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Le socialisme
– Le matérialisme historique* (Version imprimée) |
par Ludwig von Mises (1881-1973)
Le Québécois Libre, 15 février
2011, No 286.
Hyperlien:
http://www.quebecoislibre.org/11/110215-10.html
1. Être et pensée
Feuerbach avait dit:
« La pensée procède de l'être et non l'être de la pensée. »(1)
Cette remarque, qui prétendait traduire simplement l'abandon de
l'idéalisme hégélien, est devenue, sous la forme de l'aphorisme célèbre,
« l'homme est ce qu'il mange » (« Der Mensch ist was er ist »)(2),
le mot d'ordre du matérialisme tel que l'ont représenté Büchner et Moleschott. Vogt a donné de la thèse matérialiste la formule la plus
brutale en soutenant « que les idées entretiennent avec le cerveau les
mêmes rapports que la bile avec le foie ou l'urine avec les reins »(3).
On retrouve dans la conception économique de l'histoire de Marx et de
Engels ce matérialisme naïf qui, sans se douter de la difficulté des
problèmes, croit pouvoir résoudre simplement et complètement le problème
fondamental de la philosophie en ramenant le spirituel au corporel. Le
nom de matérialisme historique qu'on a donné à cette conception de
l'histoire en exprime bien la nature. Il souligne sa ressemblance avec
le matérialisme contemporain, comme l'avaient fait ses propres
fondateurs(4).
Le matérialisme historique expose la doctrine de la
dépendance où se trouve la pensée par rapport aux conditions sociales
sous deux formes qui sont au fond contradictoires. Selon l'une d'elles,
la pensée serait tout simplement déterminée d'une façon immédiate par le
milieu économique et le régime de la production dans lequel vivent les
hommes. Il n'existe ni histoire de la science ni histoire des sciences
particulières; leur évolution en effet ne présente aucun caractère
autonome, étant donné que la façon de poser les problèmes et de les
résoudre n'a pas été le résultat d'un mouvement intellectuel progressif
mais simplement le reflet des conditions sociales de la production à
chaque époque envisagée. Selon Marx, si Descartes considérait l'animal
comme une machine, c'est qu'« il le regardait avec les yeux de la
période de l'industrie manufacturière, tandis que l'homme du moyen-âge
voyait en lui un auxiliaire – comme le fit plus tard Haller dans sa
Restauration der Staatswissenschaft »(5).
Dans la conception marxiste, les conditions de la production sont
présentées comme des données totalement indépendantes de la pensée
humaine. Elles « correspondent » à chaque moment « à un stade déterminé
de l'évolution » des « forces productrices matérielles »(6)
ou, en d'autres termes, « à un certain stade de l'évolution des moyens
de production et d'échanges »(7).
De la force productrice des moyens de travail « résulte » un ordre
social déterminé(8).
« La technologie révèle la position active de l'homme par rapport à la
nature, le processus immédiat de production de sa vie, et par là aussi
ses conditions d'existence et les représentations intellectuelles qui en
découlent. »(9)
Marx n'a pas songé à l'objection qu'on aurait pu lui faire que les
forces de production sont elles-mêmes un produit de la pensée humaine et
que par suite on s'enferme dans un cercle vicieux quand on veut déduire
la pensée de ces forces. Il était envoûté par les mots magiques
« production matérielle ». Matériel, matérialiste, matérialisme, tels
étaient les termes philosophiques à la mode à son époque, et il n'a pas
su échapper à leur influence. Il considérait que sa plus haute mission
philosophique consistait à remédier aux « défauts du matérialisme
abstrait des sciences naturelles, qui ignore le processus historique »,
défauts qu'il croyait déjà découvrir dans les « constructions abstraites
et idéologiques de ses représentants, dès qu'ils se hasardent en dehors
de leur spécialité ». Et c'est pourquoi il qualifiait sa méthode de
« seule méthode réellement matérialiste et par suite scientifique »(10).
Sous son deuxième aspect, le matérialisme historique
présente la pensée comme étant déterminée par l'intérêt de classe. À
propos de Locke, Marx dit: « qu'il représentait la nouvelle bourgeoisie
sous toutes ses formes, les industriels contre les classes ouvrières et
les paupers, les commerçants contre les usuriers à l'ancienne
mode, les aristocrates de la finance contre les débiteurs de l'État, et
que même dans une de ses oeuvres il présentait l'intelligence bourgeoise
comme l'intelligence humaine normale »(11).
