Montréal, 15 avril 2012 • No 299

 

Gilles Guénette est titulaire d'un baccalauréat en communications et éditeur du Québécois Libre.

 

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1000 jours pour la planète
(ou le retour des catastrophistes)

 

par Gilles Guénette

 

          Vous vous souvenez sans doute de lui. En 2007, il était partout pour parler de la fin du monde appréhendée. Le biologiste et cinéaste Jean Lemire, accompagné d'un équipage de scientifiques et de cinéastes, revenait d'une expédition où il avait été vivre les changements climatiques et leurs conséquences « dans les griffes glacées du continent Antarctique sur le voilier Sedna IV » (comme on peut le lire sur glacialis.tv). La Presse lui avait donné une chronique hebdomadaire et il faisait quasiment partie des meubles à Radio-Canada.

 

          Eh bien imaginez-vous que M. Lemire reprend le flambeau. Il part à la conquête du monde cette fois dans une mission intitulée: « 1000 jours pour la planète ». Mille jours?! Oui, madame. Trois longues années de « sensibilisation environnementale » et de propagande catastrophiste en vue. De quoi raviver l'intérêt pour la thèse du réchauffement climatique ‒ qui semble avoir diminué depuis quelques années. Pour se faire, les différentes étapes de l'itinéraire du Sedna IV pourront être suivies sur toutes les plateformes de Radio-Canada, notamment à l'émission Découverte, par le biais d'une série à RDI, à la radio et sur internet.

          Le but du voyage (financé en partie par nos impôts) est de « célébrer la vie dans toute sa diversité et de favoriser la prise en charge collective de sa protection ». Rien de moins. Si on se fie au passé médiatique de Lemire ‒ qu'on peut classer sans se tromper dans la catégorie des pessimistes ‒, il ne se contentera pas de nous ramener de belles images de couchers de soleil sur la toundra ou de touchantes histoires de crapauds coupés de leur milieu humide. Il va s'attarder à tous les aspects de la planète en danger, menacée, surexploitée, etc. Et, comme par le passé, il se risquera à faire quelques prédictions.

          Histoire de le mettre en garde, et de nous préparer, voici quelques prédictions catastrophistes (environnementales ou autres) proférées au fil des années qui (ô surprise!) se sont toutes avérées fausses. Elles sont tirées de l'excellent The Rational Optimist: How Prosperity Evolves (Harper, 2010) de Matt Ridley ‒ une lecture que je suggérerais fortement à M. Lemire et à l'équipage du Sedna IV avant leur périple. (Ma traduction.)

En 1995, le scientifique et écrivain Jared Diamond, qui, par ailleurs, est excellent, est tombé sous le charme du pessimisme ambiant lorsqu'il a promis qu'« au moment où mes jeunes fils atteindront l'âge de la retraite, la moitié des espèces du monde auront disparus, l'air sera radioactive et l'eau des mers polluée à l'essence. »

La prédiction d'une éventuelle famine à l'échelle mondiale a une longue histoire, mais c'est probablement en 1967 et 1968 qu'elle a atteint son niveau le plus apocalyptique avec la publication de deux best-sellers. Le premier était par William et Paul Paddock (Famine, 1975!). « La collision population-alimentation est inévitable, nous sommes condamnés d'avance », était le titre du premier chapitre. Les Paddocks allaient jusqu'à affirmer qu'on ne pouvait plus rien pour des pays comme Haïti, l'Égypte et l'Inde et qu'il fallait laisser leur population mourir de faim; les efforts du monde devraient, selon le principe de triage(1), se concentrer sur les cas les moins désespérés. [...] L'année suivante a vu paraître The Population Bomb [dans lequel] Paul Ehrlich, un obscure écologiste spécialisé dans les papillons [devenu] gourou de l'environnement, [écrivait]: « Durant les années 1970 et 1980, des centaines de millions de personnes vont mourir de faim en dépit de tous les programmes mis de l'avant dès maintenant. À l'heure actuelle, rien ne peut plus empêcher une hausse substantielle du taux mondial de mortalité. »

Prenez l'échec humiliant des prédictions effectuées par le modèle informatique nommé World3, au début des années 1970. World3 a tenté de prédire la capacité de régénérescence des ressources naturelles de la planète et a conclu, dans un rapport intitulé Limits to Growth, rédigé par un groupe nommé de façon pompeuse: le « Club de Rome », que l'utilisation exponentielle des ressources pourrait épuiser les réserves mondiales connues de zinc, d'or, d'étain, de cuivre, de pétrole et de gaz naturel avant 1992 et ainsi provoquer l'effondrement de la civilisation et de la population dans le siècle suivant.

En 1970, le magazine Life a promis à ses lecteurs que les scientifiques détenaient « de solides preuves expérimentales et théoriques » que « d'ici une décennie, les citadins devront porter des masques à gaz pour survivre la pollution de l'air [et que] d'ici 1985, la pollution atmosphérique aura réduit la quantité de lumière solaire atteignant la terre de moitié ». Le smog urbain et les autres formes de pollution de l'air ont refusé de suivre ce scénario, alors que la technologie et les réglementations ont rapidement améliorée la qualité de l'air. Donc, durant les années 1980, le scénario s'est tourné vers les pluies acides.

