Le Québécois Libre, 15 juin 2009, No 268. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/09/090615-7.htm Le prolifique analyste financier et auteur suisse Pierre Leconte a lancé il y a quelques semaines son cinquième ou sixième bouquin depuis le début de la décennie sur les questions monétaires et financières internationales. J'avais déjà parlé d'un livre précédent, La grande crise monétaire du XXIe siècle a déjà commencé! dans le QL il y a un peu plus d'un an (il y en a eu un autre entre-temps que je n'ai pas lu, Les faux-monnayeurs). Il est difficile de résumer ce livre, qui se présente comme une sorte de long reportage sur les origines de la crise (mais sans répéter de nouveau en détail des explications déjà élaborées dans les volumes précédents) avec une mise à jour reprenant les développements des derniers mois comme les plans de relance annoncés par la plupart des gouvernements, des analyses de sujets précis comme « le grand contresens à propos de la déflation » ou les « élucubrations » de John Maynard Keynes, et enfin des conseils aux investisseurs pour protéger leurs avoirs en cette période de turbulence majeure. Je parle de format « long reportage » parce que M. Leconte ne nous propose pas vraiment un essai théorique qui développe systématiquement une thèse centrale, mais s'attaque plutôt à différents aspects de la question souvent sur le ton d'un chroniqueur plutôt que d'un essayiste. Il reprend par exemple à son compte en les commentant de longues citations tirées de livres ou articles de journaux. Ce format a le grand avantage, surtout pour des lecteurs qui n'ont pas envie de trop s'imprégner de théorie, d'être plus accessible et de faire passer de nombreux messages et explications plus facilement. M. Leconte ne délaisse pas pour autant les aspects fondamentaux du problème et parle de réserves fractionnaires, des idées de Mises et Hayek, de l'étalon-or, du découplage du dollar avec l'or par Nixon en 1971, et d'autres éléments qu'il faut connaître pour avoir une vue d'ensemble de la situation. Selon le quotidien genevois L'Agefi, le bouquin se vend très bien en Europe francophone. Il ne semble pas encore disponible au Canada mais on peut le commander sur Amazon.fr. Je répéterai en terminant une critique que j'avais faite à propos du livre précédent: le manuscrit aurait eu besoin d'un bon travail d'éditeur pour enlever les coquilles et réécrire des passages maladroits avant d'être publié. Au-delà de ce problème de forme, je ne peux que recommander fortement ce volume à tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les événements économiques que nous traversons. À noter que Pierre Leconte a récemment lancé son propre blogue à www.forum-monetaire.com. M. Masse * * * De la crise financière vers l'hyperinflation (extraits) Pierre Leconte Il faut revenir, en Occident, à des économies fondées sur l'épargne et non plus sur le surendettement keynésien pour leur permettre de reconstituer le stock de capital sans lequel l'investissement s'épuise. Ce ne sont pas les États ni les banques centrales qui peuvent augmenter ce stock de capital, mais des comportements collectifs de prévoyance et de rigueur dans la dépense, tant de la part des agents économiques que des pouvoirs publics. En contradiction totale avec les politiques que ces pouvoirs publics ont employées ces dernières années pour obtenir une fausse croissance économique à crédit et avec celles qu'ils mettent en oeuvre pour tenter de sortir de la crise actuelle. C'est donc à un changement complet de paradigme que la crise actuelle oblige puisque tout le système financier devra, sous peine de s'écrouler, cesser de ne reposer que sur des jeux d'écritures comptables comme sur « les réserves fractionnaires ». Quand la monnaie n'est plus que manipulations et que le capitalisme fonctionne sans capital, il est illusoire d'espérer reconstruire les bases d'une stabilité économique saine et durable. [...] Mais au lieu de proposer la suppression de ces mécanismes d'instabilité par le retour à l'étalon-or, dans lequel la création monétaire est automatiquement fonction des stocks d'or et de la demande réelle des agents économiques, les économistes dits monétaristes, comme le prix Nobel d'économie Milton Friedman, ont pensé pouvoir tourner la difficulté en proposant de limiter la création monétaire en fonction de la croissance effective de l'économie, par exemple de celle du PIB. Proposition qui n'a pas pu être mise en ouvre sur le long terme en raison de l'impossibilité d'anticiper avec précision le PIB à venir, de contraindre les banques privées à limiter leurs émissions de crédit (en dépit des recommandations dites de Bâle édictées par la Banque des règlements internationaux qui sont constamment tournées par les pratiques bancaires des engagements hors bilans, des Special Investment Vehicles ou Conduits), comme d'éviter les politiques monétaires exagérément laxistes unilatéralement décidées par les banques centrales occidentales, qui se sont substituées aux gouvernements dans la conduite desdites politiques dont plus personne ne peut plus savoir en fonction de quels critères objectifs elles sont décidées. [...] La base de la théorie keynésienne repose sur l'idée marxiste – stupide parce qu'invalidée par l'Histoire – que l'intervention de l'État est indispensable pour assurer le plein-emploi comme la stabilité de la plupart des autres mécanismes économiques, la distribution du crédit et l'émission de la monnaie en particulier. Alors que ce sont les marchés libres, dans lesquels l'intervention étatique doit être la plus réduite possible, qui permettent d'ajuster en permanence l'offre et la demande en matière d'emplois, comme pour toutes les autres variables de la production ou de la consommation, en fonction de données réelles que les agents économiques sont individuellement seuls capables d'appréhender. Et cela pour deux raisons évidentes:
Les mauvaises idées de Keynes ont eu trois effets pervers principaux:
Nous ne reviendrons pas sur les deux premiers effets
mentionnés ci-dessus qui ont eu pour conséquence que l'« optimum » keynésien,
destructeur des libertés fondamentales, n'a jamais été aussi bien incarné que
par Hitler et Mussolini lesquels ont suivi – amenant à leur « succès » final que
l'on connaît – avec enthousiasme ses recommandations. Quant à son hostilité à
l'épargne – incarnée dans l'étalon-or –, qui était la vertu par excellence parce
qu'elle permettait la confiance dans l'avenir et la promotion sociale, il est à
relever qu'avec son éradication « C'est l'ensemble des classes moyennes qui voit
disparaître ses raisons d'espérer dans un progrès qui a constitué depuis le XIXe
siècle sa raison d'être et le principal élément de sa cohésion », comme l'écrit
Serge Bernstein dans La France des années 1930 (Fayard, 1994). [...]
Le lecteur qui trouverait notre scénario de destruction des
monnaies de papier occidentales, du fait de l'effondrement des bons du trésor
américain et d'autres États, par trop excessif devrait méditer sur le processus
de faillite des principales banques d'affaires et commerciales américaines et
européennes que nous avions prévu, suite à la chute de la valeur des subprime,
mais qui paraissait à presque tous les observateurs fort improbable. [...] |