De plus, le système de négociation salariale, centralisé et
antidémocratique, a toujours permis au gouvernement d’influencer le jeu
de l’offre et la demande. En dehors des trois ou quatre premières années
du contrat de travail, la réglementation en ce qui concerne les
travailleurs permanents comporte certaines rigidités, suffisamment
importantes pour encourager les employeurs à abuser de contrats
flexibles, ce qui a pour corolaire, concernant l’employé, une rotation
élevé et une situation de précarité. De plus, cette « dualité » du
marché du travail s’avère assez coûteuse pour les entreprises parce
qu’elles se retrouvent continuellement face à la nécessité de recycler
de nouveaux salariés.
Ce système interventionniste absurde de la part de l’État n’a généré
in fine que des emplois à faibles compétences et à faible valeur
ajoutée, car pour retenir des employés qualifiés, les entreprises sont
amenées à accepter des conditions d’embauche ultra contraignantes.
Le modèle économique tunisien, caractérisée par une production à faible
valeur ajoutée et une croissance a faible productivité a créé un
déséquilibre structurel croissant entre la demande de travail orientée
vers des travailleurs peu qualifiés, et une offre tournée vers le
travail qualifié. Par ailleurs, la démocratisation de la formation
universitaire, certes louable, mais non accompagnée par des opportunités
d’emplois qualifiés, a engendré une hausse du taux de chômage chez les
jeunes, dont le pourcentage a atteint les 30% en 2010 pour la tranche
d’âge allant de 15 à 24 ans. On retrouve ici une autre preuve de
l’incompétence et du catastrophisme économique de l’ingérence étatique.
Par ailleurs, il convient de noter que la croissance économique a
toujours été concentrée dans les régions côtières. La frilosité, voire
le refus des investisseurs de s’installer dans l’hinterland du pays,
s’expliquent par divers facteurs. Les politiques de développement
économique peuvent expliquer partiellement les barrières à
l’investissement au niveau régional (qu’il soit on-shore ou
off-shore). Ainsi, en cherchant à favoriser les activités
exportatrices, le code des incitations aux investissements a de facto
discriminé l’investissement dans les régions intérieures et a par
conséquent contribué à l’accentuation des disparités régionales et des
inégalités socio-économiques à travers les régions.
L’interventionnisme de l’État en matière économique a également
fragilisé l’état des finances publiques. En effet, en guise de
compensation pour les faibles salaires et le développement limité de l’hinterland,
l’État a mis en place des subventions substantielles pour le carburant,
les denrées alimentaires, les services publics et les retraites. Les
dernières augmentations des prix des denrées alimentaires et du
carburant ont rappelé les limites de ce système et tous les effets
d’éviction sur les investissements qui en découlent.
En conclusion, les politiques discrétionnaires de l’État se sont
traduites par des distorsions substantielles, limitant ainsi toute
possibilité de changement structurel. Cela s’est également manifesté par
un faible niveau d’investissement, une croissance anémique et un rythme
insuffisant de création d’emplois.
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