Le premier
cas correspond à l'éthique, c'est-à-dire aux préférences de chaque
individu quant à sa propre vie. Il y est question d'un ordre de
préférence entre des lignes de conduite alternatives (et les vécus
futurs qui en sont les conséquences prévues).
L'éthique est donc
relative et contingente. Elle est relative à chaque individu, et
même au vécu actuel de chaque individu, puisqu'elle concerne la
préférence d'un individu à un moment donné entre un nombre limité de
possibilités. Elle est donc contingente, parce que d'autres
individus, ou bien le même individu à d'autres moments, ou dans
d'autres circonstances, pourraient avoir des préférences
différentes.
Le second cas correspond
à la morale, c'est-à-dire au devoir constant de tout individu. Il y
est question, non pas de valeur relative et contingente, mais de
Bien et de Mal, c'est-à-dire d'un critère de valeur absolu et
obligatoire, lequel devrait être suivi par tout individu,
constamment, quelles que soient les circonstances.
La morale signifie qu'il
peut y avoir, parmi les lignes de conduite ouvertes à un individu à
un moment donné, certaines qui lui soient obligées, et d'autres qui
lui soient interdites, non pas en raison de la valeur relative qu'il
leur donne, mais du fait qu'elles soient en elles-mêmes Bien et Mal. Il est courant de moquer ceux qui croient « encore » au Bien et au Mal.
Ce qui est en jeu, pourtant, dans cette distinction, ce n'est pas
seulement la morale, mais aussi bien le droit. Car ils sont
la même chose. Comme on l'a vu, le concept de droit implique que
certains types d'action soient illégitimes (et les autres seulement
légitimes). Mais c'est la même chose que de parler de légitimité et
d'illégitimité ou de Bien et de Mal.
Si l'on ne croit pas que
le recours initial à la coercition, c'est-à-dire la violence, soit
en elle-même un Mal, alors il n'y a rien à objecter à ceux
qui prônent le pseudo-droit du plus fort. Il n'y a qu'à leur opposer
sa propre force.
Ainsi donc, la morale
étant la même chose que le droit, le devoir constant de tout
individu consiste simplement à ne pas violer le droit fondamental
d'autrui, dans aucune de ses manifestations. Et ce droit fondamental
de tout individu est, dans chacune de ses manifestations, celui de
vivre sa propre vie en fonction de ses propres valeurs, c'est-à-dire
comme il le préfère.
|