comportement des autorités publiques en matière des dépenses budgétaires a été observé devraient pouvoir bénéficier d'une annulation de leurs dettes.
b) L'allégement devrait avoir lieu seulement une fois, sans aucune alternative de reconduction, afin d'éviter l'entretien d'incitations perverses à l'endettement.

À la lumière des connaissances récentes en matière de croissance économique, on peut procéder à un inventaire succinct des mauvaises incitations ayant conduit à ce que l'on peut appeler le fiasco de l'aide au développement:

• les ménages et les firmes n'ont pas investi dans le futur en raison de l'existence d'une inflation galopante néfaste pour les investissements;
• les gouvernements n'ont pas subventionné les pauvres et ont choisi des politiques destructrices pour la croissance à cause de la rivalité qui existe entre les factions ethniques antagonistes pour se partager la richesse existante.
• Enfin, en apportant leur soutien à des gouvernements non réformistes, les donateurs institutionnels ont contribué à affaiblir les incitations à mettre en oeuvre des réformes en appliquant des critères bureaucratiques dans l'attribution de l'aide sans tenir compte d'aucun critère de sélectivité. Ils ont été davantage préoccupés de justifier leur propre budget de l'année suivante au lieu de s'assurer que les financements ne soient pas détournés de leurs objectifs premiers.

La quête de la croissance sous les tropiques par les experts planificateurs internationaux s'est traduite par un échec cuisant. Ni l'aide internationale, ni l'éducation, ni le contrôle démographique et ni l'annulation des dettes ne se sont avérés efficaces pour la croissance. Aucune de ces panacées n'a fonctionné car elles ne tiennent pas compte d'un principe fondamental en économie, à savoir que les agents économiques répondent favorablement aux incitations.

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* Maher Gordah est doctorant en sciences économiques, GREDEG/CNRS, à l'Université de Nice Sophia Antipolis.