Le Lorax et l'écologisme capitaliste (Version imprimée)
par Pierre-Guy Veer*
Le Québécois Libre, 15 mars
2012, No 298.
Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/12/120315-4.html


Le Lorax, le plus récent film d'Illumination Entertainment, est basé sur une histoire du Dr. Seuss (The Grinch Who Stole Christmas, notamment). N'ayant pas lu l'histoire originale, je ne saurais dire si l'adaptation est fidèle. Mais une chose est sûre: les producteurs du film ont voulu faire passer le message (pas subtil du tout) que, laissé à lui-même, le capitalisme amène la destruction, la pollution et la misère. Et pourtant, pour qui possède un esprit perspicace, le film montre exactement le contraire...

Le film commence avec un numéro musical où les personnages de Thneedville chantent leur joie de vivre dans une ville qui n'a pas d'arbre vivants ni d'animaux sauvages. Tout est fait de plastique et les gens consomment de l'air en bouteille, gracieuseté de la compagnie O'Hare.

Ted, un adolescent ordinaire, tente de gagner le coeur d'Audrey, une fille qui rêve, plus que tout au monde, de posséder un vrai arbre. Alors commence sa quête, qui l'emmènera hors de la ville, là ou tout est désolation et air irrespirable. Il rencontrera Once-ler ‒ dont la plaque d'immatriculation se lit presque comme « Oiler » ‒, homme qui, de son propre aveu, est responsable de la destruction de l'environnement autour de Thneedville. Celui-ci racontera alors son histoire: il voulait vendre son Thneed, espèce de morceau de tissu très polyvalent, fait à partir des feuilles des arbres (qui ressemble à de la barbe à papa). Mais dès qu'il a coupé un arbre, le Lorax, esprit de la forêt, a tout fait ce qu'il pouvait pour l'empêcher de « détruire » la forêt où vivent tous les animaux.

Ça fonctionne pour un temps... jusqu'à ce que la famille de Once-ler, au très fort accent du Sud, arrive et commence la production en série du Thneed ‒ elle qui ne croyait pas du tout aux chances de Once-ler. Ainsi commence la destruction de la forêt et l'enrichissement de Once-ler. « How bad can it be? » chante-t-il jusqu'à ce que le dernier arbre soit rasé...

Festival des clichés

Les clichés anticapitalistes de ce film sont presque innombrables. Outre ceux énumérés dans le résumé du film, notons ‒ et je ne me concentrerai que sur trois ‒ celui qui concerne O'Hare, le président de la compagnie d'embouteillage d'air.

Au début du film, deux employés de sa compagnie lui suggèrent de construire une nouvelle usine hyper polluante, ce qui fera ainsi grimper son chiffre d'affaire. En prenant connaissance des escapades de Ted, O'Hare l'avertit sévèrement de ne pas sortir de la ville. Quand il apprend que Ted a en sa possession la dernière graine d'arbre, il s'acharne à la capturer. Après tout, les arbres sont mauvais pour les affaires parce qu'ils produisent de l'air pur gratuit.

Il y a également la famille de Once-ler, un ramassis de tous les clichés imaginables sur les gens du Sud des États-Unis: accent rural, manières primitives et surtout dédain de l'éducation et de l'avancement. Elle croit que Once-ler sera incapable de vendre son Thneed et se moque abondamment de lui lorsqu'il part à l'aventure. Mais dès qu'elle apprend que le produit est un succès, elle se précipite, avec sa maison mobile, auprès de Once-ler pour partir sa compagnie. Évidemment, parce que c'est une famille sudiste ignare, elle va complètement raser la forêt, pour ensuite renier Once-ler parce qu'il a fait faillite.

Enfin, le Lorax représente le fantasme par excellence des écologistes: c'est l'esprit de la forêt, le défenseur des animaux et le protecteur de l'air pur. Il apparaît magiquement quand Once-ler coupe le premier arbre de la forêt, tentant de l'empêcher de poursuivre sa « destruction ». Il tente même de noyer Once-ler en déposant son lit dans la rivière pour qu'il parte à la dérive. Mais comme un des animaux était sur le lit, Once-ler sera sauvé, probablement à son grand regret.

