Après quelques minutes, je me retrouve
dans les rues du Quartier Dix30 à
chercher en vain un garage. N’en voyant aucun, j’immobilise mon véhicule sur un
coin de rue, devant une boutique de vêtements qui paradoxalement s’appelle
Garage. Je suis en train de réfléchir à la suite des choses lorsque
j’aperçois dans mon rétroviseur ce qui semble être une voiture de sécurité. Le
conducteur du véhicule freine – sans doute en apercevant mes clignotants –, puis
se dirige dans ma direction. Il s’agit effectivement d’une voiture de firme de
sécurité privée. Un gyrophare installé sur le toit du véhicule lance de petits
éclairs jaunes de façon intermittente.
L’agent sort de son véhicule, je sors du mien. Je lui explique ma situation.
Comme moi, il ne connaît pas la région, il ne sait donc pas où trouver un garage
ouvert si tôt. Il me suggère de faire venir une remorqueuse. « Si vous vous
promenez comme ça, vous risquez de vous faire coller un ticket par la police »,
souligne-t-il. C’est vrai, il doit bien exister une loi qui interdit de rouler
sur les routes de la province à bord d’un véhicule hors d’état de rouler. « De
plus, ça risque de vous coûter un autre muffler plutôt qu’une simple
courroie, si vous continuez à trainer ça comme ça. » Right. J’accepte son
offre.
Il transmet la demande à un collègue – sans doute assis quelque part dans un
bureau, au chaud – à l’aide d’un radio CB. « Sur quel coin de rue êtes-vous
situés? », demande ce dernier. On a beau regarder sur les quatre coins de la
rue, nous ne voyons pas d’affiche. « Il n’y a pas de nom de rue », déclare
l’agent de sécurité. « Comment je vais dire à la remorqueuse où vous êtes? »,
ajoute l’autre. « Ben tu lui expliqueras! Tu nous vois, non?! Regarde le plan
des rues. » Effectivement, une caméra de surveillance nous épie. Le collègue en
question doit suivre la scène sur un moniteur.
Le froid se faisant sentir, nous regagnons chacun notre voiture. L’agent de
sécurité parle encore un peu dans son radio CB puis embraye pour venir se garer
juste à côté de ma voiture. Abaissant sa vitre, il me souligne que ça pourrait
prendre jusqu’à une demi-heure avant que la remorqueuse n’arrivée. « D’accord,
je ne bougerai pas. Merci pour tout », lui dis-je.
Assis dans ma voiture, à l’intersection de deux rues sans nom, j’observe sans
vraiment observer (« Where the streets have no name », chantait Bono avant de se
prendre pour Mère Teresa). Des employés de boutique commencent à arriver
tranquillement. Des voitures passent sans me voir. Un autobus. Tout me paraît
normal, bien qu’il y ait quelque chose qui cloche. Mais j’ai beau me demander
quoi, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Et soudain, ça me saute aux
yeux: « Bien sûr! Il n’y a pas de graffitis. Pas de détritus sur les trottoirs,
et pas de clochards. Il n’y a même pas de parcomètres! » Avoir été au
centre-ville de Montréal, j’aurais vu tout ça à la puissance 10.
Quinze minutes s’écoulent. L’agent de sécurité passe à nouveau sur mon coin de
rue. Il immobilise son véhicule près du mien et me dit qu’il va relancer la
remorqueuse si elle ne se présente pas dans les dix prochaines minutes. Puis
s’en retourne patrouiller. La remorqueuse arrive quelques minutes plus tard.
Après avoir grimpé ma voiture sur la rampe de son véhicule, et fait quelques
appels, le chauffeur m’apprend qu’il n’y a pas de garages d’ouverts dans le coin
le dimanche et qu’il ne reste qu’une solution: le Canadian Tire le plus près –
en espérant qu’il n’ouvre pas trop tard.
Nous nous rendons au centre de l’auto. Une fois arrivés, nous sommes
agréablement surpris: il est ouvert. Il est rendu 8 h. Comme nous n’avons pas
fait beaucoup de kilométrage, le chauffeur de la remorqueuse me demande:
« Avez-vous besoin d’une facture? » Voyant où il voulait en venir, je réponds
« Non ». « Habituellement, on charge 75$ en partant. Mais comme on n’a pas été
bien loin, je vais vous laisser ça à 60$, pas de taxe. » Une offre que je
m’empresse d’accepter. Vive le marché noir!
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