Mais quand survient une
crise, les mêmes entonnent le refrain de la « fin du
capitalisme », de l'« illusion du libéralisme », et l'État
intervient de plus belle pour réguler et relancer
l'économie. Au passage, ce capitalisme que tout le monde
décrie, tout le monde cherche à le sauver à la moindre panne
de croissance. Quand les régimes communistes sont en crise,
les États s’effondrent pour passer à autre chose; quand
l’économie capitaliste est en crise, les États volent à son
secours à défaut d’autre chose.
Dans ces conditions, on
ne sort jamais de l'intervention de l'État, que ce soit sous
forme d'un accroissement des prélèvements publics ou d'un
alourdissement de la réglementation. En France, on ne sait
pas penser autrement ni agir autrement. Et comme les médias,
malgré la multiplicité des chaines, des radios ou des
journaux, tout comme l'éducation nationale, formatent nos
esprits en ce sens au nom de la morale citoyenne, il est
difficile d’aborder la réalité économique sous un autre
angle.
Qu’un gouvernement de droite confie des rapports à une
personnalité de gauche, aussi imminente soit-elle, c’est
sans doute un acte machiavélique dans la stratégie
d’ouverture initiée par le président Sarkozy qui n’en finit
pas de faire couler le Parti socialiste et la gauche
française. En tout cas, il ne faut pas s’étonner du
résultat. Quand on confie un rapport à un expert de gauche
(qu’il soit compétent ou pas d’ailleurs), la conclusion qui
en résultera sera invariablement la même: une nouvelle taxe
verra le jour. Dans les années 1990, face à la dérive des
comptes sociaux, c’est le même Michel Rocard qui fut
l’initiateur de la contribution sociale généralisée (CSG).
Cette nouvelle taxe avait pour objectif de redresser les
comptes de la sécurité sociale. Depuis, les déficits sociaux
ont battu de nouveaux records mais nous avons des taxes
supplémentaires qui pèsent sur les agents économiques. Le
problème à l’origine de la taxe n’a pas été résolu, mais la
taxe est toujours là et elle a été augmentée.
Ce précédent devrait
inciter à utiliser avec modération l’arme fiscale en faisant
jouer une sorte de principe de précaution. Mais non, rien
n’y fait. Les hommes et femmes politiques manquent
cruellement d’imagination. À cours d’idéologie, ils ne
savent pas raisonner autrement. Face à un problème, ils
convoquent des experts, établissent des rapports et en
concluent qu’il faut créer de nouveaux prélèvements, tout en
nous assurant bien sûr que ces prélèvements supplémentaires
sont légitimes, « citoyens » et qu’ils ne grèveront jamais
le pouvoir d’achat des ménages. Et si vous vous opposez à la
taxe « carbone » alors vous passez pour complice de « crime
environnemental ». D’une manière générale, si vous critiquez
l’impôt, vous êtes traités de « poujadiste », de
sympathisant FN ou de réactionnaire. Pourquoi s’embarrasser
d’un débat en ce domaine? Pourtant, il ne s’agit pas de
critiquer les prélèvements obligatoires en soi, ils sont
nécessaires. Mais il s’agit de discuter de leur niveau, de
leur légitimité (car s’ils sont légitimes pourquoi les
cacher?) et de leur efficacité réelle.
Quand l’État a besoin
d’argent, il prélève plus car il jouit du monopole de la «
violence légitime » et ce dernier lui donne le droit de
lever l’impôt. Quand un ménage a besoin d’argent, il doit
dépenser moins car il ne peut pas décréter des recettes
supplémentaires. Reconnaissons que le gouvernement actuel a
lancé des réformes – et c’est bien pour cela qu’il a été élu
– dans l’objectif d’améliorer le fonctionnement de l’État.
Il s’agit d’offrir un meilleur service public tout en
dépensant moins d’argent public. Et c’est le seul moyen de
stopper l’engrenage de la dette publique. Mais les
résistances aux réformes sont puissantes.
La foudre ne frappe jamais deux
fois au même endroit, l’impôt oui! |
Les décisions prises par les agents économiques sont à
l’origine des nombreux flux économiques qui font la vitalité
et la prospérité d’une nation. L’État a son rôle à jouer en
offrant des biens et services publics qui sont source
d’externalités positives et profitent donc à l’activité
économique. Il ne s’agit nullement de contester l’action
positive de l’État. Mais le financement des biens et
services publics passe par des prélèvements publics qui sont
eux-mêmes source d’externalités négatives (coin fiscal,
fuite des capitaux, développement de l’économie parallèle).
L’État doit donc veiller à ne pas reprendre d’une main ce
qu’il feint de donner de l’autre main. En d’autres termes,
le poids des prélèvements obligatoires ne doit pas dépasser
un seuil au-delà duquel les externalités positives seraient
complètement neutralisées par les effets négatifs de la
fiscalité.
Cet équilibre impose de
ne jamais frapper plusieurs fois un même flux économique.
Lorsque le ménage travaille, c’est pour percevoir un revenu
(net des charges sociales). À ce titre, il paiera un impôt
sur le revenu. Puis 80% de son revenu disponible sera
utilisé pour la consommation. À ce titre, il paiera la TVA.
On nous dit que c’est une taxe sur la valeur ajoutée. Mais
le résultat est là, quel que soit le nom qu’on lui donne. Le
ménage a dû supporter trois prélèvements: les charges
sociales qui amputent son revenu brut, l’impôt sur le revenu
qui ampute son revenu net, et la TVA qui frappe son revenu
disponible. Et la partie épargnée du revenu n’échappera pas
à un prélèvement que l’on aura pris soin de baptiser « impôt
sur le capital ». Mais ce n’est pas le capital qui paie,
c’est le ménage qui voit le rendement de son épargne
amoindri par le prélèvement fiscal, lequel rend l’épargne
moins attractive.
Que l’on ne s’y trompe
pas, on peut bien jouer sur les mots en baptisant les taxes
et impôts avec des appellations sympathiques ou trompeuses,
mais les prélèvements frappent toujours et seulement les
foyers fiscaux, donc les ménages. Et plus on doit supporter
des prélèvements, moins il devient rationnel de prendre des
décisions économiques: autant cesser d’être actif et vivre
au crochet de la générosité (forcée) publique.
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