« S’il y a des lois générales qui
agissent indépendamment des lois écrites et dont celles-ci ne doivent
que régulariser l’action, il faut étudier ces lois générales. » Ainsi
l’économie politique est la science qui étudie les lois de l’action
humaine. « Si, au contraire, ajoute Bastiat, la société est une
invention humaine, si les hommes ne sont que de la matière inerte,
auxquels un grand génie, comme dit Rousseau, doit donner le sentiment et
la volonté, le mouvement et la vie, alors il n’y a pas d’économie
politique; il n’y a qu’un nombre indéfini d’arrangements possibles et
contingents; et le sort des nations dépend du fondateur auquel le hasard
aura confié leurs destinées. » (Chapitre I des Harmonies Économiques)
L’économie doit aussi décrire les effets des décisions politiques sur la
société. Mais selon Bastiat, elle doit être attentive, non pas seulement
à ses effets à court terme sur un groupe particulier mais plutôt à ses
conséquences à long terme pour la société dans son ensemble.
Bastiat écrit: « Entre un mauvais et un bon Économiste, voici toute la
différence: l’un s’en tient à l’effet visible; l’autre tient compte et
de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. Mais cette
différence est énorme, car il arrive presque toujours que, lorsque la
conséquence immédiate est favorable, les conséquences ultérieures sont
funestes, et vice versa. »
Henry Hazlitt, un économiste américain disciple de Bastiat, précise: « L’art de l’économie consiste à identifier non seulement les effets
immédiats, mais les effets à plus long terme de tout acte ou de toute
décision politique, il consiste à identifier les conséquences d’une
politique non seulement pour un groupe, mais pour tous les groupes. »
(Henry Hazlitt, L’économie en une leçon, 1946)
Parce qu’identifier les effets cachés d’une décision politique exige un
effort, les électeurs ne voient que les avantages immédiats valorisés
par les politiciens et les médias. Souvent, ils ne peuvent pas mettre en
relation les décisions du gouvernement avec les frais supplémentaires,
générés indirectement par le ralentissement des échanges économiques ou
directement par l’augmentation de l’inflation et des taxes. Les
avantages temporaires de la promesse électorale l’emportent sur le coût
d’une action pour la combattre. Le problème en démocratie, c’est que
l’électeur n’a pas les moyens d’être un bon économiste.
Bastiat a illustré sa distinction entre ce qu’on voit et ce qu’on ne
voit pas par un pamphlet appelé Le sophisme de la vitre cassée. Le
garçon qui brise la fenêtre d’un voisin donne du travail au verrier.
C’est ce qu’on voit. De même, dira Keynes, la destruction de la
propriété, en forçant à la dépense, stimule l’économie et a un « effet
multiplicateur » revigorant sur la production et l’emploi.
C’est seulement ce qu’on voit. Mais ce qu’on ne voit pas, dit Bastiat,
c’est ce que le propriétaire aurait acheté, mais auquel il doit
renoncer, avec l’argent qu’il doit maintenant dépenser pour réparer sa
fenêtre. Ce qu’on ne voit pas, c’est l’opportunité perdue du boutiquier.
S’il n’avait pas eu à dépenser pour réparer la vitre, il aurait pu
accroître son capital et ainsi employer du monde dans une action de
création. Ou bien, le boutiquier aurait pu dépenser l’argent pour sa
propre consommation, employant ainsi des travailleurs pour la
production. Selon Bastiat, la destruction ne stimule pas l’économie
comme le pensent aujourd’hui les keynésiens mais conduit à
l’appauvrissement.
À suivre…
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