Comme
je lui avais répliqué à l'époque, cette stratégie pouvait
avoir un sens dans le cas d'un mouvement déjà bien établi et
qui cherche à offrir une sorte de bonus pour motiver ses
membres à financer ses activités. Le point fort de la NCC
n'a en effet jamais été sa production intellectuelle, mais
plutôt ses campagnes de publicité.
Au contraire, l'objectif
du QL était – surtout à ce moment, alors que nous
débutions – de faire connaître les idées libertariennes et
de créer un mouvement qui n'existait pas encore en attirant
des curieux et des lecteurs, d'accord ou non, intéressés par
les débats d'idée. En faisant disparaître le contenu du Web
pour ne le rendre accessible qu'en version imprimée à ceux
qui sont déjà convaincus et prêts à payer pour l'obtenir, on
contredisait tout à fait cet objectif. Personne n'aurait
payé pour lire des analyses avec lesquelles ils étaient en
désaccord ou dont ils ignoraient l'existence.
Comme ni moi ni Harper
n'étaient prêts à changer de stratégie, le projet n'est
jamais allé plus loin. Il a d'ailleurs quitté la NCC peu
après pour se lancer dans la course à la chefferie de
l'Alliance canadienne en 2001. On connaît la suite...
Je me félicite
certainement aujourd'hui d'avoir maintenu ma position. Au
fil de la dernière décennie, des dizaines de milliers de
gens qui ne partagent pas nos idées sont venus sur notre
site. Plusieurs de ces lecteurs sont eux-mêmes devenus
libertariens, d'autres ont pu démystifier nos idées et au
moins en accepter la pertinence et la légitimité, même s'ils
ne sont pas entièrement d'accord. D'autres encore y sont
farouchement opposés mais constatent qu'elles ont une
influence et sentent le besoin de les attaquer.
Sans cette accessibilité,
nous n'aurions jamais pu contribuer au développement du
mouvement libertarien tel qu'il existe aujourd'hui au Québec
et dans la francophonie. Quant à la NCC, on entend très peu
parler d'elle aujourd'hui, surtout depuis qu'elle a perdu
son dynamique vice-président
Gerry Nichols. Elle continue de mettre l'accent sur des
campagnes de publicité traditionnelles, des pétitions et
autres moyens de pression de l'ère pré-Internet. Si elle
cessait ses activités demain matin, elle ne laisserait rien
en héritage, à part de vieux magazines jaunis introuvables.
Parmi les nombreuses
erreurs que Stephen Harper aura commises dans sa carrière,
on pourra rajouter celle de rester accroché à cette
stratégie de non-accessibilité des idées au lieu d'être plus
avant-gardiste, ce qui n'aura heureusement pas eu de
conséquences dans le cas du QL.
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