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Les préférences temporelles et
la réussite (Version imprimée) |
par
Gilles Guénette*
Le Québécois Libre, 15 juin 2009, No 268.
Hyperlien:
http://www.quebecoislibre.org/09/090615-4.htm
Le 10 avril dernier, dans le cadre d’une « Rencontre du QL » à
Montréal, Martin Masse a fait
une
présentation sur le concept crucial mais largement méconnu de
préférences temporelles. Concept fascinant s’il en est un, j'en ai
découvert l'existence, il y a de cela quelques années, lors de la lecture du non
moins fascinant ouvrage The Unheavenly City Revisited (1974)
d’Edward C. Banfield.
En gros, les préférences temporelles sont le degré de préférence qu'une
personne accorde aux gratifications (ou satisfactions) dans le présent
comparativement aux gratifications dans le futur. Par exemple,
l’étudiante en médecine a une préférence temporelle plus basse que le
mendiant. Elle est prête à faire des sacrifices aujourd’hui – à reporter
d’éventuelles gratifications personnelles – pour avoir plus
demain (dans ce cas-ci, un doctorat, une carrière, de bons salaires…).
Le mendiant, lui, en a une très élevée. Il est collé sur le présent. Il
quémande pour se payer sa prochaine bouteille, un bout de pizza, des
cigarettes. Ses horizons temporels sont extrêmement courts. De quelques
minutes à quelques heures, tout au plus.
Comme l’explique Banfield dans son bouquin, ce sont bien plus les
préférences temporelles élevées qui sont à l’origine de la pauvreté ou
de la criminalité, par exemple, que « la société » ou « le milieu » dans
lequel une personne évolue. Tout n’est pas uniquement une question de
malchance et de moyens financiers, comme veulent nous le faire croire
les membres du lobby des pauvres pour qui il ne suffirait que
d’augmenter le montant des chèques d’assistance sociale pour que les
« personnes en situation de pauvreté » s’extirpent de leur situation.
Selon Banfield, plus on donne d’argent à un assisté, plus il en
dépensera pour obtenir des gratifications immédiates. Résultat: il se
retrouvera « en difficulté » avant que n’arrive la fin du mois – comme
avant.
Depuis que j’ai pris connaissance du concept, je suis convaincu que
l’éducation offerte par nos parents joue un grand rôle dans le fait
d’avoir des préférences temporelles basses ou élevées. Le mois dernier,
un article sur la question est venu me conforter dans mes croyances.
Dans « Don’t!
The secret of self-control » (The New Yorker, 18 mai 2009),
Jonah Lehrer trace les grandes lignes d’une expérience menée à partir
des années 1960 sur des enfants de la Bing Nursery School, aux
États-Unis. L’idée générale derrière l’étude – qui s’est développée sur
plusieurs années – était de voir si un haut niveau de volonté et de
contrôle de soi se traduit par une plus grande réussite dans la vie.
En voici les grandes lignes:
À la fin des années 1960, on a invité Carolyn
Weisz, une fillette de 4 ans aux longs cheveux bruns, à entrer dans
une « salle de jeux » à la Bing Nursery School, une maternelle
située sur le campus de l'Université de Stanford. La pièce, un peu
plus petite qu'un grand placard, contenait un bureau et une chaise.
On a demandé à Carolyn de s'asseoir sur la chaise et de choisir
l’une des friandises posées sur un plateau installé devant elle.
Entre les guimauves, les biscuits, et les bâtonnets de bretzel, la
fillette a choisi une guimauve. Bien qu'elle ait maintenant 44 ans,
Carolyn a toujours un faible pour ces petites boules de sirop de
maïs et de gélatine. « Je sais que je ne devrais pas les aimer,
dit-elle, mais elles sont si délicieuses! » Un chercheur a alors
fait une offre à Carolyn: elle pouvait soit manger la guimauve tout
de suite, soit attendre quelques minutes – alors qu'il quitterait la
pièce – et avoir deux guimauves à son retour. Il la rassura
en ajoutant que durant son absence, elle pourrait sonner à tout
moment sur la cloche qui se trouvait sur le bureau pour qu’il
revienne rapidement et qu’elle puisse manger sa guimauve – la
fillette perdrait par contre la seconde friandise. Il quitta alors
la pièce.