« Le problème avec ceux qui prédisent la fin du monde, c'est qu'ils ne sont jamais tenus responsables (au même titre que les politiciens) de ce qu'ils occasionnent. Le problème, c'est aussi qu'ils s'adressent avant tout aux gouvernements pour revendiquer leurs mesures exceptionnelles. »


...dans le milieu des années 1980, des scientifiques et des écologistes, voyant le potentiel de subventions, dans le premier cas, et de dons, dans le second, ont fait des prédictions apocalyptiques. En 1984, le magazine allemand Stern a rapporté qu'un tiers des forêts de l'Allemagne étaient déjà mortes ou mourantes, que des experts croyaient que tous les conifères de ces forêts seraient morts en 1990 et que le ministère fédéral de l'Intérieur prédisait que toutes les forêts auraient disparu d'ici à 2002. Toutes! Le professeur Bernd Ulrich a même dit qu'il était déjà trop tard pour les forêts de l'Allemagne: « Elles ne peuvent pas être sauvées ». Outre-Atlantique, de similaires prédictions ont été faites. Les arbres, disait-on, sont en train de mourir à un rythme affolant de 100% dans les forêts de la côte est américaine. « Les sommets des montagnes du Blue Ridge se transforment en cimetières d'arbres », a déclaré un professeur de pathologie végétale. La moitié de tous les lacs avaient atteint des niveaux acide dangereusement élevés. Le New York Times a déclaré « un consensus scientifique »: il était temps d'agir, le temps de la recherche était terminé.

Vous vous souvenez de la maladie de la vache folle? Entre 1980 et 1996, environ 750 000 bovins infectés par le prion qui détruit le cerveau appelé vMCJ (maladie de Creutzfeldt-Jakob) sont entrés dans la chaîne alimentaire humaine en Grande-Bretagne. Lorsqu'il devint clair en 1996 que des personnes mouraient du même agent pathogène, acquis en consommant du boeuf infecté, il y eu, de façon prévisible, une véritable surenchères de prédictions catastrophistes. Le grand vainqueur, dont les vues ont été diffusées en boucles par la suite dans les médias, était un professeur de bactériologie nommé Hugh Pennington qui a dit des choses comme: « nous devons nous préparer à quelques milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de cas de vMCJ en bout de ligne ». Même les modèles 'officiels' faisaient état de chiffres aussi élevé que 136 000 victimes. En fait, au moment d'écrire ces lignes, le nombre de décès a atteint 166 [...]

Durant les années 2000, l'influenza aussi s'est avérée être un tigre de papier. La souche H5N1 du virus (« grippe aviaire ») est entrée dans la chaîne alimentaire humaine via les canards élevés en liberté dans des fermes chinoises et, en 2005, l'Organisation des Nations Unies prédisait de 5 millions à 150 millions de décès des suites de la grippe aviaire. Pourtant, contrairement à ce qu'on a pu lire, lorsque le virus H5N1 a infecté les êtres humains, il ne s'est pas avéré particulièrement virulent ou contagieux. Il a jusqu'ici tué moins de 300 personnes à travers le monde.

« Je tiens à souligner l'urgence de relever le défi, a déjà déclaré Bill Clinton. Il ne s'agit pas d'un de ces blockbusters de la période estivale où vous pouvez fermer les yeux durant les bouts qui font peur. » Il ne parlait pas des changements climatiques, mais du fameux bogue de l'an 2000: la possibilité que tous les ordinateurs tomberaient en panne à minuit, le 31 décembre 1999.

Durant les années 1970, pour une brève période de temps, il a été à la mode pour les journalistes d'écrire des histoires catastrophistes sur le refroidissement récent de la planète. Maintenant, il est à la mode pour ces mêmes journalistes d'écrire des histoires catastrophistes sur le réchauffement récent de la planète. [...] Le refroidissement et le réchauffement planétaire ont tous deux été présentés comme des phénomènes désastreux, ce qui implique que seule la température actuelle est parfaite. Pourtant, le climat a toujours varié; il est pour le moins narcissique de croire que seul le récent climat est parfait.

          Ridley donne d'autres exemples dans son bouquin, mais nous nous arrêterons ici. La thèse du réchauffement climatique, dernière grande menace catastrophiste en liste, a complètement été discréditée. Il y a eu Climategate, les glaciers ne fondent pas autant qu'on nous l'avait prédit et la population d'ours polaire ne cesse d'augmenter.

          Le problème avec ceux qui prédisent la fin du monde, c'est qu'ils ne sont jamais tenus responsables (au même titre que les politiciens) de ce qu'ils occasionnent. Le problème, c'est aussi qu'ils s'adressent avant tout aux gouvernements pour revendiquer leurs mesures exceptionnelles. S'ils s'adressaient à l'entreprise privée et que celle-ci, y voyant un quelconque intérêt, y investissait son propre argent, on n'aurait rien à redire. Ça n'est pas le cas.

          Mais, surtout, le problème est qu'ils tiennent pour acquis que la réalité est statique, qu'elle ne changera pas dans leurs scénarios du futur. Or, les choses évoluent: les nouvelles technologies améliorent les procédés; de nouveaux procédés viennent remplacer les anciens; de nouvelles inventions rendent désuètes les anciennes. En d'autres termes, l'humain s'adapte à son environnement.

          L'avenir nous dira comment Lemire et ses collègues présenteront l'état du monde. Mais une chose est sûre: comme d'importants médias sont impliqués dans l'aventure ‒ et que les médias carburent à l'hystérie catastrophiste ‒, les choses ne s'annoncent pas bonnes...

 

1. Sur le champ de bataille, en temps de guerre, le principe du triage consiste à diviser les patients en trois groupes: 1) ceux qui mourront de toute façon, qu'ils reçoivent des soins médicaux ou non, 2) ceux qui survivront de toute façon, qu'ils reçoivent des soins médicaux ou non, et 3) ceux qui survivront uniquement s'ils reçoivent des soins médicaux à temps.

 

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