Le vrai capitalisme est écologique

Les libertariens auront vite compris que Le Lorax montre clairement ce qui se produit quand les règles fondamentales du capitalisme ‒ propriété privée, investissement à long terme, non-intervention du gouvernement dans l'économie ‒ ne sont pas respectées. Pour les autres, laissez-moi vous exposer sa vraie nature...

Quand Once-ler arrive dans la forêt, personne n'en est légalement propriétaire. Oui, les animaux sont très mignons, mais dans la vraie vie, ils n'ont pas de droits de propriété. Si Once-ler était devenu le propriétaire légal de cette terre, alors il aurait (fort probablement) tout fait pour utiliser les arbres intelligemment. Après tout, ce qui fait le succès du capitalisme, c'est l'investissement, PAS la consommation. D'ailleurs, l'investissement (privé) explique presque, à lui seul, pourquoi « l'Occident » (Europe, É.-U., Canada, Australie, etc.) était jusqu'à récemment tellement plus riche que le reste du monde(1).

Le comportement de Once-ler n'a donc rien à voir avec le capitalisme. Au contraire, on pourrait dire que ce type de comportement est encouragé dans notre monde interventionniste. Un très bel exemple est le sort de la Seigneurie du Triton dans le Nord du Québec. Sous pression populaire, le gouvernement Charest avait décidé, en 2005, de déclarer cette zone aire protégée, empêchant ainsi toute exploitation forestière, même de la part de compagnie qui s'y trouvaient déjà. Naturellement, se sachant évincées sous peu, les compagnies présentes ont rationnellement cherché à maximiser leurs profits... en coupant à blanc. La moralité de cette action est discutable, mais elle facilement compréhensible: puisque la propriété sera publique, à quoi bon préserver les arbres pour le futur?

Le même concept s'applique pour la pollution. Si c'est une plaie dans notre monde moderne, c'est que l'air, le sol et l'eau appartiennent à tous, et donc à personne. Derrière le Rideau de fer des régimes communistes, là où les lois économiques étaient presque toutes ignorées, la pollution était effarante, certaines forêts sont devenues irrécupérables et beaucoup de gens en mouraient prématurément. Si des droits de propriété privée avaient été appliqués sur ces territoires, ces problèmes n'auraient probablement jamais existé.

Dans les années 1950, Hooker, une compagnie de produits chimiques dans l'État de New York, avait en sa possession un canal dans lequel elle déversait ses déchets. Il était très bien construit et aucune fuite n'a été rapportée. C'était tout à son avantage, sinon elle aurait dû dédommager ses victimes pour la pollution causée. Mais dès que le gouvernement local a décidé d'acheter des terrains en bordure dudit canal, les problèmes ont commencé: désintégration de la structure du canal, fuites, construction en bordure du canal... Comme le secteur public n'est généralement responsable de rien, nul besoin de dire que la compagnie a reçu tout le blâme.

C'est donc ce qui peut expliquer le je-m'en-foutisme de O'Hare quant à la pollution engendrée par ses activités. Comme il n'y a pas de propriété de l'air ou de l'eau, il s'en fiche; il en profite même. Et son comportement face aux arbres ‒ ils offrent une concurrence « déloyale » quant à la production d'air pur ‒ n'est pas sans rappeler la pétition des marchands de chandelles présentée par Frédéric Bastiat. Tout comme O'Hare, ils protestaient contre la concurrence déloyale... du soleil et exigeaient des pouvoirs publics que l'on bloque toutes les fenêtres afin de faire augmenter les affaires. Force est de constater que O'Hare, lui, a eu gain de cause, ce qui aurait été impossible dans un libre marché. En effet, la majorité des gens seraient porté à vouloir profiter d'air pur gratuit produit par les arbres.

En conclusion, malgré ses qualités techniques évidentes, Le Lorax n'est qu'un vulgaire film de propagande écologiste qui fait fi d'à peu près toute la logique économique. Et comme il s'adresse principalement aux enfants, je conseille fortement aux parents libertariens de bien expliquer à leurs rejetons que ce film montre ce qui se passe quand on ne respecte PAS l'esprit du capitalisme.

Note

1. Mises, Ludwig Von. Marxism Unmasked: From Delusion to Destruction, Foundation for Economic Education, Irvington-on-Hudson, NY, 2006.

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* Pierre-Guy Veer est journaliste indépendant.