Le Québécois Libre, 15 août 2011, No 291. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/11/110815-5.html Une innovation urbaine et sociale a depuis quelques années la faveur des municipalités des pays industrialisés: les vélos en libre-service. En 2007, la Ville de Paris a lancé le « Vélib’ », dont le Bixi montréalais semble être un clone. Il n’était alors pas besoin d’être un expert économiste pour anticiper l’aspect financièrement désastreux de cette initiative. Les élus, parfaitement conscients de ce fait, ont, pour des raisons idéologiques, choisi délibérément d’outrepasser leurs prérogatives et en particulier de rendre impossible tout débat préalable en ne réalisant aucune étude de coût ni de faisabilité sérieuse. Sans doute pensaient-ils que les citoyens mis devant le fait accompli finiraient par saluer l’audace et le succès de l’initiative. La mauvaise foi, comme on sait, engendre la bonne conscience. Cette initiative a d’emblée été présentée comme un « choix de société » mettant fin à l’individualisme de l’automobile au profit du partage de ressources communes de transport. Lorsque fut connu le projet de « vélo social » à Montréal (Bixi) j’adressai un commentaire le 10 novembre 2007 au Devoir, qui ne le publia évidemment pas. J’y dénonçais les innombrables nuisances créées à Paris par le Vélib’ et la volonté acharnée et autoritaire de bannir la voiture de la cité: difficultés du stationnement accrues par l’amputation de milliers de places, harcèlement policier, embouteillages permanents, livraisons empêchées, désastre pour les commerçants situés dans des rues devenues inaccessibles, coûts démesurés pour le seul bénéfice de quelques touristes et « bobos » circulant entre les ministères où ils travaillent et leurs proches domiciles, etc. Néanmoins, pour les élites de la cité, un nouvel « art de vivre » était né et du même coup revivifiait l’idée du progrès indéfini. La réalité, telle qu’on peut la lire dans Le Figaro du 30 juin dernier n’infirme en rien cette analyse. À Paris, le déficit est là, bien sûr, mais paradoxalement moins élevé qu’à Montréal avec un nombre de Vélibs’ pourtant bien supérieur à celui des Bixis: « L’exploitation du parc de 24 000 vélos (à Paris), de ses 1800 stations et 180 000 abonnés incombe à JCDecaux, moyennant la concession de panneaux publicitaires. Chaque vélo lui coûte 3 000 € par an, tout compris. Comme une mauvaise surprise, les nombreux vols et dégradations ont plombé la facture qui est payée en partie par la Mairie. Les 3 premières années, 16 000 engins ont été vandalisés: 8 000 volés et 8 000 autres remplacés car inexploitables. Au-delà de 4% de perte annuelle, la ville assure le remplacement des Vélibs’ détruits à hauteur de 400 €. Le coût s’élève à 1,6 million d’euros pour les contribuables parisiens. » L’affaire Vélib’ ayant par ailleurs essaimé dans les villes de
province, le bilan n’y est guère plus flatteur. Ainsi, à
Aix-en-Provence, ville qui vient de mettre fin à l’expérience: « Les
recettes liées à la publicité étant donc insuffisantes, la Ville devait
verser une contribution [à JCDecaux]. Elle déboursait 650 000 euros par
an et on était engagés contractuellement jusqu’en 2019 pour ce service
qui n’a que 143 abonnés… » |