Indépendamment de tous les aléas politiques habituels dans une société
démocratique à l'occidentale, le Québec traîne un fardeau de plus: le français,
qui est sa langue officielle. Depuis plus de 50 ans, la prise de conscience du
rôle identitaire de la langue s'est radicalisée. Les tentatives d'indépendance
ont échoué mais de nombreuses mesures et lois (entre autres la loi 101) ont
cherché, au prix de dépenses publiques et de coûts économiques considérables, à
« forcer le destin » d'un Québec résolument francophone.
Outre la volonté
politique d'encourager l'enseignement en français, des incitations financières
ont voulu promouvoir la littérature québécoise et les spectacles en langue
française. Les résultats de cette politique ne semblent pas avoir été à la
mesure des efforts consentis. En effet, l'apparente vitalité de l'édition
francophone québécoise ne peut masquer le fait que la majorité des ouvrages
publiés n'ont qu'un lectorat infime, peu de notoriété à l'étranger et n'existent
qu'avec l'aide de subventions d'État. Quant à l'enseignement du français. chacun
s'arrache les cheveux et ne sait plus qui est responsable de la situation: les
parents, l'État, les enseignants, les élèves, les immigrés, la concurrence des
cégeps anglophones, le manque régulièrement allégué de subventions, etc.
Ce « maudit » français
(la langue) pimente, catalyse, empoisonne tous les débats, souvent avec mauvaise
foi et, en définitive, sert davantage d'alibi politique et culturel qu'il
n'ouvre la société québécoise à une réflexion utile. Il est le fourre-tout, le
(seul?) dénominateur commun et l'arme de résistance d'une société en désarroi.
Ici plus encore qu'en France se manifeste le souci de l'identité nationale, car
en plus des problèmes générés par l'immigration se pose celui de la lente
érosion de la langue dans un continent anglophone. Le français est devenu une
vache sacrée, une valeur d'autant plus refuge qu'elle est menacée. Une telle
crispation annihile d'emblée toute réflexion sur le sujet et semble participer
davantage au blocage et au repli de la société québécoise francophone qu'à son
épanouissement.
Les faits sont d'ailleurs
éloquents qui montrent que la destination de la diaspora québécoise est
principalement tournée vers les pays anglophones et que les jeunes préfèrent
souvent s'exprimer en anglais. Détourné de son usage normal, le français
alimente les antagonismes. Or, les défis que doit affronter le Québec ne
concernent pas que sa vie linguistique, mais son développement économique et
social auquel la langue pourrait contribuer si elle cessait d'être utilisée
comme un barrage vers l'extérieur et comme une manipulation affective de la
population.
Un rejet de l'immigration francophone |
La
meilleure preuve qu'il s'agit d'un faux débat, c'est que bien que les pouvoirs
politiques aient mis en place depuis de nombreuses années une ouverture à
l'immigration francophone, les Québécois n'en veulent pas et rendent
l'application de cette idée inopérante en pratique. Comment? En ne jouant pas la
carte de l'intégration, en particulier en rendant l'accès au marché de l'emploi
quasi impossible aux « maudits Français » et autres francophones allogènes,
surtout quand ces derniers sont fortement éduqués et formés.
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