Pas vraiment, puisque l'auditoire visée est évidemment adulte. Qui plus
est, l'avantage du médium est que les créateurs peuvent se permettre un
certain niveau de vulgarité qui ne passerait pas avec une méthode plus
traditionnelle. Les premières saisons présentent des scénarios assez
surréalistes et vulgaires, quoiqu'on remarque déjà que les figures
d'autorité sont d'une stupidité effrayante. On y affiche également une
grande quantité de stéréotypes qui ne servent qu'à choquer les lobbys
sociaux traditionnels ‒ pensons au chef de cafétéria de l'école, qui est
un homme noir chantant comme Barry White à toutes les deux minutes.
Peu à peu, on commence à y voir des critiques sociales très claires et
dirigées. Lors de la quatrième saison, on y parodie ouvertement la
notion de « crime haineux » lorsque des agents fédéraux traînent en justice
l'un des enfants qui a insulté un de ses camarades de classe de race
noire. « La prochaine fois que tu intimides une personne à l'école,
assures-toi qu'elle soit de la même couleur que toi », lui explique un
juge après la délivrance d'une sentence de deux ans dans un pénitencier
juvénile.
De l'éducation sexuelle à l'école au traitement des mourants aux soins
palliatifs, de l'immigration illégale à l'homosexualité en passant par
la régulation du taux d'urine dans les piscines publiques, un ensemble
de sujets concernant la société civile et le gouvernement y sont abordés
avec humour, vulgarité et désinvolture, d’autant plus que l'ensemble des
positions du spectre politique américain y sont sérieusement
ridiculisées.
« We find just as many things to rip on the left as we do on the right.
People on the far-left and the far-right are the same exact person to
us », explique Trey Parker lors d'une entrevue.
Les positions politiques des créateurs ont été remarquées assez rapidement aux États-Unis. Pour les connaisseurs, c'est Andrew Sullivan
(commentateur politique américain) qui, en 2001, utilisera l'expression
« South Park Republican » pour désigner une nouvelle génération de jeunes
ayant des positions « de centre droite » en phase avec la série. En 2006,
lors d'une entrevue avec le magazine Reason, les deux créateurs
ont affirmé que leurs positions étaient assez proches du libertarianisme
après avoir indiqué leur dédain pour les étiquettes. Dans les faits,
Matt Stone indique ne pas être sur les listes électorales et Trey
Parker est enregistré comme membre du Parti libertarien des États-Unis.
Leurs créations ne s'arrêtent pas à South Park. Le film Team
America: World Police est probablement l'une des meilleures
illustrations du néoconservatisme américain et de la guerre au
terrorisme. Sorti
en 2004, le long-métrage réalisé avec des marionnettes qui rappelleront
aux plus vieux Les sentinelles de l'air critique sérieusement
l'interventionnisme militaire américain ainsi que la naïveté des
artistes gauchistes utilisant leur popularité pour faire avancer des
causes politiques. D’ailleurs, Sean Penn (qui est ridiculisé dans le
film) a écrit une lettre publique pour dénoncer l'oeuvre et
l'insouciance de ses créateurs, puisque cette dernière aurait eu le
pouvoir de changer le cours des prochaines élections...
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