Le Québécois Libre, 15 septembre 2010, No 281. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/10/100915-4.html Les économistes illettrés économiques (c'est-à-dire la grande majorité d'entre eux) ont dans leur arsenal théorique le concept bidon de « défaillance du marché » (market failure). Cela signifie que les résultats qu'on observe en laissant les individus libres d'agir et de transiger entre eux comme ils le souhaitent, ne sont pas ceux que l'observateur, de sa tour d'ivoire, aurait souhaité voir. Ce constat d'échec ne s'appuie cependant sur aucune logique. Dans les cas où le marché fonctionne bien, l'observateur ne peut logiquement porter un jugement de l'extérieur et qualifier d'échec des résultats qu'il n'aime pas de son point de vue subjectif idéaliste, alors que les participants eux-mêmes les ont souhaités. Par ailleurs, presque toujours, le marché en question est faussé par une protection inadéquate des droits de propriétés ou une réglementation étatique qui engendre des distorsions dans les prix et autres signaux, ce qui modifie le comportement des acteurs. On devrait alors parler plutôt de « défaillance de l'intervention étatique », un concept beaucoup moins populaire notamment parce les économistes universitaires sont eux-mêmes des employés de l'État et que ce type de recherche ne favorise pas l'obtention de bourses des fondations publiques. Les défaillances de l'intervention étatiques sont pourtant légion et font les manchettes tous les jours. Alors qu'il est impossible pour l'observateur extérieur d'évaluer adéquatement le résultat d'un processus de marché parce qu'il n'a pas d'objectif collectif défini d'avance et qu'on ne peut savoir avec certitude ce qui ressortira de l'interaction spontanée de millions d'individus, les interventions étatiques, elles, sont des cas de laboratoires parfaits. On détermine au départ une série d'objectifs avec des procédures à suivre pour y arriver, on nomme des exécutants, on leur donne des moyens d'actions et on établit un calendrier d'étapes. Et qu'est-ce qu'on observe la plupart du temps? Que les objectifs n'ont pas été atteints, ou même que c'est le contraire qui est survenu! Pourquoi? Parce que l'interventionnisme étatique s'appuie sur l'illusion qu'on peut planifier le développement social et économique, alors que les planificateurs n'ont jamais à leur disposition toutes les informations spécifiques nécessaires concernant l'état du système dans son ensemble qu'ils essaient de manipuler, la société étant trop complexe. Ces millions de données informationnelles spécifiques émergent en cours de processus dans un marché libre et il est impossible de les compiler de façon centralisée. Les planificateurs s'appuient également sur une vision mécaniste des phénomènes sociaux: on instaure une règle, on pèse sur le piton et hop, ça s'enclenche et tous les rouages se mettent en marche tel que prévu. La réalité, celle des incitations individuelles à agir dans un sens ou dans l'autre par exemple, est bien plus compliquée que cela. Si une partie seulement des processus impliqués se mettent à bouger dans un sens différent de celui prévu, on peut arriver à des résultats diamétralement opposés. C'est la loi des conséquences inattentues. Friedrich Hayek appelait cette croyance dans la capacité de contrôler les facteurs sociaux et économiques pour leur faire produire un objectif précis la « présomption fatale » des interventionnistes. Un bel exemple de défaillance de l'intervention étatique qui faisait la manchette le 9 septembre dernier est le programme « Agir autrement » de lutte contre le décrochage scolaire en milieu défavorisé du ministère québécois de l'Éducation qui, apprend-on, a mené à des résultats contraires à ceux qu'on visait huit ans et 300 millions de dollars plus tard. Notez le nom du programme: ça fait des décennies que les fonctionnaires du gouvernement du Québec s'amusent à transformer le système d'éducation et pour justifier une autre expérience de manipulation, rien de mieux que de faire à nouveau table rase et recommencer « autrement ». Voici comment une éditorialiste du Devoir résume les résultats du programme, tel que décrits dans un rapport du Groupe de recherche sur les environnements scolaires (GRES) de l'Université de Montréal:
Ne pensez surtout pas que ce constat va mener à une remise en question de la stratégie bureaucratique de transformation constante du système d'éducation publique. Une défaillance de l'intervention étatique n'a jamais pour effet de mener à une ou libéralisation ou une privatisation du secteur en question, mais plutôt à une nouvelle tentative « mieux planifiée » avec un budget supérieur. On peut déjà la voir poindre dans les 13 recommandations du groupe de professeurs du GRES pour rectifier le tir:
Un nouvel institut avec des bureaucrates, des sociologues, pédagogues
et autres logues patentés pour mieux planifier la prochaine expérience
de laboratoire à grande échelle de l'État dans ses écoles-éprouvettes:
voilà qui devrait enfin mener à des résultats probants! |