Justifiez votre organisme avec du charabia romantico-mystique |
Utilisez par exemple la notion de « droit collectif » pour prouver le
bien-fondé de votre existence. Ces droits sont surtout des permissions
aux planificateurs sociaux de s'insérer partout; bref, une carte blanche
pour piétiner les droits individuels qui ne font pas leur affaire.
Parlez donc du « droit à la santé », du « droit à l'éducation », du droit
à un service plutôt que du droit de faire quelque chose.
Variante pour veaux déjà gras
Une autre version du même truc vise à promouvoir notre existence
« collective ». Accorder à un regroupement d'individus une vie propre
selon un processus arbitraire donne l'impression que vous êtes en faveur
du bien-être des autres. Évidemment, cela permet de vous faire passer
pour un ange venu d'ailleurs. Ne laissez jamais entendre que votre
organisme reste composé d'êtres humains normaux, ayant leurs intérêts
propres.
Et tâchez de rester redevables à d'autres groupes aussi abstraits que le
vôtre. Vous oeuvrez avec des bénéficiaires, des Québécois, des
festivaliers, des francophones, des organismes, des travailleurs, des
femmes, des artistes, au pire des familles, mais jamais au grand
jamais pour un individu qui possède des droits.
Si possible, créez une fausse pénurie en offrant votre service
gratuitement
De façon générale, un marché permet de fixer un prix pour lequel la
quantité demandée sera égale à la quantité offerte. Autrement, on se
retrouve en situation de surplus ou de pénurie, des situations
considérées comme étant néfastes... sauf si vous êtes une vache sacrée.
Vous pouvez par exemple prétendre qu'une pénurie de votre service,
visible par ses files d'attente, est en réalité une preuve incontestable
de la popularité de votre projet! Prenez exemple sur le Festival d'été
de Québec, l'événement estival fort appréciable qui permet de voir une
foule d'artistes pour une somme dérisoire. Les organisateurs parlent sur
toutes les tribunes de la rapidité avec laquelle s'effectue la vente de
billets. Ils ne manquent pas non plus une occasion de se présenter comme
des victimes des sites de reventes, mais comme par hasard personne dans
l'organisme ne songe à faire le lien entre les deux éléments.
Variante pour veaux déjà gras
Vous pouvez également utiliser la pénurie sous un autre angle,
c'est-à-dire comme une preuve que le gouvernement ne vous subventionne
pas assez. Pas besoin d'aller chercher loin dans l'actualité pour en
trouver des exemples; pensez aux logements sociaux ou encore au
financement du système de santé: le problème, c'est le manque d'argent!
Présentez des justifications économiques boiteuses
La majorité des Québécois étant des illettrés économiques, parlez des
« retombées positives » et des « effets multiplicateurs ». L'idée est de
faire croire aux autres que le gouvernement fait pousser l'argent dans
les arbres, et que toute dépense effectuée par ce dernier permet aux
bénéficiaires directs et indirects d'obtenir des fonds, créant ainsi une
croissance économique. Le génie de la chose est que vos adversaires
doivent alors expliquer que l'État tire son argent de l'impôt et qu'il
faut calculer le coût d'opportunité; bref, en faisant appel à des
concepts économiques encore plus abstraits qui ne sont plus enseignés
depuis belle lurette. À utiliser si votre entreprise peut « créer des
emplois ».
Variante pour veaux déjà gras
Une famille d'arguments encore plus subtils consiste à expliquer que vos
actions servent à corriger des « inefficiences du marché ». Ces dernières
étant des cas complexes, vous serez certains d'y perdre une majorité de
la population tout en prenant le rôle du sauveur indispensable.
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