Le Québécois Libre, 15 septembre 2009, No 270. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/09/090915-12.htm La presse est remplie régulièrement d’un sujet qui va revenir en boucle, à savoir la promesse de campagne du président Obama de créer une sorte de sécurité sociale publique aux États-Unis. C'est une entreprise difficile car il a contre lui non seulement les républicains mais beaucoup de démocrates. L'ensemble des élus est fort inquiet de la pression éventuelle de l'opinion publique, d'autant plus qu'en 2010 un tiers des sénateurs doivent être changés et tous les représentants doivent être soumis à la réélection. En plus il n'est pas possible de dire que le président ait remporté quelque succès valable depuis sa prise de pouvoir. Sa popularité baisse d'une façon marquante et il semble désireux de se refaire justement à la faveur de ce projet qu’il voudrait le boucler avant la fin de l’année. C'est l'occasion pour la presse française et l’ensemble de la presse occidentale de ressortir diverses contrevérités sur l'organisation de la santé aux États-Unis. Il nous est dit qu’il y aurait 47 millions d'Américains non assurés; il y a peu, il était question de seulement 40 millions! Tous les trucages sont bons pour nos médias. D'une curieuse façon personne ne cite, ni aux États-Unis ni ailleurs, le nombre de personnes très riches qui n'ont nul besoin d'assurance quel que soit le coût des soins: c’est une sorte d’omerta sur un chiffre qui relativiserait le problème. Beaucoup de non-assurés le sont parce qu'ils sont en transit entre deux emplois. Il est des jeunes aussi, pleins de santé, qui pensent qu'ils ne doivent pas prendre une assurance. Probablement existe-t-il aussi beaucoup d'émigrés récents venus participer au rêve américain et qui attendent de pouvoir se payer une assurance ou de se la faire payer par un employeur. Devant tous ces faits, l'argument suprême des médias occidentaux est de dire qu'aux États-Unis beaucoup de gens meurent dans la rue devant un hôpital sans pouvoir être soignés. Or, même les sans-papiers sont soignés. Il existe deux systèmes publics: Medicaid qui prend en charge les non-assurés ainsi que les plus démunis et Medicare pour les personnes âgées. Justement ces organismes sont en déficit récurrent comme une banale « sécu » à la française et ce n’est pas encourageant pour l’avenir du projet. Le président, comme un quelconque président français depuis 60 ans, a promis de veiller à une amélioration de la gestion de ces organismes! Son projet n'est pas facile à cerner, d’autant plus qu’il évolue au hasard des obstacles. Au centre, se trouve l'idée d'une assurance obligatoire pour tous. Le plan prévoirait une structure publique et l'obligation pour tous les employeurs d'assurer leurs employés, à l'exception des entreprises de moins de 25 personnes. Il est prévu 1000 milliards de dollars sur 10 ans. Les experts connaissent la vanité de ces chiffres dès lors que le robinet des dépenses sera forcément ouvert en grand. La folie législative serait totale puisque le premier projet contient déjà 1000 pages et c’est nécessairement un début. Dans un esprit de lutte des classes, il serait prévu d'épargner la classe moyenne, c'est-à-dire en fait de taxer les plus riches avec l'effet habituel de fuite devant l'impôt et de ruine de l’économie. Il est utile de rappeler à ce stade le désastre de la « sécu » à la française telle qu’en rêve le président américain. Limitons-nous à l’assurance-maladie. Le premier inconvénient majeur est la stérilisation de l'épargne qui est détruite par ce quasi impôt que sont les contributions obligatoires à la prétendue assurance-maladie. Dans une société libre, chacun serait invité à épargner pour sa santé, soit de lui-même soit en adhérant à des assurances privées. En France, les faits et les calculs montrent que le coût des assurances privées serait très sensiblement inférieur aux cotisations versées à l'assurance-maladie de la sécurité sociale. La marge de manoeuvre qui serait dégagée par le libre choix de l’assurance-maladie procurerait aux investissements privés une manne considérable, avec en prime l’amélioration des soins. La stérilisation de l'épargne a pour conséquence un amoindrissement considérable de la richesse nationale. C’est une des raisons qui explique par effets indirects la paupérisation relative du peuple français. Il s'ajoute évidemment la déresponsabilisation générale puisque les décisions pour la santé dite publique sont prises par un organisme central qui navigue au hasard et au gré des politiques successives et des syndicats. Le concept de « santé publique » est à rejeter car la santé est un bien purement privé que chacun doit pouvoir gérer à sa guise. Enfin, en conséquence de ce qui précède, se trouve l’impossibilité de gérer normalement: c’est l’explication du fameux « trou » qui existe depuis la création de la « sécu » et est consubstantiel au système, avec régulièrement des solutions bâtardes et insuffisantes. Des assurances privées sont par obligation capitaliste gérées correctement. Toutes ces constatations doivent être connues des élus américains et cela les conduit à beaucoup de méfiance. Certains n'hésitent pas à dire que ce programme de santé peut être le Waterloo du président. Vu sous l'angle de la France, qui nous intéresse évidemment en priorité, il est permis de se demander si un échec éventuel serait une bonne nouvelle. Si le président arrive à réaliser son projet, il est possible que l'économie américaine soit durablement affaiblie suite à la surcharge qu'il va lui imposer et en particulier au découragement des investisseurs. Cela pourrait être considéré chez nous comme une bonne nouvelle étant donnée la compétition ouverte entre toutes les économies et la formidable compétitivité de l'économie américaine dans les conditions actuelles. Mais cela pourrait aussi conduire à saluer une mauvaise nouvelle, car dans la médiocrité de l'économie française créée par l'action délétère des pouvoirs publics, nous sommes, hélas, obligés de compter avec la dynamique américaine. Il reste l'hypothèse où effectivement Obama rencontrerait son Waterloo. Pour les très nombreux Français qui ne vibrent pas avec l’Obamania, ce serait excellent. À chacun de choisir. ---------------------------------------------------------------------------------------------------- * Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres. |