L'État est un mauvais assureur
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Mais pourquoi le gouvernement gère-t-il si mal les risques?
Premièrement, le processus démocratique n’agrège pas l’information, il
ne fait que détecter la position qui est supportée par le plus grand
nombre de votes. Cette dernière sera par la suite appliquée
unilatéralement, et les déficits d’une idée biaisée pourront être
épongés grâce aux fonds publics. Un marché, quant à lui, permet la
coexistence de plusieurs opinions et supprime les agents dont la vision
n'est pas économiquement viable. Le dernier modèle n’est pas parfait,
mais ses caractéristiques lui confèrent de bien meilleures opportunités
d'évolution.
Il faut également prendre en compte la structure particulière de la
fonction publique. Un assureur normal peut décider de segmenter sa
compagnie par fonction (ventes, production, finances), par région, par
produit ou encore avec des structures hybrides si une situation requiert
une attention particulière. L’État, quant à lui, est plutôt regroupé par
« thématiques » (santé, culture, éducation...) dont les tâches à remplir
ne sont pas mutuellement exclusives; les compétences juridiques sur un
même dossier vont donc s'entremêler et parfois même se contredire. Les
agents, n’ayant pas de ligne directrice commune, voudront surtout
accroître leur pouvoir, auront des intérêts qui leur sont propres, et
n’auront pas nécessairement envie de coopérer entre eux pour offrir un
meilleur service aux citoyens.
Prenons deux assureurs publics très connus, la Régie de l'assurance
maladie du Québec (RAMQ) et la Société de l'assurance automobile du
Québec (SAAQ). Suite à une demande du Conseil du Trésor, les organismes
avaient refusé de coordonner l'émission de la carte d'assurance maladie
et du permis de conduire en utilisant la même photo sous prétexte que
c'était « impossible ». Puisqu’un ordre formel du gouvernement a été
nécessaire afin que les fonctionnaires concernés décident de collaborer
pour réussir « l'impossible », on peut s'imaginer à quoi ressemble la
résolution de problématique complexes telles que la santé publique ou
l’éducation.
Finalement, l'orientation politique des différents ministères implique
une vision à court terme des dossiers. Une adolescente se suicide dans
la Gaspésie? Vite, il faut montrer à la population que tout sera sous
contrôle grâce au nouveau programme de 17 millions. Les caisses de
retraites de la fonction publique sont en déficit actuariel et les
contribuables vont financer les manques à gagner? Problème plutôt
abstrait dont les conséquences seront dans le futur (concept encore plus
abstrait), vaut donc mieux ne pas trop en parler.
Le cynisme de la classe moyenne québécoise n’est pas un hasard. Un grand
nombre de citoyens, qu'ils soient économistes, médecins ou
scientifiques, ont l’imagination nécessaire pour créer des politiques
publiques censées dont l’application pourrait permettre une gestion des
risques plus efficace qu’un marché. Malheureusement, ces idées ont une
tare commune: celle de considérer l’État comme une organisation parfaite
qui appliquera toutes ces mesures de façon cohérente. La réalité est
qu'un État-providence n'est pas une force divine abstraite mais bien un
regroupement d'assurances collectives où les agents sont irrationnels,
l'information imparfaite, les luttes de pouvoirs incessantes et la
cohésion anémique. Ironiquement, ce portrait digne de Jérôme Bosch est
celui de l'enfer constamment peint par les interventionnistes dont
l'intérêt est de maintenir la population dans la peur d'un monde sans
État.
Comme quoi le capitalisme, c’est le meilleur des pires systèmes.
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