Si la théorie du capital
humain est vraie, Julie devrait gagner une prime de 5000$,
puisque qu’elle possède la moitié des actifs de Paul... Mais
ce n’est évidemment pas ce qui arrive dans la réalité,
puisque les employeurs attribuent une valeur à l’obtention
du diplôme.
Considérons un autre
exemple: Anne et Camille passent des entrevues pour être
embauchées comme actuaires. En discutant, Anne admet avoir
complètement oublié le contenu de son cours optionnel
d'espagnol, tandis que Camille avoue l'avoir échoué puisque
qu'elle n'avait pas étudié. Selon la théorie du capital
humain, Anne et Camille ont des compétences égales: oublier
est la même chose que ne jamais apprendre. Pourtant,
l'employeur risque fortement d'engager Anne, puisqu'il sait
qu'elle est plus disciplinée dans son travail, ce qui
l'avantage par rapport à Camille. Or, cet atout n'est
strictement pas relié aux études effectuées! Est-ce un
investissement social judicieux?
La réalité est que la
valeur d'un diplôme n'est pas seulement qu'une question de
capital, c'est aussi une question d'information. En effet,
la réussite d'études suscitent la création de signaux qui
permettent aux employeurs d'embaucher les meilleurs talents
en fonction des réussites passés. Or, on peut se demander si
une formation universitaire coûteuse est un moyen approprié
de qualifier des travailleurs…
Ironiquement, la dette
d'étude elle-même peut servir de signal. Reprenons Anne et
Camille, nos deux actuaires, mais en variant l'histoire:
Anne à étudié gratuitement dans une grande école européenne,
tandis que Camille a décidé d'accumuler une dette de 200
000$ pour aller à Harvard. La théorie du capital humain
indique que ces deux formations de valeur équivalente
devraient laisser un employeur indifférent. En réalité, il
sait que Camille à un couteau sur la gorge et qu'elle n'a
pas le choix de travailler très dur pour rembourser son
prêt. De plus, si elle a fait ce choix, c'est qu'elle est
confiante dans sa capacité de gagner cet argent, ce qui
n'est pas nécessairement le cas d'Anne. Camille risque donc
d'obtenir un meilleur rendement sur son « investissement »,
même si ce dernier a la même valeur que celui de sa
concurrente!
La majorité des études empiriques cités dans le débat ne
font aucune distinction entre le capital humain et le
phénomène de signalement. Généralement, les lologues vont
s’exciter devant leur capacité à faire des régressions pour
« démontrer » que l'université est le Graal du
développement. Et puisque les deux théories ont des impacts
corrélés, il est très facile de méprendre l'une pour
l'autre.
Comme plusieurs autres
secteurs, l’éducation est un domaine bureaucratisé, contrôlé
et centralisé. Via l’État, plusieurs groupes d’intérêt y
interviennent afin de se procurer des avantages au détriment
de la société. Qui plus est, l’université est maintenant un
« levier social » dont chaque changement implique de
nouvelles manifestations des différents groupes concernés.
La question du « juste
prix » des études est nécessairement caduque; la
connaissance est un bien fondamentalement gratuit, mais le
maintien d'infrastructures visant à sa diffusion dépend des
préférences de chacun. Certains ont besoin d'entendre la
voix d'un professeur, tandis que d'autres préfèrent rester
chez eux et lire le manuel. Imposer la même solution à tous
n'est certainement pas la meilleure manière de procéder,
surtout quand cette dernière est faite sur des bases
économiques désuètes avec l'aide d'une institution
inefficiente. Contre la hausse? Bof... surtout contre
l'université.
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