Le
gouvernement a probablement dépensé quelques centaines de
milliers de dollars simplement pour défrayer les voyages des
personnes mentionnées (c'est pas donné, organiser un voyage
de ministre ou de représentante de la reine avec toute sa
cour en Chine). Pour l'avoir observé pendant mon séjour à
Ottawa, je peux vous assurer que des dizaines de
bureaucrates, de responsables des communications, de
responsables de la planification des déplacements, de
conseillers des ministres, etc., dans les divers ministères,
organismes et ambassades ont dû s'échanger des milliers de
mémos et de courriels et tenir des dizaines de réunions de
planification pendant ces mois de « panda diplomacy » avant
de pouvoir faire cette annonce. Additionnez les salaires de
toutes ces personnes, et vous avez de quoi nourrir et loger
les habitants d'une petite ville pendant une année. Mais ce
n'est que du petit change à Ottawa.
Ceux qui nous répètent
sans cesse que la civilisation s'effondrerait si on
réduisait la taille de l'État vont-ils nous dire que ça fait
partie des fonctions essentielles d'un gouvernement? Je les
entends déjà: Ah non, ça c'est peut-être un peu exagéré,
mais le reste est essentiel.
L'autre véritable
problème avec cette histoire, en plus des coûts faramineux
d'une entreprise qui ne devrait pas concerner les
politiciens, c'est que comme presque toutes les autres
opérations de propagande de ce gouvernement, celle-ci ne
vise qu'à manipuler l'opinion publique. Un brillant
« stratège » du bureau du premier ministre (qu’on appelle
couramment à Ottawa le PMO, pour Prime MInister’s Office)
y a sûrement vu une bonne occasion de mousser la popularité
des conservateurs auprès des familles avec plusieurs
enfants, qui sont l'une des clientèles cibles du parti.
Le gouvernement Harper
n'a en effet qu'une stratégie depuis son élection, celle
d'acheter des votes. Toutes les décisions politiques doivent
tenir compte de cet objectif; le fait que ce soit bon ou non
pour l'économie ou autre chose est secondaire. Ce passage
dans le livre de Lawrence Martin, Harperland, qui
vient de paraître, l'explique bien :
After the loss in the 2004 election,
Muttart [Note: prénommé Patrick, un stratège du PMO]
concluded that the party's potential appeal was
depressingly limited. Most Canadians, Tory surveys
showed, viewed Harper as a right-winger who opposed same-sex
marriage. That was it. So the party commissioned a major
psychographics poll, psychographics being the study of
market segments in terms of their values and lifestyles.
This polling helped show the party potential growth
areas.
Muttart studied the numbers and zeroed in on the
segments most amenable to a Conservative pitch. He found,
for example, that couples with more than two children
were much more inclined to vote Conservative than those
with small families. (...) The targeting got very
specific, right down to ways in which they might be able
to help Quebec snowmobilers.
At PMO meetings, Muttart would decorate the wall with
illustrations of demographic groups so that whenever a
policy was discussed, it could be framed in terms of its
appeal to these groups. (p. 94).
Il est fort probable qu'un autre « stratège », celui-là
travaillant pour le ministre Prentice, y ait également vu
une bonne occasion pour mousser plus particulièrement la
popularité de son patron. Les millions dépensés pour amener
les pandas au Canada auront notamment servi à disséminer des
photos de M. Prentice et de son épouse dans les médias,
question de laisser une image saisissante du ministre dans
les esprits à la veille de son départ d’Ottawa. Quelle bonne
raison pour appuyer le futur chef du parti, n'est-ce pas: il
aime les pandas! It's so exciting, everybody loves the
pandas!
Voilà comment les choses
fonctionnent à Ottawa. Voilà pourquoi la taille de l'État
canadien a continué de grossir sous un gouvernement
« conservateur » depuis cinq ans et pourquoi nous nous
enfonçons toujours plus dans un gouffre financier.
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