Bien que Carolyn ne se souvienne pas de l'expérience, et que les
chercheurs ne divulguent pas d'informations au sujet des
participants, elle soupçonne fortement avoir pu reporter de quelques
minutes la gratification. « J’ai toujours été bonne à attendre, dit
Carolyn. Si vous me donnez un défi ou une tâche, je trouverai un
moyen de le mener à terme, même si cela signifie que je
m’abstiendrai de manger ma nourriture préférée. » Sa mère, Karen
Sortino, elle, est catégorique: « Même comme jeune enfant, Carolyn
était très patiente. Je suis sûre qu'elle a attendu. » Mais son
frère Craig, qui a participé aussi à l'expérience, a fait preuve de
moins de courage. Craig, d’un an l’aîné de Carolyn, se rappelle du
supplice de l’attente. « À un certain moment, il doit m'être passé
par la tête que j'étais tout seul, se rappelle-t-il. C’est alors que
j’ai commencé à prendre tous les bonbons. » Craig a aussi été testé
à l’aide de petits jouets en plastique – il pourrait en avoir un
second s'il réussissait à attendre. Il est rapidement sauté dans le
bureau, où il a calculé qu’il trouverait d’autres jouets. « J’ai
tout pris ce que je pouvais, dit Craig. Après cela, j'ai remarqué
que les professeurs m'ont fortement encouragé à ne plus participer à
l'expérience… »
Les enregistrements vidéo de ces expériences, qui ont été menées sur
plusieurs années, sont poignants. On y voit des enfants lutter pour
retarder la gratification toujours un peu plus. Certains se couvrent
les yeux avec leurs mains ou se tournent pour ne plus voir le
plateau. D'autres donnent des coups de pied sur le bureau, ou tirent
sur leurs nattes, ou jouent avec la guimauve comme s’il s’agissait
d’un ourson en peluche. Un garçon regarde soigneusement autour de la
pièce pour s'assurer que personne ne peut le voir. Il prend alors un
biscuit Oreo, l’ouvre délicatement, lèche la crème blanche qui en
constitue le centre, et le referme avant de le replacer sur le
plateau – un air satisfait sur le visage.
La plupart des enfants ont connu le même sort que Craig. Ils ont
lutté pour résister au plaisir et ont réussi à tenir pour une
moyenne de moins de trois minutes. « Quelques enfants ont mangé la
guimauve tout de suite, se souvient Walter Mischel. Ils n’ont même
pas sonné la cloche. D’autres enfants ont dévisagé directement les
friandises pour sonner la cloche trente secondes plus tard. »
Environ trente pour cent des enfants, cependant, ont fait comme
Carolyn. Ils ont retardé avec succès la gratification jusqu' à ce
que le chercheur revienne dans la pièce, une quinzaine de minutes
plus tard. Ces enfants ont lutté contre la tentation, mais ont
trouvé une façon de résister.
L'objectif initial de l'expérience était d'identifier les processus
mentaux qui permettent à certaines personnes de retarder une
gratification alors que d'autres sont tout simplement incapables.
Après avoir publié quelques rapports sur les études de la Bing
Nursery School au début des années 1970, Mischel s'est consacré à
d’autres secteurs de recherche sur la personnalité; « Il y a peu de
choses que vous pouvez faire avec des enfants qui se retiennent pour
ne pas manger des guimauves. »
Mais occasionnellement, Mischel s’informaient auprès de ses trois
filles – qui ont toutes fréquenté la Bing –, du sort de leurs amis
de l'école maternelle. « C'était le genre de conversations que vous
auriez eu à l'heure du souper autour d’une table, se rappelle-t-il.
Je leur demandais, "Et comment est Jane? Comment est Eric? Comment
réussissent-ils à l'école?" » Mischel a commencé à remarquer un lien
entre la performance académique des enfants – maintenant adolescents
– et leur capacité de pouvoir attendre la seconde guimauve.
