Les gros sabots de l’État |
Selon
le
ministère du Revenu du Québec, « La restauration est un secteur d'activité
économique où les pertes fiscales demeurent importantes, malgré les efforts
majeurs qui ont été faits pour y contrer l'évasion fiscale. Par exemple, pour
l'année 2007-2008, nous estimons les pertes fiscales à 417 millions de dollars.
Ces pertes incluent environ 133 millions de dollars en TVQ perçue par les
restaurateurs, mais non remise à Revenu Québec. Le montant de la TPS perçue mais
non remise est, pour sa part, d'environ 84 millions de dollars. »
La solution? Le module
d'enregistrement des ventes, le MEV pour les intimes.
Le MEV est un ordinateur
qui se greffe à la caisse-enregistreuse et qui intercepte les transactions
(avant l'impression de la facture), pour les emmagasiner sur disque dur. Il
produit ainsi des rapports que le commerçant devra envoyer chaque mois à Revenu
Québec. D'ici novembre 2011, on prévoit l'implantation du système MEV dans les
quelque 30 000 entreprises de restauration du Québec. Les frais d'installation
de l'appareil, qui exige souvent l'augmentation de la mémoire vive de
l'ordinateur et l'achat d'un nouveau logiciel, d’une nouvelle caisse et d'une
nouvelle imprimante sont évalués à environ 4000 $ par poste de vente par
restaurant,
selon l'Association des restaurateurs du Québec (ARQ).
(Fait à noter, on doit un
peu le MEV à un ex-haut fonctionnaire devenu restaurateur. En effet, l’actuel
p.-d. g. de la très réputée Taverne Magnan à Montréal, Alain Gauthier, est un
ex-haut fonctionnaire à Québec. Selon Le Devoir du 25 octobre 2010:
« M. Gauthier a été un ardent promoteur de cette mesure. Il affirme que Magnan
n'aurait pas pu survivre à la fraude dans la restauration, d'où les
représentations qu'il a commencé à faire lorsque Michel Audet était ministre des
Finances. En fait, il connaît tout le monde à Québec puisqu'il a travaillé avec
les plus grands commis de l'État, les Guy Coulombe et Louis Bernard, ainsi que
tous les ministres des Finances depuis Yves Duhaime en 1984 jusqu'à son départ
de la fonction publique en 1999. » M. Gauthier a été le seul restaurateur à
diffuser un communiqué pour exprimer sa « très grande satisfaction à l'annonce
de l'arrivée des modules d'enregistrement des ventes (MEV) dans le domaine de
restauration au Québec ».)
Mais revenons à nos
moutons. L’ARQ était contre le projet au départ; elle a rapidement changé son
fusil d’épaule lorsque Québec a annoncé une compensation financière pour aider
les restaurateurs à payer – si tout le monde paye, pourquoi s’en priver?! Les
contribuables devront donc défrayer une bonne partie des coûts de l’installation
du bidule qui vise en gros à imprimer des factures et à faire des rapports de
comptabilité. Les commerçants, eux, devront payer le reste – et ajouter cette
dépense à l’imposant fardeau de paperasses et de dépenses qui est déjà le leur.
En fait, ils ont jusqu’au 31 décembre 2011 pour faire une « demande de
subvention relative à un établissement de restauration, qu'elle concerne un MEV
ou l'équipement nécessaire à son fonctionnement ». Après cela, ils sont laissés
à eux-mêmes. Québec vient de hausser considérablement le coût d’entrée sur le
marché pour l’entrepreneur souhaitant opérer un restaurant.
Pourtant, lorsqu’on pense fraude dans le secteur de la restauration, on pense
tout de suite aux chics restaurants du Boulevard St-Laurent, à Montréal, et aux
grandes chaînes de restaurants (on pense aux Nickels, La Belle Province,
Eggsquis, et Tuscanos de ce monde) qui ont été reconnues coupables de fraudes au
cours des dix dernières années. La plupart utilisaient un logiciel informatique
appelé « zapper » qui, placé dans les caisses-enregistreuses, permettait de
modifier les factures de vente et de cacher au fisc pour plusieurs millions $ de
ventes, de même que les taxes perçues (TPS et TVQ) sur ces ventes.
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