Nos
étatistes sont cent fois plus vicieux et puissants que les
monarques d’antan. Leur entreprise consiste à spolier
délibérément les plus faibles et à confisquer la richesse là
où elle est produite. Inutile de se voiler la face: nos
princes ont réussi au-delà de toute espérance.
Mais peut-il exister des
princes soucieux du bien du peuple, qui fassent passer son
intérêt avant le leur, conscients du risque de « corruption
absolue » qui découle du pouvoir absolu? L’argument
libertarien est sans appel: dès que le pouvoir sort de sa
sphère légitime, qui consiste à faire respecter le droit
naturel, et qu’il s’occupe de monnaie, d’éducation, de
santé, de culture, de religion, etc., le prince est
immanquablement immoral, quelles que soient par ailleurs ses
qualités. Cela se traduisait autrefois par un Léviathan
alternativement belliqueux, esclavagiste, théocratique,
impérialiste, colonialiste, paternaliste.
Dans la variante moderne
qui est celle de notre époque, cela se traduit in fine
par des déficits accrus et une dette qui sera impossible à
rembourser, avec un prince « démocratiquement » élu qui
dispense l’argent volé en espérant que d’autres que lui,
dans un avenir indéterminé, s’emploieront à nettoyer les
écuries d’Augias et à remédier aux dégâts collatéraux. C’est
le contribuable futur qui payera (croit-on), ou bien on
dévaluera la monnaie sans se soucier de la ruine du pays. Le
moment venu, on trouvera bien la victime expiatoire,
politiquement faible, qui conviendra.
Le degré d’étatisme dans
un pays donné peut se mesurer par deux paramètres: l’éthique
(ou l’absence d’éthique) de l’élite au pouvoir; la lucidité
(ou l’aveuglement) du citoyen ordinaire. Et à ce jour, il
n’y a pas plus de despotes éclairés, capable d’autolimiter
leur pouvoir, que de sujets bien au fait de leurs droits,
insensibles à la démagogie ambiante et peu portés à ce
« désir de vivre de l’impôt » que diagnostiquait Tocqueville
en ce qui concerne la France.
Le libertarien s’époumone
en vain à crier que le roi est nu, malgré son pouvoir
presque absolu, et que ses sujets, malgré leur prétendue
« conscience citoyenne », sont ignorants, complaisants,
profiteurs ou mus par l’éternel démon de la jalousie
sociale.
À quoi servons-nous donc?
Peut-être uniquement à rendre témoignage, à rappeler à ceux
que l’étatisme triomphant n’a pas encore aveuglés que les
mots galvaudés d’éthique et de justice ont un sens
objectivement défini, reposant sur le respect de la liberté
individuelle et du droit de propriété.
C’est peu, mais c’est
beaucoup quand même.
|