Ils font d’ailleurs bien pire que de profiter de la
malhonnêteté d’autrui. Suivant les recommandations du
Groupe
d’action financière (GAFI), ils ont tous édicté des lois
rendant, dans des circonstances de plus en plus fréquentes,
la délation obligatoire, à tout le moins pour un certain
nombre de professionnels. Chacun sait que les législations
en matière de blanchiment obligent les banquiers, et depuis
lors des tas d’autres professions, à dénoncer leurs clients
sur un simple soupçon d’infractions considérées comme
graves.
Le pouvoir a fait accepter de telles mesures par l’opinion
en lui faisant croire qu’elles visaient des crimes que
celle-ci jugeait légitimement comme particulièrement
repoussants. Aujourd’hui, on se rend compte que cet arsenal
législatif n’est pratiquement jamais utilisé pour combattre
le crime organisé, le trafic de drogue, ou le terrorisme,
mais bien pour détecter de simples fraudes fiscales, qu’une
partie importante de la population, d’après des sondages
constants, n’arrive pas à désapprouver, quand elle ne
reconnait pas s’y livrer elle-même…
Recommandation après recommandation, directive après
directive, cet arsenal répressif devient un système de
contrôle policier, qui transforme des millions de personnes,
qui n’ont jamais choisi de travailler pour le pouvoir, en
informateurs obligés de celui-ci. On a franchi ainsi un
degré supplémentaire dans l’utilisation de la délation en la
rendant obligatoire, et ce pour un nombre de plus en plus
important de faits, et pour des catégories toujours plus
étendues de personnes. En agissant ainsi, les États ont, en
douceur et sans jamais le reconnaître, modifié
subrepticement la nature du rapport qui les lie aux
citoyens, et notamment aux contribuables. Il ne s’agit plus
seulement d’obliger ceux-ci à respecter les lois, même
lorsqu’elles ne sont plus « respectables », mais bien, en
outre, de les contraindre à obliger les autres à les
respecter et à faire d’eux, sous la contrainte, des
collaborateurs de l’autorité.
C’est dans le domaine fiscal que ce comportement des États,
qui est caractéristique de l’ensemble de leur activité
régalienne, est sans doute le plus dangereux: c’est en
levant les impôts que le pouvoir s’attribue les moyens
d’accroître sa politique de contrôle et de répression d’un
nombre toujours croissant d’activités. Dans le domaine
fiscal, les États ne s’attaquent en outre pas à quelques
minorités agissantes, mais à l’ensemble des citoyens,
puisque, d’une manière ou d’une autre, chacun finit par être
un contribuable. S’ils ont cette possibilité, c’est
simplement parce qu’à la différence des autres groupes,
celui des contribuables n’est pas organisé.
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