Boily
réfère ailleurs à des « ultralibéraux [qui] vont préconiser
le rejet de toutes traditions parce que celles-ci empêchent
le progrès en freinant l'initiative individuelle ». C'est
nous ça? Je ne connais pourtant personne dans la tradition
libérale qui rejette toutes les traditions, une
position complètement absurde tellement elle est englobante.
Et qui n'a d'ailleurs rien à voir avec le libéralisme ou le
libertarianisme, qui préconisent de laisser l'individu
libre de choisir les traditions qu'il entend préserver
ou non.
Dans un livre qui prétend
nous renseigner sur les courants idéologiques, on se serait
attendu à une explication pas mal plus claire. Mais je
soupçonne que comme la plupart des chercheurs universitaires
de nos jours, Boily connaît à fond son sujet de recherche
très pointu, mais ne connaît pas grand-chose des domaines
connexes. Quelqu'un qui sait ce que sont les libertariens
(ultralibéral est, comme néolibéral, un autre de ces termes
péjoratifs repris uniquement par nos opposants et que
personne n'utilise pour se décrire soi-même) ne les aurait
jamais définis de cette façon absurde.
Les méandres des courants idéologiques |
Quoi qu'il en soit, le plus cocasse, c'est de voir comment
Jean-François Nadeau (pourtant historien et politologue, qui
a écrit des livres sur Adrien Arcand, Pierre Bourgault et
Robert Rumilly) se perd dans les méandres des courants
idéologiques et rajoute une épaisse couche de confusion dans
sa recension.
Il commence par associer
Éric Duhaime et Maxime Bernier au conservatisme. Je connais
aussi très bien les deux et si on devait décrire leur
philosophie, il faudrait la rapprocher du libertarianisme et
non du conservatisme tel que décrit plus haut (l'adhésion à
un parti qui ratisse large comme le Parti conservateur du
Canada n'a rien à voir avec une idéologie précise – de toute
façon, la politique économique du gouvernement Harper est
aujourd'hui social-démocrate).
Puis, le chroniqueur
verse carrément dans le délire. Lisez cette perle:
Les lieux où s'expriment les
intellectuels du conservatisme d'aujourd'hui? Ils sont
nombreux, selon les tendances de chacun.
Les libertariens trouvent leur miel dans une revue comme
Égards, un imprimé à la diffusion quasi
confidentielle auquel collabore notamment l'écrivain
Maurice G. Dantec. Égards, note Boily comme d'autres
observateurs, paraît ouvertement « masculiniste,
homophobe et islamophobe ».
Aïe!!! J'ai déjà parlé d'Égards dans
un article cherchant à définir la « droite » au
Québec. Ses collaborateurs sont en effet plutôt obsédés par
l'homosexualité et les musulmans. Ce sont des conservateurs
sociaux, religieux, des néoconservateurs partisans de
l'empire américain. Si Jean-François Nadeau croit que ce
magazine est de tendance libertarienne, c'est qu'il n'a
aucune idée de quoi il parle. Remarquez, ça fait peut-être
partie des conditions d'embauche au Devoir.
Même si nous sommes
absents du livre, Nadeau mentionne tout de même le QL
plus loin dans sa chronique. Il n'a peut-être pas
compris que le QL est un magazine libertarien (il
faut tout de même le féliciter de ne pas nous décrire comme
libertaire!) mais, comme moi, il a bien vu qu'il était
arbitraire de s'arrêter à Migué, Elgrably et à l'IEDM en
parlant de la « droite néolibérale ». Complétant l'analyse
de Boily, il étire donc le concept jusqu'à nous. Voici ce
que ça donne:
Il [Frédéric Boily] évoque encore les
gens en orbite autour de l'Institut économique de
Montréal, comme l'économiste Jean-Luc Migué et Nathalie
Elgrably-Levy, cette dernière étant surtout connue du
grand public pour ses chroniques publiées dans Le
Journal de Québec et dans Le Journal de Montréal.
L'Action démocratique du Québec, du moins sous Mario
Dumont, développe « des idées qui se révèlent
similaires » à celles de cette droite néolibérale qui
trouve aussi sa voix dans Le Québécois libre, un
organe « en faveur de la liberté individuelle, de
l'économie de marché et de la coopération volontaire ».
Oubliez les 28 articles que j'ai écrits dès la fin des
années 1990 pour dire que
l'ADQ n'avait aucune idéologie cohérente et n'allait nulle
part. J'étais dans les patates. En fait, Mario Dumont
défendait les mêmes idées que le QL!
Oubliez aussi mes
nombreuses interventions pour distancer les libertariens de
la « droite » et du terme
« néolibéral ». Le QL, quoi que son fondateur
et directeur prétende, ce n'est pas un magazine libertarien,
mais plutôt l'organe de la « droite néolibérale ».
Avant, ils nous
ignoraient. Maintenant, compte tenu de notre influence
grandissante, ils se sentent obligés de parler de nous. Tout
croche, mais il faut être indulgent, les pauvres ont un tas
de nouveaux concepts exotiques et de théories compliquées à
apprendre. C'est comme la langue hindoue, ça ne s'apprend
pas comme ça du jour au lendemain...
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