Les élus, parfaitement conscients de ce fait, ont, pour des raisons
idéologiques, choisi délibérément d’outrepasser leurs prérogatives et en
particulier de rendre impossible tout débat préalable en ne réalisant aucune
étude de coût ni de faisabilité sérieuse. Sans doute pensaient-ils que les
citoyens mis devant le fait accompli finiraient par saluer l’audace et le succès
de l’initiative.
La mauvaise foi, comme on sait, engendre la bonne conscience. Cette
initiative a d’emblée été présentée comme un « choix de société » mettant fin à
l’individualisme de l’automobile au profit du partage de ressources communes de
transport.
Lorsque fut connu le projet de « vélo social » à Montréal (Bixi)
j’adressai un commentaire le 10 novembre 2007 au Devoir, qui ne le
publia évidemment pas. J’y dénonçais les innombrables nuisances créées à Paris
par le Vélib’ et la volonté acharnée et autoritaire de bannir la voiture de la
cité: difficultés du stationnement accrues par l’amputation de milliers de
places, harcèlement policier, embouteillages permanents, livraisons empêchées,
désastre pour les commerçants situés dans des rues devenues inaccessibles, coûts
démesurés pour le seul bénéfice de quelques touristes et « bobos » circulant
entre les ministères où ils travaillent et leurs proches domiciles, etc.
Néanmoins, pour les élites de la cité, un nouvel « art de vivre » était né et du
même coup revivifiait l’idée du progrès indéfini.
La réalité, telle qu’on peut la lire dans Le Figaro du 30
juin dernier n’infirme en rien cette analyse.
À Paris, le déficit est là, bien sûr, mais paradoxalement moins
élevé qu’à Montréal avec un nombre de Vélibs’ pourtant bien supérieur à celui
des Bixis:
« L’exploitation du parc de 24 000 vélos (à Paris), de ses 1800 stations et 180
000 abonnés incombe à JCDecaux, moyennant la concession de panneaux
publicitaires. Chaque vélo lui coûte 3 000 € par an, tout compris. Comme une
mauvaise surprise, les nombreux vols et dégradations ont plombé la facture qui
est payée en partie par la Mairie. Les 3 premières années, 16 000 engins ont été
vandalisés: 8 000 volés et 8 000 autres remplacés car inexploitables. Au-delà de
4% de perte annuelle, la ville assure le remplacement des Vélibs’ détruits à
hauteur de 400 €. Le coût s’élève à 1,6 million d’euros pour les contribuables
parisiens. »
L’affaire Vélib’ ayant par ailleurs essaimé dans les villes de
province, le bilan n’y est guère plus flatteur. Ainsi, à Aix-en-Provence, ville
qui vient de mettre fin à l’expérience: « Les recettes liées à la publicité
étant donc insuffisantes, la Ville devait verser une contribution [à JCDecaux].
Elle déboursait 650 000 euros par an et on était engagés contractuellement
jusqu’en 2019 pour ce service qui n’a que 143 abonnés… »
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