Lors du référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec, j'étudiais
à l'UQAM. Un camarade de classe, membre de l'Union des artistes, nous
appris un jour que le camp du Non avait approché l'UDA dans le but de
trouver quelques comédiens pour jouer dans une campagne publicitaire
télé. « Ils vont avoir de la difficulté à trouver quelqu'un », disait le
camarade en question, sourire en coin. Il devait bien y avoir quelques
fédéralistes dans les rangs du syndicat des artistes, mais pas question
pour eux de laisser planer le doute sur leur possible affiliation avec
le camp du Non.
Au plus fort de la récente crise étudiante, la chroniqueuse du
Journal de Montréal Sophie Durocher s'est interrogée à savoir où se
cachaient les artistes carrés verts? « Je viens de recevoir mon bottin
des membres de l'UDA (dont je fais partie) et je ne peux pas croire que
parmi les 277 pages de noms d'artistes, il ne se trouve pas un seul qui
trouve la hausse justifiée ou qui considère que les étudiants vont trop
loin. Où sont les verts, où se cachent-ils? » Encore une fois, il devait
bien y avoir quelques opposants au mouvement étudiant, mais ils ne
souhaitaient manifestement pas s'afficher ouvertement en faveur d'une
hausse des frais de scolarité.
Au début du mois, le chef de la Coalition Avenir Québec a rencontré la
presse pour parler de culture. François Legault a annoncé qu'il
allouerait 100 millions $ de plus au budget du ministère de la Culture
si son parti était porté au pouvoir. À part le chanteur des B.B.,
Patrick Bourgeois, qui était sur place pour encourager la candidate
Hélène Daneault, une amie personnelle, il n'y avait pas un artiste en
vue. Il doit bien y en avoir quelques-uns qui penchent un peu plus pour
un parti considéré (à tort ou à raison) comme en faveur d'un État un peu
moins obèse et qui ne se reconnaissent pas dans les autres partis! Sans
doute, mais ils ne tiennent pas à être étiquetés caquistes pour autant.
On s'entend, personne n'est obligé de s'afficher pour quoi que ce soit.
« It's a free country », comme disait ma mère. Mais avouez qu'il est
étrange qu'à toutes les fois qu'un artiste s'affiche au Québec, c'est
toujours pour les mêmes causes, toujours du même bord.
Pourquoi tous les artistes ont-ils peur de s'afficher comme autre chose
que de gauche et/ou souverainistes? La raison qui revient le plus
souvent, c'est qu'ils disent craindre les représailles. La solidarité,
la tolérance et la compassion ne sont malheureusement plus des valeurs
qui tiennent dans le milieu culturel québécois lorsque vient de temps de
s'afficher à contre-courant de la majorité.
« C'est vraiment ELLE [la candidate caquiste Hélène Daneault, dans
Groulx] que je suis venu encourager », a insisté le chanteur des B.B.,
visiblement mal à l'aise de l'intérêt soudain des journalistes.
Interrogé sur son état d'âme, il a répliqué: « C'est toujours un peu
compliqué et on marche toujours un peu sur des oeufs. Les artistes font
bien attention et je les comprends », a-t-il observé, expliquant que
certains d'entre eux craignent de perdre des subventions.
Pourtant, si l'on en croit le député sortant de Deux-Montagnes, Benoit
Charrette, la Coalition Avenir Québec a de nombreux appuis dans le
milieu culturel. « On en a plusieurs, et de grands noms, qui nous ont
témoigné un appui sans réserve mais sous le couvert de l'anonymat. Ça
peut être compromettant pour une carrière et au niveau des relations
professionnelles donc on le respecte et on ne peut pas faire autrement. »
Le candidat caquiste dans Taschereau, Mario Asselin, abonde dans le même
sens. « Moi, je pense qu'il y a des artistes qui ont des sympathies pour
notre parti qui est nationaliste et qui croit à la culture. Évidemment,
sur la place publique, ce n'est pas toujours facile pour des questions
d'orgueil et de contrats, on en entend parler. »
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