Il a demandé à ses filles d’évaluer académiquement leurs amis sur
une échelle de zéro à cinq. En comparant ces résultats avec les
données originales de l’étude, il a vu une corrélation. « C’est à ce
moment que je me suis rendu compte qu’il fallait que je fasse cela
sérieusement », affirme-t-il. En 1981, Mischel a fait parvenir un
questionnaire à tous les parents qu’il pouvait rejoindre, aux
professeurs, et aux conseillers académiques des 653 sujets ayant
participé à l’étude sur les guimauves et fréquentant maintenant
l'école secondaire. Il s'est alors renseigné sur chaque trait auquel
il pouvait penser: de leur capacité à planifier et à anticiper le
futur à leur capacité « à se débrouiller avec les problèmes » et à
s'entendre avec leurs pairs. Il s’est aussi procuré les résultats de
leur « SAT Reasoning Test » [un examen standardisé utilisé sur une
base nationale pour l'admission aux collèges et aux universités aux
États-Unis].
Aussitôt que Mischel a commencé à analyser les résultats, il a
remarqué que les enfants qui avaient de la difficulté à reporter une
gratification dans le futur (low delayers) – ceux qui avaient
sonné la cloche – semblaient plus aptes à éprouver des problèmes de
comportement à l'école et à la maison. Ils ont obtenu de moins bons
résultats aux tests SAT. Ils ont lutté davantage dans des situations
de stress, ont souvent eu de la difficulté à se concentrer, et ont
trouvé difficile de maintenir des amitiés. Les enfants qui ont pu
attendre quinze minutes ont eu, en moyenne, un résultat de 210
points plus élevés aux tests SAT que celui de leurs camarades qui
n’ont pu attendre que trente secondes.
Carolyn Weisz est le parfait exemple d'une personne n’ayant pas de
difficulté à reporter des gratifications dans le futur (high
delayer). Elle a étudié à Stanford et a obtenu son Ph.D. en
psychologie sociale à l’Université Princeton. Elle est maintenant
professeure associée de psychologie à l'Université de Puget Sound.
De son côté, son frère Craig s’est installé à Los Angeles et a passé
sa carrière à faire « toutes sortes de choses » dans l'industrie du
divertissement, surtout dans le domaine de la production. Il
travaille actuellement à l’écriture et à la production d’un film.
« Bien sûr, j’aurais souhaité être une personne plus patiente,
confie Craig. À regarder en arrière, il y a sans doute des moments
où ça m’aurait aidé à faire de meilleurs choix de carrière et
autres. »
Mischel et ses collègues ont continué à traquer les sujets de
l’étude de la Bing Nursery School jusqu’à la fin trentaine – Ozlem
Ayduk, un professeur associé de psychologie à l'Université de
Californie, à Berkeley, a trouvé que les personnes qui avaient de la
difficulté à reporter des gratifications dans le futur (low
delayers) ont une indice de masse corporelle plus élevée et sont
plus susceptibles d’avoir eu des problèmes de drogues –, mais il
devenait de plus en plus frustrant d’avoir à travailler à partir de
rapports réalisés par les sujets eux-mêmes. « Il y a souvent un
écart entre ce que les gens veulent bien vous dire et leur
comportement dans le vrai monde », explique-t-il.
C’est pourquoi, l'an dernier, Mischel, qui est maintenant professeur
à Columbia, et une équipe de collaborateurs, ont commencé à demander
aux participants de l’étude de la Bing de se rendre à Stanford afin
de participer à une nouvelle expérience de quelques jours en
Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) cette
fois-ci. Carolyn dit qu'elle y participera plus tard cet été; Craig
a complété le formulaire, mais n’a pas été invité. Les scientifiques
espèrent identifier les régions de cerveau qui permettent à
certaines personnes de pouvoir reporter leurs gratifications et de
contrôler leurs humeurs. Ils mènent aussi une batterie de tests de
dépistage génétique, à la recherche de caractéristiques héréditaires
qui influenceraient la capacité d’attendre – une seconde guimauve,
par exemple.
