Le Québécois Libre, 15 septembre 2011, No 292. Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/11/110915-5.html Bonne nouvelle! Il n'y a aucun risque que les États-Unis cessent de rembourser leur dette! En effet, Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale, affirme qu'il ne suffit que d'imprimer plus d'argent. Bien que ce type de discours ne soit pas surprenant venant d'un ancien de la Fed, il l'est venant d'un économiste de sa trempe. En effet, l'impression massive de billets de banque n'a jamais causé autre chose que des problèmes. L'exemple classique des méfaits de l'impression d'argent est la République de Weimar. Suite à la Première Guerre mondiale, l'Allemagne s'était fait imposer le versement d'immenses compensations punitives parce qu'elle était supposément la seule responsable du conflit. Comme les montants devaient être payés en marks-or, il ne pouvait y avoir que deux façon de payer: augmenter les impôts ou imprimer de l'argent. Berlin a choisi la seconde option, et ce fut un désastre. Entre août 1922 et novembre 1923, soit un peu plus d'un an, la quantité de marks en circulation a été multipliée non pas par deux, 10 ou 100, mais par 7,32 milliards. Comme pour tout autre bien, un surplus d'offre entraîne une chute de son prix. Dans le cas de la monnaie, augmenter autant son offre fait qu'un billet perd rapidement de sa valeur, à chaque jour. Ainsi nait l'hyperinflation: les gens se départissent de leur argent rapidement (en faisant des achats) afin de ne pas payer cette taxe indirecte qu'est l'inflation. L'argent devient donc une patate chaude que les gens s'échangent à une vitesse vertigineuse. Résultat: l'inflation mensuelle était de 322%; ce qui coutait 1 $ une journée coûtait 1,41 $ le lendemain. L'hyperinflation allemande a été stoppée lorsque le Rentenmark a été adopté, remplaçant l'ancien Deutsche Mark. Le Rentenmark, puisqu'il avait sous garantie des biens industriels réels, a rétabli la confiance des gens et des marchés et ainsi freiné l'hyperinflation. Encourager les mauvais investissements Toutefois, l'impression massive de billets ne cause pas nécessairement d'hyperinflation, comme c'est le cas au Japon. L'inflation depuis avril 1991, époque à partir de laquelle la Banque du Japon a commencé à diminuer son taux directeur, n'a jamais vraiment dépassé les 2%. Malgré tout, la croissance économique est demeurée anémique durant cette décennie, qui fut qualifiée de perdue. Même à ce jour, la confiance des entreprises n'a jamais atteint le sommet (sur une période de 30 ans) de 1989. Pourquoi une croissance si faible? Suivant la logique keynésienne, le Japon aurait dû renouer avec la croissance dès l'instant où la Banque du Japon a diminué son taux directeur. Cela encourage les banques à prêter et les consommateurs à consommer. Si c'était si facile, alors la République de Weimar serait vite devenue une puissance mondiale, de même que la Russie et le Brésil dans les années 1990. La croissance faible vient justement du taux d'intérêt ridiculement bas qui persiste dans l'empire du soleil levant depuis presque 20 ans. L'école autrichienne d'économie, dont l'un des principaux représentants est Ludwig Von Mises, nous enseigne que les cycles économiques sont causés principalement par les banques centrales qui manipulent les taux d'intérêts. Sans une telle institution, le taux d'intérêt représente l'équilibre de l'offre et de la demande d'épargne. Les entreprises investissent donc selon les préférences des consommateurs; un plus bas taux d'intérêt montre que les consommateurs consomment moins et épargnent plus (ce qui augmente l'offre de crédit), et vice-versa. Toutefois, quand les taux d'intérêts sont artificiellement diminués, ce signal disparaît. Les entreprises engagent donc des investissements qui ne sont pas nécessairement supportés par de l'épargne. Plus les taux d'intérêts sont maintenus trop bas pendant longtemps, plus les erreurs se généralisent, que ce soient des entreprises qui augmentent trop leur capacité de production sans que la demande le justifie ou des banques qui prêtent à des emprunteurs insolvables. Cette croissance économique est donc illusoire, comme ce fut le cas aux États-Unis jusqu'à l'éclatement des bulles technologiques et immobilières en 2000 et 2008, respectivement. Quand les bulles éclatent et qu'une récession se pointe, il n'y a qu'une chose à faire: ne rien faire. En effet, il faut permettre à l'économie de recouvrer seule son équilibre sans que le gouvernement n'intervienne. Sinon, une récession devient une dépression ou, dans le cas du Japon, deux décennies perdues. Voilà donc ce que Washington devrait faire pour revigorer l'économie américaine: ne rien faire, ou plutôt cesser d'intervenir dans l'économie comme il le fait. Le problème actuel d'endettement est uniquement provoqué par des dépenses indues; elles ont augmenté de façon presque constante depuis 1965, contrairement aux revenus. Comme imprimer plus d'argent n'est pas une solution viable, il faut donc que le gouvernement fédéral respecte l'esprit de sa propre Constitution et cesse de dépenser là où il ne devrait pas (éducation, routes, assurance-santé, caisse de retraite, etc.). Oh, il est certain que ça va faire mal pour un certain temps. Mais comme l'a démontré Warren Harding pendant la récession très profonde de 1920-21, laisser l'économie se stabiliser par elle-même est la meilleure des solutions. Sa décision de ne pas intervenir pour relancer l'économie – il avait même diminué les impôts et coupé les dépenses – a permis à cette dernière de reprendre du poil de la bête en moins de deux ans. ---------------------------------------------------------------------------------------------------- * Pierre-Guy Veer est journaliste indépendant. |