Ainsi, dans sa posture
antilibérale, le discours du Front national se réfère fondamentalement
aux théories et idéologies socialistes qui conduisent à préférer
l'État-providence à l'État-gendarme cher aux libéraux. Le seul point qui
le différencie des partis de gauche est son caractère nationaliste,
illustrée par la « préférence nationale », qui ne manque pas de nourrir
les réflexes xénophobes parmi les plus fragiles qui se sentent menacés
par l'étranger. Dans cette optique, la seule façon de préserver le
modèle social français, fondé sur un État-providence volontariste et
généreux, c'est de le réserver aux seuls nationaux. Ce discours rejoint
en tout point les théories national-socialistes des années 1930 fondées
sur la fermeture des nations au nom de l'intérêt de la patrie et de la
préservation du modèle social.
On connait aujourd'hui tous les
malheurs dans lesquels nous ont entraînés ces discours par le passé. De
plus, on se doit de souligner que le discours libéral est à l'exact
opposé des thèses frontistes. Au lieu de prôner la fermeture et le repli
sur ses frontières au nom de la préservation de l'État-providence, le
libéral préfèrera la réforme de l'État-providence au nom de la
préservation de l'ouverture au monde qui est un acquis de
l'après-Seconde Guerre mondiale.
La question des flux migratoires
illustre particulièrement ce débat. Ainsi, pour le Front national, les
flux migratoires constituent une menace pour notre modèle social et pour
l'équilibre de nos comptes publics. Dans un contexte de crise
caractérisé par un chômage important, les travailleurs immigrés vont
concurrencer les travailleurs nationaux, exerçant une pression à la
baisse des salaires.
De plus, en s'appuyant sur de forts prélèvements eux-mêmes basés sur une
fiscalité de nature progressive qui répond à un souci de justice sociale
(faire payer plus ceux qui ont le plus de revenus), et finançant des
dépenses sociales et de santé réputées les plus généreuses au monde,
l'État-providence conduit à nourrir une émigration économique (fuite des
talents, expatriation des capitaux, exilés fiscaux) dans le même temps
qu'il déclenche une immigration sociale.
La conclusion logique pour le Front national: puisqu'il n'est pas
question de remettre en question l'État-providence, et a fortiori,
si l'on veut le renforcer, alors il faut limiter les flux migratoires,
notamment les flux d'immigration. Pour un libéral, la conclusion est
l'exact inverse: puisqu'il n'est pas question de revenir sur l'ouverture
des frontières, notamment en raison d'un droit fondamental et sacré qui
est la liberté de circulation des individus, alors il faut réformer la
fiscalité et l'État-providence dans un contexte d'économie ouverte.
Cet exemple illustre l'opposition
radicale entre la philosophie libérale et les thèses du Front national.
Il y a peu de valeurs communes entre les deux. Comment cela se
traduit-il sur l'échiquier politique français, notamment à la droite de
cet échiquier?
La recomposition de la droite est l'occasion historique de réfléchir sur
ses fondements idéologiques, ce qui lui permettrait de trancher cette
question lancinante de l'opportunité d'un rapprochement avec le Front
national incompatible avec un rapprochement avec le centre. Elle serait
aussi l'occasion de redécouvrir ses racines libérales et donc de donner
toute sa place à un courant libéral s'appuyant sur des valeurs claires
et fortes, permettant d'évacuer tout rapprochement ou tentation
d'alliance avec le Front national.
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