Si Mischel et son équipe réussissent, ils auront esquissé le réseau
de circuits neuronaux du contrôle de soi (self-control).
Depuis des décennies, les psychologues se sont concentrés uniquement
sur l'intelligence comme étant la variable la plus importante
lorsqu’il s'agit de prédire le succès dans la vie. Mischel estime
que l’intelligence est à la merci du contrôle de soi: même les
élèves les plus brillants ont besoin de faire leurs devoirs.
« Ce que nous mesurons réellement avec les guimauves n’est pas
seulement le contrôle de soi ou le degré de volonté (will power),
rajoute Mischel. C'est beaucoup plus important que cela. Le test
force les enfants à trouver une façon de faire qui fonctionne à leur
avantage. Ils veulent la deuxième guimauve, mais comment peuvent-ils
l'obtenir? Nous ne pouvons pas contrôler le monde, mais nous pouvons
contrôler notre façon d’y penser. » […]
À la fin des années 1960, les psychologues supposaient que cette
capacité qu’ont les enfants d’attendre dépendait de la mesure dans
laquelle ils voulaient réellement la guimauve. Mais il s’est bientôt avéré
évident que chaque enfant souhaite avoir une seconde friandise.
Qu’est-ce qui détermine alors le contrôle de soi? Mischel en est
venu à conclure, après plusieurs centaines d'heures d'observation,
que l’aptitude cruciale était « l'allocation stratégique de
l'attention ». Au lieu de devenir obsédé par la guimauve – « la
stimulation intense » –, les enfants le moindrement patients se sont
changé les idées en se couvrant les yeux, en prétendant jouer à
cache-cache en-dessous du bureau, ou en chantant des chansons de la
populaire série télévisée Sesame Street. Ils n’ont pas vaincu
leur désir, ils l’ont tout simplement oublié. « Si vous pensez à la
guimauve et au fait qu'elle est délicieuse, alors vous la mangerez,
soutient Mischel. La clé est d'éviter d’y penser en partant. »
Chez les adultes, on réfère souvent à cette aptitude par le terme de
métacognition, ou l’art de penser à la pensée, et c'est ce qui
permet aux gens de dépasser leurs faiblesses. (Quand Ulysse s'est
fait lier au mât du bateau, il utilisait certaines des aptitudes de
la métacognition: sachant qu'il ne pourrait pas résister au chant de
sirènes, il a fait en sorte qu’il est devenu impossible d’y
succomber). Les principales données de Mischel, colligées à partir
de diverses études, lui ont permis de voir que les enfants, à l’aide
d’une compréhension plus précise des mécanismes qui expliquent le
contrôle de soi, étaient plus en mesure de reporter la
gratification. « Ce qui est intéressant lorsqu’on observe des
enfants de 4 ans est qu'ils apprennent quelles sont les règles de la
pensée, dit Mischel. Les enfants qui ne pouvaient pas attendre
avaient souvent les règles à l’envers. Ils pensaient que la
meilleure façon de résister à la guimauve était de la dévisager, de
la garder bien en vue. Ce qui est la pire chose à faire. Si vous
faites cela, vous allez sonner la cloche avant que je quitte la
pièce. »
Selon Mischel, cette façon de concevoir la volonté aide aussi à
expliquer pourquoi le test de la guimauve a une telle valeur
prédictive. « Si vous pouvez composer avec les émotions chaudes,
alors vous pouvez étudier pour le test SAT au lieu de regarder la
télévision, ironise Mischel. Et vous pouvez épargner plus d'argent
pour la retraite. Ce n'est pas seulement une question de
guimauves. »
À partir de travaux effectués subséquemment par Mischel et ses
collègues, on a trouvé que ces différences étaient observables chez
les sujets âgés d’aussi peu que dix-neuf mois. En regardant comment
les bébés ont réagi lorsqu’ils étaient brièvement séparés de leur
mère, ils ont noté que certains éclatent immédiatement en sanglots,
ou s’accrochent à la poignée de la porte, alors que d'autres ont été
en mesure de surmonter leur anxiété en se changeant les idées,
souvent en jouant avec des jouets. Quand les scientifiques ont fait
passer le test de la guimauve aux mêmes enfants, maintenant âgés de
cinq ans, ils se sont rendu compte que les enfants qui avaient
pleuré avaient aussi de la difficulté à résister à la friandise
convoitée.
