Le Québécois Libre, 15 mars 2011, No 287. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/11/110315-11.html François Legault a attiré énormément d'attention au cours des derniers mois avec un vague projet de nouveau parti réunissant autant des séparatistes que des fédéralistes dans un même désir de sortir le Québec du marasme économique dans lequel il se trouve. Les fantasmes sont faciles à alimenter quand il n'y a rien de concret pour nous ramener sur terre. Puisqu'une proportion substantielle des Québécois en ont ras le bol des débats qui tournent en rond depuis des décennies et de la médiocre offre politique actuelle, les spéculations entourant le projet de l'ex-ministre péquiste ont suscité bien des espoirs. J'ai déjà dit ce que je pensais de ces étatistes qui savent compter que sont les « lucides »: des gens de gauche, partisans d'un gros État interventionniste, mais qui veulent qu'on puisse se payer nos généreux programmes sociaux au lieu de les financer à crédit. Contrairement à ceux qui pensent que l'argent pousse dans les arbres, ils sont plus conscients des limites de l'interventionnisme étatique. Mais s'ils veulent des finances publiques plus saines, c'est justement parce qu'ils comprennent qu'on ne peut pas dépenser de l'argent qu'on n'a pas. Et leur but, c'est d'en dépenser plus, pas moins. François Legault fait partie de cette mouvance. Il se décrit lui-même comme partisan d'une « gauche efficace ». Au départ donc, du point de vue de ceux qui veulent non pas un gros État « mieux géré » mais moins d'État, on pouvait difficilement s'attendre à quelque chose de vraiment intéressant dans le manifeste de la Coalition pour l'avenir du Québec lancé le 21 février dernier. À quelques nuances près, c'est cette même poutine vaguement réformiste qu'offrent les programmes du Parti Québécois, du Parti libéral et de l'Action démocratique. Et l'on sait que ces programmes se noient encore plus dans une sauce brune bien épaisse dès que le pouvoir est à portée de main. Ce mouvement est présenté comme une « coalition », alors qu'il ne s'agit en fait que d'une poignée d'illustres inconnus rassemblés autour d'un ex-ministre et d'un homme d'affaires. François Legault aurait sans doute pu frapper l'imagination des Québécois s'il avait réuni derrière lui une douzaine de figures prestigieuses venant de diverses familles politiques, même avec un manifeste insignifiant. Mais les uns après les autres ont refusé de se joindre à lui, ce qui en dit long sur ses qualités de leadership et de rassembleur. Je n'ai rien contre les nobodies, remarquez. J'aurais appuyé avec enthousiasme un groupe d'inconnus proposant des réformes ambitieuses. Je constate simplement qu'en politique, quand on n'a rien de bien original à proposer sur le plan du contenu ni rien de bien spectaculaire à présenter sur le plan des personnalités, on n'a rien à offrir, point à la ligne. Parlons justement de cette insignifiance du contenu. Ça saute aux yeux dès qu'on voit le nom du groupe: Coalition pour l'avenir du Québec. Est-ce qu'il y a des gens qui sont contre l'avenir du Québec? Quand vous n'avez rien à dire, parlez de la nécessité d'avoir les yeux tournés vers l'avenir, ça va impressionner les imbéciles. Qu'en est-il plus concrètement du « texte fondateur intégral » de la CAQ? On y apprend que « Notre redressement collectif passe d'abord par le retour de la confiance ». Que « Nous sommes tous responsables, tant individuellement que collectivement, de l'avenir du Québec ». Et aussi que « Nous devons mettre en place des solutions mieux adaptées aux réalités d'aujourd'hui pour remettre le Québec en mouvement et retrouver la fierté d'être Québécois en redonnant à notre société le souffle nécessaire pour se réaliser pleinement ». Mais encore? Le manifeste propose que nos enfants apprennent à lire, écrire et compter, qu'on subventionne davantage nos parasites culturels et qu'on n'exclue « aucune avenue législative ou juridique » pour imposer le français à tout le monde. Le fascisme de la langue, c'est une nouveauté au Québec, ça? On ressort mêmes des vieux tiroirs les bonnes vieilles méthodes protectionnistes: le gouvernement doit « utiliser tous les leviers disponibles pour conserver chez nous des centres décisionnels importants ». Et si c'était parce que le gouvernement utilise déjà trop de leviers qu'on perd ces centres décisionnels? La pensée caquiste s'articule autour d'une vision mythique de l'État, capable, tenez-vous bien, d'être « intraitable envers lui-même » au plan administratif de façon à accroître son efficacité. Wouuuh, ça va être beau à voir, des bureaucrates qui s'auto-flagellent pendant les pauses syndicales pour se motiver à travailler plus fort. Enfin, un manifeste au 21e siècle ne peut passer sous silence les vertus écolos. M. Legault et ses amis nous rappellent que nous devons « assurer le développement de modes et de réseaux de transport plus efficaces et plus faibles en émissions de carbone, assurer un développement urbain plus rationnel et plus sain et assurer que notre production et notre consommation d'énergie contribuent à limiter la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effets de serre au Québec et à l'échelle continentale ». En bref, il faut donc s'assurer de retrouver la confiance pour mettre en place des solutions mieux adaptées qui vont nous assurer qu'on redonne à notre société le souffle nécessaire pour s'assurer de prendre les meilleures décisions dans notre intérêt aussi bien individuel que collectif. Si François Legault n'a pas réussi au cours des derniers six mois, alors que des sondages lui donnaient un hypothétique tiers des intentions de vote pour son parti fantôme, à élaborer un programme plus pertinent et ambitieux ni à attirer de personnalités plus prestigieuses autour de lui, comment pourra-t-il réussir à le faire dans les mois qui viennent? La balloune est dégonflée, on constate qu'elle ne contenait que de
l'air. Dans un an, plus personne ne se souviendra de cette initiative
insignifiante. |