Selon Mehring, le plus fécond des historiens marxistes, Schopenhauer est
« le philosophe de la petite bourgeoisie affolée...; sa manière
mesquine, égoïste et dénigrante, n'est que le reflet intellectuel de la
bourgeoisie qui, effarée par le bruit des armes et tremblant comme la
feuille, se confine dans sa retraite pour vivre de ses rentes et
repousse comme la peste l'idéal de son époque »(12).
Dans Nietzsche il voit « le philosophe du grand capital »(13).
C'est dans le domaine de l'économie politique que
cette attitude se présente sous son aspect le plus brutal. Marx a
imaginé de distinguer parmi les économistes, les économistes bourgeois et
prolétariens et cette distinction a été reprise par l'étatisme. Held
explique la théorie de la rente foncière de Ricardo comme étant
« simplement le produit de la haine des capitalistes d'argent contre les
propriétaires fonciers »; pour lui, toute la théorie de la valeur de
Ricardo ne saurait être considérée « que comme une tentative pour
justifier la domination et le profit du capital sous les apparences
d'une aspiration à une plus grande justice naturelle »(14).
La meilleure réfutation de cette conception se trouve dans le fait que
la doctrine économique de Marx n'est pas autre chose qu'un produit de
l'école de Ricardo. Elle lui emprunte tous ses éléments essentiels, en
particulier aussi le principe méthodologique qui sépare la théorie de la
politique et la répudiation du point de vue éthique(15).
Le système de l'économie politique classique a été mis à contribution à
la fois pour défendre le capitalisme et pour le combattre, à la fois
pour prêcher le socialisme et pour le condamner.
Il en est de même du système d'idées de l'économie
subjectiviste moderne. Incapable de lui opposer la moindre critique
raisonnable, le marxisme cherche à s'en débarrasser en le clouant au
pilori comme une « économie bourgeoise »(16).
Mais le seul fait que certains socialistes se placent entièrement sur le
terrain de la théorie du profit prouve que l'économie politique
subjectiviste n'est pas « une apologétique capitaliste »(17).
L'évolution de l'économie politique en tant que science est un processus
intellectuel tout à fait indépendant des prétendus intérêts de classe
des économistes et n'a rien à voir avec l'apologie ou la condamnation
d'institutions sociales déterminées. Il est toujours possible d'abuser
d'une théorie scientifique pour des buts politiques et l'homme de parti
n'a pas besoin de l'adapter aux fins particulières qu'il se propose(18).
Les idées du socialisme moderne ne sont pas sorties
de cerveaux prolétariens. Elles sont nées chez des intellectuels, des
fils de la bourgeoisie et non chez des travailleurs salariés(19).
Le socialisme ne s'est pas emparé seulement de la classe ouvrière; il
compte aussi des partisans avoués ou non parmi les possédants.
2. Science et socialisme
La pensée théorique est indépendante des désirs de
celui qui pense et des fins auxquelles il aspire(20).
C'est cette indépendance qui en fait la valeur en tant que pensée. Les
désirs et les fins gouvernent l'action, non la pensée pure. Si l'on
estime que l'économie exerce une influence sur la pensée, on renverse
l'ordre des facteurs. L'économie en tant qu'action rationnelle dépend de
la pensée, non la pensée de l'économie.
Même si l'on admettait que l'intérêt de classe
sociale oriente la pensée dans un sens déterminé, cela signifierait
seulement que la conscience de l'intérêt de classe intervient. Mais
cette conscience est elle-même un produit de la pensée. Le processus de
pensée, qu'il aboutisse à la reconnaissance de l'existence d'intérêts
particuliers de classe ou au contraire à la conclusion qu'en définitive
les intérêts de toutes les classes s'harmonisent dans la société, ce
processus est en tout cas antérieur à la pensée en tant qu'elle est
déterminée par la conscience de classe.