Les premiers signes de la capacité à reporter les gratifications
suggèrent qu'elle est d’origine génétique, la source la plus
prédéterminée des traits de personnalité. Mais Mischel résiste à la
facilité d’une telle conclusion. « En général, tenter de séparer la
nature du milieu a autant de sens que d’essayer de séparer la
personnalité de la situation, dit-il. Les deux influences sont
complètement inter-reliées. »
Par exemple, quand Mischel a fait passer des tests visant à étudier
le report de gratifications à des enfants de familles pauvres du
Bronx, il a remarqué que leur capacité à reporter les gratifications
était en-dessous de la moyenne, du moins comparée à celle d'enfants
de Palo Alto. « Quand vous grandissez pauvre, vous n’êtes peut-être
pas aussi prompt à reporter à plus tard des gratifications, dit-il.
Et si vous ne le faites pas, alors vous ne découvrirez jamais
comment "vous changer les idées". Vous ne développerez pas les
meilleures stratégies de report, et ces stratégies ne deviendront
pas une seconde nature pour vous. » En d'autres termes, les gens
apprennent à utiliser leur esprit tout comme ils apprennent à
utiliser un ordinateur: à l’aide d’essais et d'erreurs.
Mais Mischel a trouvé un raccourci. Quand lui et ses collègues ont
enseigné aux enfants une série de simples tours mentaux – comme
prétendre que la friandise n’est qu’une image et qu’un cadre
imaginaire l’entoure –, il a amélioré de façon spectaculaire leur
contrôle de soi. Les enfants qui n'avaient pas pu attendre plus de
soixante secondes pouvaient maintenant attendre quinze minutes.
« Tout ce que j'ai fait, c’est leur donner quelques trucs tirés de
leur petit manuel d’utilisation du cerveau, dit Mischel. Aussitôt
que vous vous rendez compte que la volonté est seulement une façon
d'apprendre à contrôler votre degré d’attention et vos pensées, vous
pouvez commencer sérieusement à l’augmenter. » […]
Ce dont Walter Mischel parle lorsqu’il traite de
la propension de la petite Carolyn Weisz à pouvoir reporter à plus tard
des gratifications – dans ce cas-ci, la dégustation d’une guimauve –,
c’est des préférences temporelles. Carolyn a des préférences temporelles
basses. C’est-à-dire qu’elle n’a pas de difficulté à reporter des
gratifications dans le futur. Son frère, Craig, lui, en a des plus
élevées. Ce que l’étude de la Bing Nursery School montre, c’est que plus
une personne a des préférences temporelles basses, plus elle a de
chances de vivre une vie équilibrée – d’avoir un contrôle sur sa vie.
Plus une personne a des préférences élevées, plus elle a des chances de
mener une vie difficile et d’avoir peu de contrôle sur celle-ci.
Comment faire alors pour avoir des préférences temporelles basses?
Mischel est clair: il ne suffit pas d’enseigner aux enfants quelques
trucs mentaux; il faut faire en sorte que ces trucs se transforment en
habitudes de vie. Et c’est ici qu’entrent en jeu les parents. « Ont-ils
établi des rites qui vous forcent à reporter à plus tard des
gratifications sur une base quotidienne? Vous encouragent-ils à
attendre? Et font-ils en sorte que votre attente en a valu la peine? »
Selon lui, même les routines les plus banales – éviter de grignoter
avant le dîner, ou accumuler ses sous dans une tirelire – sont
d’excellents exercices dans cet apprentissage. « Nous devrions donner
des guimauves à chaque élève de maternelle, affirme Mischel. Nous
devrions leur dire, "Tu vois cette guimauve? Tu n’as pas à la manger. Tu
peux attendre. Voici comment." »
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vie de la même manière.
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Gilles
Guénette est titulaire d'un baccalauréat en communications et éditeur du Québécois Libre. |