L'économie administrée et le bon plaisir (Version imprimée)
par Michel de Poncins*
Le Québécois Libre, 15 décembre
2011, No 295.
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/11/111215-6.html


Nos lecteurs réguliers sont habitués à souffrir de la formidable usine à gaz législative que leur infligent les membres de la « caste » depuis longtemps au pouvoir, lesquels se rattachent à divers partis. Cet ouragan de lois participe à la paupérisation de la France et des Français, ceci dans une croissance ridiculement plate.

Ils ne saisissent pas toujours l'existence d'une autre tornade dévastatrice, à savoir l'économie administrée, instrument favori de la même caste. Elle utilise des termes précis comme « boîte à outils », « dispositifs », « volontarisme étatique », « coups de pouce », « mesurettes », ou autres, qui manifestent le désir violent de tout soumettre dans la vie nationale à une sorte de dictature diffuse.

L'industrie automobile est actuellement sur la sellette. Sa situation est délicate, car le marché européen décline au profit des marchés émergents. La France a la chance d'avoir deux grands groupes qui ont su croître malgré les coups de butoir contre toute forme d'industrie des gouvernements successifs. Les dirigeants de ces groupes veulent satisfaire leur clientèle et, avec beaucoup de précautions, doivent réduire les effectifs en France.

Le président de la République ne l'entend pas ainsi. Il vient donc de convoquer (sic) à l'Élysée M. Philippe Varin, président de PSA, pour lui enseigner à mieux gérer son entreprise. Le président endosse ainsi le rôle de DRH. C'est un abus de pouvoir caractérisé. Le président de PSA a, semble-t-il, accepté. Personne ne peut imaginer qu'il ait obtempéré sans contrepartie et nul ne saura laquelle, tant l'économie administrée réserve de possibilités.

Le pouvoir ne veut absolument pas prendre la « route de la liberté » et poursuit sans relâche la « route de la servitude » pour prétendument résoudre la crise dont il est largement complice. La route de la servitude est bien celle de l'économie administrée. De ce fait, il court en tout sens pour chercher des sous et attaque les niches fiscales. Le total atteindrait 100 milliards: 30 milliards d'entre elles seraient « injustifiées »: nous sommes en plein délire.

Chacune de ces niches correspondait à une volonté momentanée du pouvoir de favoriser telle activité utile à une époque donnée. Aujourd'hui, il faut trouver au plus vite des ressources. La presse aux ordres va jusqu'à fustiger les bénéficiaires des 30 milliards car ils échappent à l'impôt. Certains comparent leur prétendu privilège aux fraudes sociales! Le « tout impôt » impliquerait que, faute d'être taxé pour une activité quelconque, le bénéficiaire serait un fautif!

Un autre exemple est celui de la Caisse des Dépôts, gigantesque dinosaure étatique, qui oriente ses investissements au hasard des préoccupations des gouvernements successifs.

Le problème de l'emploi est crucial, le chômage venant précisément du bouillonnement activiste de l'État: si par miracle le chômage des jeunes s'améliore, il faut courir favoriser les seniors!

Ne pas oublier non plus les deux Grenelles de l'Environnement qui, pour le bon plaisir de Jean-Louis Borloo, conduisent à des dépenses aberrantes et ruineuses. Les lois correspondantes furent votées après de nombreuses parlottes et comprennent un grand nombre de dispositifs ruineux pour la population. Parmi ces mesures se trouve le choix des énergies renouvelables ou du développement durable, tous termes sans signification précise dans la langue française.

Les dons aux oeuvres

La réglementation des dons aux oeuvres atteint un sommet dans l'absurde. Jusqu'en mars 2009, il existait 12 catégories d'associations bénéficiaires, chaque catégorie ayant son régime particulier ‒ le reçu à envoyer comportait une demi-page. Depuis lors, il comporte une grande page 21x24. À la lire attentivement, la raison en est que les 12 catégories d'associations sont devenues 24. Elles portent souvent des noms absolument obscurs: « entreprises adaptées », « entreprises d'insertion » ou « entreprises de travail temporaire d'insertion ».

Le chef-d'oeuvre de la « bourreaucratie » se lit dans une petite notice d'une demi-page: « Cette disposition fiscale concerne uniquement les organismes qui satisfont aux critères définis par les articles 200, 238 bis et 885, etc., du code général des impôts. » Pour que les victimes comprennent bien, il leur est conseillé de s'assurer qu'ils répondent aux critères visés; ces derniers se réfèrent à un nombre d'articles considérable du livre des procédures fiscales.

Et si les victimes ont des insomnies, elles peuvent consulter le bulletin officiel des impôts dont la lecture doit être particulièrement attrayante. Nous gardons pour la fin le coup de fouet suivant: « Si les organismes bénéficiaires de dons délivrent à tort des reçus fiscaux, ils s'exposent au paiement d'une amende fiscale égale à 25% des sommes indûment mentionnées sur ces documents (article 1740 à du C.G.I.). »

« Tout État » et intérêts

Comment expliquer ce déferlement de l'économie administrée?

L'idéologie du « tout État » est inscrite dans les gènes de la caste au pouvoir. Comme rien ne fonctionne parfaitement, son champ d'action est illimité. Il faut donc « être à la manoeuvre » tous les jours. Si les étudiants n'arrivent pas à se loger dans tel endroit, un « dispositif » sera monté à la hâte et ainsi de suite dans tous les domaines...

J'ai dénoncé dans un livre aujourd'hui épuisé la « République Fromagère ». S'ajoute en parallèle la « République Sondagère »: les membres de la caste, en particulier ceux du sommet, naviguent à vue sur la mer des sondages. De ce fait, ils lancent, sans lassitude aucune, des gerbes d'actions diverses et variées voulant tout contrôler et, bien sûr, n'y parvenant jamais.

Les actions sont d'autant plus nombreuses et désordonnées que 40 ministres ou quasi ministres, dont beaucoup d'inutiles, s'activent en permanence pour tenir le haut du pavé et montrer qu'ils existent.

Les intérêts se donnent libre cours, les membres de la caste trouvant dans cette action incessante les moyens de leur confort, de leur richesse, voire de leur joie. C'est le « bon plaisir ». Les intérêts d'autres parties prenantes les rejoignent: les bénéficiaires de subventions ou de « coups de pouce » salvateurs sont nombreux.

Les effets sont inévitablement catastrophiques. Le premier est l'effet de ruine amplifié par les impôts nécessaires.

Des dommages idéologiques se produisent aussi par la soumission stérile aux chimères à la mode comme les éoliennes ou d'autres folies semblables.

Les rois Incas obligeaient, par la force des fonctionnaires, les citoyens de la base à laisser leurs portes grandes ouvertes pour que personne n'échappe à leur curiosité. Ils tenaient des statistiques grâce à un système de cordelettes à noeuds. L'objectif était de tout diriger dans l'intérêt d'une caste réduite.

Les techniques ont changé, le « bon plaisir » est toujours là!

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* Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.