Mais cela ne s'arrête pas là: le gouvernement Charest imposera une
« franchise » santé, comme le recommandait le rapport Castonguay, une forme de
ticket modérateur applicable à chaque visite médicale, modulé selon que
l'usager se présente dans une clinique, un CLSC ou à l'urgence. Les
modalités seront arrêtées plus tard. (...)
À compter de 2014, le tarif du bloc patrimonial d'électricité de 2,79 cents,
en vigueur depuis 1998, sera graduellement majoré de 50%, soit de 1,37 cent
en cinq ans. Cela représente une hausse annuelle de 3,7% du tarif
domestique, qui passera de 6,87 cents à 8,24 cents, soit un bond de 20%
cumulativement. Le ministre a parlé d'une hausse de 1 cent, mais les
documents budgétaires indiquent bien 1,37 cent, ou 2,2 milliards
annuellement en 2018.
« À cet égard, un changement de culture s'impose. Nous pouvons même parler de
révolution culturelle... », écrit Raymond Bachand dans son discours, les
trois petits points se voulant un clin d'oeil évoquant l'origine chinoise et
communiste de cette expression, a-t-il expliqué, sourire en coin, à des
journalistes.
(...) Les droits de scolarité dans les universités, qui augmentent de 50 $
par session jusqu'en 2012, seront soumis à d'autres hausses par la suite.
On peut bien soutenir, en s'appuyant sur une logique
économique saine, que les étudiants devraient contribuer davantage aux coûts de
leur formation, que les consommateurs d'électricité devraient payer le prix du
marché et non un prix subventionné, que la mise en place d'une franchise pour
les soins de santé injectera un dose de réalisme sur le plan de la demande de
services, etc. On applique en quelque sorte une logique partielle de marché sur
le plan de la demande. Mais à moins d'être compensées par des baisses
correspondantes de l'impôt sur le revenu, toutes ces hausses de tarifs et de
taxes impliquent simplement une augmentation du fardeau fiscal, et cela pour
financer des « services publics » qui restent sous le contrôle des bureaucrates et
dont la gestion, elle, n'a aucunement recours à des mécanismes de marché.
On retrouve bien ici et là dans le budget quelques mesures largement symboliques
pour limiter ou réduire les dépenses de l'État dans certains domaines, mais
strictement rien qui remet en question sa taille gargantuesque. Lorsque le
ministre des Finances Raymond Bachand fait valoir que le gouvernement, par les
compressions qu'il s'impose, contribue à hauteur de 62% à l'effort nécessaire
pour atteindre le déficit zéro, alors que les contribuables et les entreprises,
par l'entremise des hausses de taxes et de tarifs, comptent pour le reste, il
tient un discours démagogique typiquement politicien. Cette « contribution » du
gouvernement provient d'un ralentissement des hausses de dépenses prévues dans
les budgets précédents, et non d'une réduction nette des dépenses par
l'abolition de programmes et la privatisation de services. Et encore, comme
l'écrit
Claude Picher, on le croira quand on le verra.
Le Québec entre donc finalement dans sa phase lucide, tout de même préférable à
la phase lunatique et à la politique de l'autruche qui dominent depuis des
décennies. Mais on n'a rien réglé; on a simplement repoussé peut-être le moment
où nous frapperons le mur. Le véritable débat, sur une réduction réelle de la
taille de l'État, reste à faire.
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