Le
dernier siècle a vu apparaître et se développer ce qui, un peu abusivement, a
été appelé le « septième art » ou cinéma. Le cinéma a beaucoup en commun avec le
rêve. Tout comme le dormeur, le spectateur s’installe en position de relaxation
dans une camera obscura, une chambre obscure, où il peut s’abandonner à
des émotions parfois inavouables et accomplir par procuration des actions
réprouvées dans la vie réelle. La complicité tacite qui l’unit aux autres
spectateurs garantit son impunité tandis que s’accomplissent ses désirs.
Le principe de plaisir qui guide les conduites humaines a fait le succès du
cinéma, art « industriel », dont l’impact sur les masses a été et continue
d’être considérable. Empiriquement, le cinéma a cherché à connaître les attentes
de son public car son existence est étroitement liée à la satisfaction de ce
dernier. L’imagination et les fantasmes font le travail et il est vain d’évoquer
le caractère virtuel des satisfactions éprouvées car leur intensité est souvent
bien réelle, à la mesure de tout ce qui demeure hors de portée dans la vie
réelle.
En d’autres termes, ces
puissantes satisfactions sont dues à la libération de forces qu’il convient de
réprimer en temps ordinaire. Elles traduisent en jargon psychanalytique le
retour du refoulé, en particulier à travers la réalisation imaginaire de désirs
agressifs, sexuels ou sadiques. L’exploitation de cet imaginaire constitue une
mine d’or pour le cinéma.
La mise en scène de ces
désirs insatisfaits, de ces fantasmes peut déboucher sur des phénomènes de masse
avec la réalisation de film à succès planétaire: les « blockbusters », sources
de profits immenses pour les producteurs.
Au sein des
blockbusters, le genre qui actuellement semble faire le plus recette est
celui des « films catastrophes », dont les scénarios varient en fonction des
cataclysmes imaginés: collision avec des météorites, pandémies diverses avec ou
sans génération de morts-vivants, réchauffement planétaire, invasion
d’extra-terrestres, émancipation de robots ennemis du genre humain, etc.
Quelques points sont
néanmoins communs à toutes ces déclinaisons:
-
Un phénomène planétaire et brutal vient menacer l’espèce
humaine de disparition.
-
Un (ou quelques-uns) citoyen ordinaire vit à cette
occasion une existence extraordinaire, en quelque sorte une promotion non
voulue. Notre quidam devient « l’Élu »; il parvient à survivre et à
réamorcer un futur de l’humanité dans un monde dévasté.
-
L’expérience vécue transforme notre héros et lui fait
découvrir les potentialités jusqu’alors inconscientes de son humanité. Loin
des leçons apprises et des habitudes de vie antérieures, il doit se
réinventer très vite pour pouvoir affronter les dangers qui le guettent.
Sans étayage social, sans le secours des institutions de l’État, seule sa
réactivité et sa capacité d’improvisation lui offrent une chance de survie.
Le film fait souvent une part belle à l’ahuri qui se transforme en bête
sauvage, avec néanmoins un message souvent positif: il dépend de lui de
garder une part d’humanité.
Bref,
dans l’anarchie totale qui prévaut, les héros sont libres, libres et seuls au
milieu de tous les dangers, nouveaux Robinsons affranchis de toute règle sauf
celle de survivre.
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