Sans doute le marxisme a-t-il déjà pris pour la
pensée prolétarienne une valeur de vérité éternelle indépendante de la
conscience de classe. De même que le prolétariat, tout en constituant
encore une classe, doit nécessairement sauvegarder dans son action les
intérêts de l'humanité tout entière et non plus déjà simplement les
seuls intérêts de classe, puisque sa mission consiste à supprimer la
division de la société en classes, de même on peut déjà découvrir dans
la pensée prolétarienne, à la place de la relativité de la pensée
déterminée par la conscience de classe, la vérité absolue qu'il est à
proprement parler réservé à la science pure de la société socialiste
future de développer. En d'autres termes: seul le marxisme est une
science. Tout ce qui a précédé Marx n'est que la préhistoire de la
science. Dans cette conception, les philosophes antérieurs à Hegel
occupent à peu près la place que le christianisme assigne aux prophètes,
et Hegel celle que le christianisme assigne à saint Jean-Baptiste par
rapport au Sauveur. Mais depuis que Marx est apparu, il n'y a plus de
vérité que chez les marxistes; tout le reste n'est que tromperie et
illusion, qu'apologétique capitaliste.
C'est une philosophie simpliste et claire, et qui
devient sous la plume des successeurs de Marx encore plus simpliste et
plus claire. Le socialisme marxiste s'identifie avec la science. La
science n'est que l'exégèse des écrits de Marx et de Engels. On
considère comme preuves des citations, des interprétations de la parole
des maîtres; on s'accuse réciproquement d'ignorer « l'Écriture ». En
même temps, on pratique un véritable culte du prolétariat. « Ce n'est
que dans la classe ouvrière, dit déjà Engels, que survit la pure pensée
théorique allemande. On ne saurait l'en extirper; là ne jouent aucune
considération de carrière, de profit, aucun souci d'obtenir la
protection des grands. Au contraire, plus la science se montre brutale
et objective, et plus elle s'accorde avec es intérêts et les aspirations
des travailleurs. »(21)
« Seul le prolétariat, c'est-à-dire ses porte-parole et ses chefs », dit
Tönnies, professe « une philosophie scientifique du monde dans toutes
ses conséquences logiques »(22).
Pour faire apparaître sous leur jour véritable ces
affirmations téméraires, il suffit de rappeler l'attitude que le
socialisme a adoptée à l'égard des conquêtes scientifiques des derniers
siècles. Lorsque, il y a environ un quart de siècle, quelques écrivains
marxistes tentèrent de libérer la doctrine de leur parti de ses erreurs
les plus grossières, ils furent l'objet d'une véritable inquisition
destinée à préserver la pureté du système. L'orthodoxie l'emporta sur le
révisionnisme. À l'intérieur du marxisme, il n'y a pas de place pour la
pensée libre.
3. Les postulats psychologiques du socialisme
Pourquoi, peut-on se demander, la pensée du
prolétariat dans la société capitaliste doit-elle nécessairement être
socialiste? Il est facile d'expliquer pourquoi la pensée socialiste ne
pouvait pas se faire jour avant l'apparition de la grande exploitation
dans l'industrie, le commerce et les mines. Tant qu'il fut possible de
penser à un partage des biens des riches, il ne vint à l'idée de
personne de chercher à donner satisfaction par un autre moyen aux
aspirations de ceux qui rêvaient d'égalité des revenus. Ce ne fut que
lorsque l'évolution de la coopération sociale eut créé les grandes
entreprises dont l'indivisibilité était évidente que l'on s'avisa de la
solution socialiste du problème de l'égalité. Mais cela explique
seulement pourquoi dans la société capitaliste il est désormais
impossible de parler de partage des richesses; cela n'explique en
aucune manière pourquoi, dans cette société, le socialisme doit être
nécessairement la politique du prolétariat.
Il semble tout naturel à nos contemporains que la
pensée et l'action du travailleur soient inspirées par le socialisme.
C'est qu'ils admettent que la société socialiste est la forme de vie en
société qui répond le mieux aux intérêts du prolétariat ou que tout au
moins telle est la conviction de ce dernier. Nous avons suffisamment
montré ce qu'il faut penser de la première hypothèse. En présence du
fait incontestable que le socialisme, même s'il compte de nombreux
partisans dans les autres couches de la société, est répandu surtout
dans la classe ouvrière, il reste donc à rechercher pourquoi l'esprit du
travailleur, en vertu de la position particulière qu'il occupe dans le
processus social de la production, constitue un terrain tout préparé
pour l'idéologie socialiste.
