Il semble plus juste de parler de liberté de
rechercher et de profiter des opportunités qui s’offrent à nous plutôt
que de comparer leur nombre. Si le gouvernement considère tous ses
citoyens égaux devant la loi, alors ils sont complètement libres de
choisir les emplois qu'ils veulent. Évidemment, certains employeurs
pourraient arbitrairement discriminer certaines personnes. Aussi
enrageant cela peut-il être, il serait immoral de forcer un employeur
d’embaucher une personne qu'il ne veut pas; c'est une question de
respect de la propriété privée. S'il est assez inconscient pour refuser
d'engager des femmes ou des personnes ayant d’autres caractéristiques
malgré leurs compétences, alors tant pis pour lui. D’autres employeurs
ayant des pratiques d’embauche non discriminatoires pourront profiter de
ces compétences et auront un avantage concurrentiel sur lui.
Les notions énumérées ci-haut semblent très belles,
mais elles sont fortement incompatibles entre elles. En effet, l’égalité
des richesses n’empêche pas l’inégalité des ressources et des
opportunités, puisque tout le monde n’a pas la même capacité d’utiliser
son argent à bon escient. De même, l’égalité des ressources amène une
inégalité des richesses et des opportunités, puisque certains sont plus
débrouillards que d'autres.
Elles sont également incompatibles avec une société
qui reconnaît la propriété privée, droit sans lequel rien ne se produit,
ce qui pousse les gens
à se battre entre eux. Vouloir égaliser les richesses, et surtout
les ressources, sous-entend que l'on peut s’approprier le fruit du
travail (que l'on suppose honnête) d'une personne pour le donner à une
autre sans compensation. Si ce n'était pas le gouvernement qui faisait
l'opération, on serait clairement en présence de vol. Et tel que
mentionné, on ignore si les promoteurs veulent que l'on pallie
l'irresponsabilité en donnant toujours plus d'argent ou de ressources.
Si tout le monde a droit à du fer, doit-on pallier les pertes de ceux
qui le laissent rouiller?
Par ailleurs, est-ce qu'une égalité matérielle est
vraiment nécessaire? A-t-on tous besoin d'une voiture de luxe et d'un
château sur le bord de la mer? N’est-il pas plus pertinent de souhaiter
que chacun ait un strict minimum pour vivre? Si tel est le cas, alors
l'égalité matérielle est futile. Si on a de quoi se nourrir, se vêtir et
se loger correctement, à quoi bon vouloir prendre de force les biens des
autres? Sans compter qu'en redistribuant la richesse, on appauvrit les
masses au lieu de les enrichir. Les dirigeants communistes depuis Deng
Xiaoping semblent avoir au moins compris
ce principe. D'ailleurs, qu'est-ce qui est préférable: une société
où tout le monde gagne 20 000 $ ou une autre où les plus pauvres gagnent
au moins 20 000 $ alors que les plus riches gagnent 100 000 $ et plus?
À la base du plaidoyer pour l'égalité semble
exister un sentiment d'injustice. On continue de répéter que les riches
s'enrichissent aux dépens des pauvres. Si l'affirmation a son fond de
vérité dans notre société corporatiste, il demeure néanmoins que prendre
aux pauvres pour donner aux riches est tout aussi injuste que de prendre
aux riches pour donner aux pauvres. Et si les riches s'enrichissent sans
violer les droits des pauvres, où est le problème?
Si l'inégalité matérielle cause autant de problème,
peut-être devrait-on plutôt se tourner vers l'égalité morale,
c'est-à-dire dans nos relations avec les autres. Friedrich Hayek plaide
pour l'égalité devant la loi, principe très populaire qui a notamment
permis d'éliminer plusieurs lois racistes et sexistes. Ce principe a
toutefois une faille: on peut tout être également égaux face à un
gouvernement autoritaire et interventionniste. Par exemple, de nos
jours, avec la multiplication des lois « antiterroristes », il semble
que n'importe qui puisse être placé sous écoute ou
arrêté sans mandat...
Il semblerait alors que le seul type d'égalité qui
permette une véritable égalité entre les gens soit une égalité
d'autorité, tel qu'imaginé par John Locke. À son époque (fin du 17e
siècle), le droit divin était encore la norme; certaines personnes était
prédestinées d'avance à en diriger d'autres. Il a complètement défait
cet argument dans son Second traité sur le gouvernement, en
affirmant que le pouvoir de diriger les autres est réciproque, et donc
que nous sommes tous égaux, sans que quiconque puisse assujettir les
autres.
Parallèlement, le philosophe Emmanuel Kant croyait
que les meilleures conditions politiques sont celles où chacun peut,
tout comme les autres, obliger son prochain à respecter ses droits. Nous
avons donc droit à l'intégrité de notre corps, à notre travail et à
détenir une propriété. On peut également mutuellement s'obliger à
quelque chose au moyen d'un contrat.
En conclusion, si on considère l'égalité morale
comme la seule qui soit juste – personne ne peut prétendre avoir une
autorité sur qui que ce soit –, alors on doit oublier toute forme
d'égalité matérielle. En effet, affirmer qu'une personne a droit aux
fruits d'une autre, c'est affirmer qu'on a l'autorité nécessaire pour
effectuer le transfert, et donc que nous sommes inégaux dans notre
autorité sur les autres.
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