La démagogie des partis socialistes célèbre le
travailleur du capitalisme moderne comme un être qui possède toutes les
qualités de l'esprit et du caractère. Si l'on examinait les choses avec
un esprit plus rassis et moins prévenu, on arriverait peut-être à des
conclusions toutes différentes. Mais nous laisserons aux polémistes des
diverses tendances politiques le soin de procéder à cette recherche sans
aucun intérêt pour la connaissance des rapports sociaux en général et de
la sociologie des partis en particulier. La seule question qui nous
intéresse ici est de savoir de quelle façon la position que le
travailleur occupe dans le processus de la production l'amène
naturellement à considérer les méthodes socialistes de production non
seulement comme possibles mais encore comme plus rationnelles que celles
du capitalisme.
La réponse à cette question est aisée. Dans la grande
et moyenne exploitation capitaliste, le travailleur ignore tout des
liens spirituels qui unissent les différentes parties de la production
pour en faire un ensemble économique pourvu de sens. Son horizon comme
travailleur et producteur ne dépasse pas la tâche particulière qui lui
incombe. Il considère que lui seul est un membre producteur de la
société humaine et voit dans tous ceux qui ne sont pas comme lui
attachés à la machine ou qui ne traînent pas des fardeaux, qu'il
s'agisse de l'entrepreneur ou même de l'ingénieur ou du contremaître,
des parasites. L'employé de banque lui-même croit qu'il est le seul à
avoir une activité productive dans la banque, que les bénéfices réalisés
par l'entreprise sont son oeuvre et que le directeur, qui conclu les
affaires, n'est qu'un paresseux inutile qu'on pourrait sans inconvénient
remplacer par un individu quelconque. En raison même de sa position; le
travailleur ne peut pas apercevoir les choses dans leur ensemble et
leurs véritables rapports. Il pourrait y parvenir sans doute par la
réflexion et la lecture; les éléments qui lui fournissent son activité
personnelle ne le lui permettent pas. De même que, s'il s'en rapporte à
son expérience quotidienne, l'homme de la rue doit croire que la terre
est immobile et que le soleil se déplace chaque jour d'Est en Ouest, de
même que le travailleur ne peut tirer de sa propre expérience la
connaissance de la nature et du fonctionnement de l'économie.
Et c'est à cet homme qui ignore tout de l'économie que l'idéologie
socialiste vient dire:
Travailleur! Debout! Debout!
Reconnais ta force.
Toutes les machines s'immobilisent
Si ton bras puissant le veut. (Herwegh.)
Peut-on s'étonner que, grisé par sa propre puissance,
le travailleur réponde à cet appel? Le socialisme est l'expression du
principe de force qui correspond à l'âme du travailleur comme
l'impérialisme est celle qui correspond à l'âme du soldat et du
fonctionnaire.
Ce n'est pas parce que le socialisme est réellement
conforme à leurs intérêts que les masses, vont au socialisme, c'est
parce qu'elles croient qu'il en est ainsi.
Notes
1. Cf. Feuerbach, Vorläufige Thesen zur Reform der
Philosophie, 1842, (OEuvres complètes, t. II, Stuttgart, 1904,
p. 239).
2. Cf. Feuerbach,
Die Naturwissenschaft und die Revolution,
1850, (T. X, Stuttgart, 1911, p. 22).
3. Cf. Vogt,
Kohlerglaube und Wissenschaft, 2e
éd., Giessen, 1855, pp. 32.
4. Max Adler, qui s'efforce de concilier le marxisme avec le
néo-criticisme, tente vainement de démontrer que le marxisme n'a
rien de commun avec la philosophie matérialiste (cf. en particulier
Marxistlische Probleme, Stuttgart, 1913, pp. 60 sqq, 216
sqq.); ce faisant il s'oppose violemment à d'autres marxistes (par
exemple à Plechanow, Grundprobleme des Marxismus, Stuttgart,
1910).
5. Cf. Marx,
Das Kapital, t. I, p. 354, remarque. Mais
entre Descartes et Haller il y a eu de la Mettrie et son
homme-machine et Marx a malheureusement omis de donner une
interprétation génétique de sa philosophie.
6. Cf. Marx,
Zur Kritik der politischen Ökonomie, p. xi.
7. Cf. Marx et Engels,
Das kommunistische Manifest,
p. 27.
8. Cf. Marx,
Das Elend der Philosophie, p. 91. Voir
également ci-dessus,
p. 347.
9. Cf. Marx,
Das Kapital, t. I, p. 336.
10. Ibid.
11. Cf. Marx,
Zur Kritik der politischen Ökonomie, p. 62.
– Barth (o.c., t. I, pp. 658 sqq) estime avec juste raison
que la comparaison entre les privilèges que la noblesse tient de la
naissance avec les idées prétendues innées peut tout au plus être
considérée comme un jeu de mots. Mais la première partie de l'exposé
que fait Marx de la doctrine de Locke ne vaut pas mieux que la
seconde.
12. Cf. Mehring,
Die Lessing-Legende, 3e éd.,
Stuttgart, 1909, p. 422.
13. Ibid., p. 423.
14. Cf. Held,
Zwei Bücher zur sozialen Geschichte Englands,
Leipzig, 1881, pp. 176, 183.
15. Cf. Schumpeter,
Epochen der Dogmen-und Methodengeschichte
(« Grundriss der Sozialökonomik », Section I, Tübingen, 1914, pp. 81
sqq).
16. Cf. Hilferding,
Böhm-Bawerks Marx-Kritik, Vienne,
1904, pp. 1, 61. – Pour le marxiste catholique Hohoff (Warenwert
und Kapitalprofit, Paderborn, 1902, p. 57), Böhm-Bawerk est « un
économiste populaire, doué sans doute, mais qui n'a pas su s'élever
au-dessus des préjugés capitalistes dans lesquels il avait été
élevé ». Cf. Mises, Grundprobleme der Nationalökonomie (Trad.
fr.:
Les
Problèmes fondamentaux de l'économie politique), Iéna, 1933,
pp. 170 sqq.
17. Cf. par exemple Bernard Shaw,
Fabian Essays (1889,
pp. 16 sqq). De même, dans la théorie de la sociologie et de la
politique, le droit naturel et la théorie des contrats ont servi à
la fois à défendre et à combattre l'absolutisme.
18. Si l'on prétend faire un mérite au matérialisme historique
d'avoir insisté avec force sur la dépendance des rapports sociaux à
l'égard des conditions naturelles de la vie et de la production, il
faut prendre garde que ce mérite n'existe réellement que par
opposition aux excès de la philosophie de l'histoire d'inspiration
hégélienne. La philosophie libérale de la société et de l'histoire
était déjà parvenue à un stade plus avancé depuis la fin du XVIIIe
siècle (et cela même en Allemagne, cf. Below, Die deutsche
Geschichtsschreibung von den Befreigungskriegen bis zu unseren Tagen,
Leipzig, 1916, pp. 124 sqq.)
19. Sombart dit des principaux représentants du syndicalisme
français et italien (Sozialismus und soziale Bewegung, 7e
édit., Iéna, 1919, p. 110): « Ce sont dans la mesure où je les
connais personnellement, des gens aimables, fins et cultivés; des
hommes de bonne éducation qui portent du linge propre, ont de bonnes
manières et des femmes élégantes, que l'on fréquente aussi
volontiers que ses semblables et dont on ne soupçonnerait aucunement
à les voir qu'ils représentent un politique hostile avant tout à
l'embourgeoisement du socialisme et qui veut aider la véritable
classe ouvrière aux mains calleuses à conquérir ses droits. » Et de
Man dit (O.c., pp. 16 sqq) de même: « Si l'on voulait
appliquer jusqu'au bout la façon de s'exprimer des marxistes, si
grosse d'erreurs, qui fait dépendre toute l'idéologie sociale de
l'appartenance à une certaine classe, alors il faudrait dire que le
socialisme en tant que doctrine, sans en excepter le marxisme, est
d'origine bourgeoise. »
20. Le désir, dit-on, est le père de la pensée. Mais cette
formule signifie en réalité: le désir est le père de toute
croyance.
21. Cf. Engels,
Ludwig Feuerbach und der Ausgang der
klassischen deutschen Philosophie, p. 58.
22. Tönnies,
Der Nietzsche-Kultus, Leipzig, 1937, p. 6.
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*
Chapitre cinq (section un de la troisième partie) du livre
Le Socialisme - Étude économique et sociologique,
Éditions M.-Th. Génin – Librairie de Médicis – Paris (1938). (English
version)
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