La concurrence est la conséquence naturelle de cet état de fait. Si vous
malmenez vos salariés ou vos clients, vous risquez de les perdre au
profit de vos concurrents, qui n'hésiteront pas à les traiter avec plus
d'égard. Face à la concurrence, un employeur ou un producteur n'a pas
d'autre choix que de satisfaire au mieux les intérêts de ses
partenaires.
Cela vaut notamment pour les prix et les salaires. Si un producteur tire
ses prix vers le haut en espérant profiter d'un excès de demande par
rapport à son offre, un producteur concurrent va venir alimenter l'offre
et faire des bénéfices en proposant des prix plus bas. La situation du
consommateur s'arrange nécessairement. De même, quand un employeur
propose des salaires bas pour profiter d'un surplus de main-d'oeuvre, un
employeur concurrent va offrir des salaires plus élevés pour attirer les
candidats. Là aussi, la situation du salarié s'arrange nécessairement.
Il est donc faux que salariés et consommateurs soient en position de
faiblesse dans un marché libre; bien au contraire, la recherche du
profit du côté des entrepreneurs fait qu'ils doivent servir au mieux les
intérêts de leurs employés et clients. Ils ne les « dominent » en aucune
façon.
Il est inutile, voire nuisible d'imposer des contraintes aux
entrepreneurs |
Toute mesure visant à équilibrer les échanges en privilégiant les
acteurs soi-disant « dominés » est au mieux inutile, puisque le marché
libre se suffit à lui-même pour mettre les acteurs sur un pied
d'égalité.
Mais elle est le plus souvent nuisible, en ce sens qu'elle dégrade la
situation de tous: les patrons comme les salariés, les producteurs comme
les consommateurs. De telles mesures consistent toujours à restreindre
la liberté de contracter des parties, supposément dans l'intérêt de la
partie « opprimée ». Quand les restrictions sont trop élevées, l'échange
devient simplement impossible. Toutes les parties en pâtissent.
Alors que sur un marché libre, prix et salaires doivent nécessairement
entraccorder les intérêts des consommateurs et salariés avec ceux des
entrepreneurs, l'intervention de l'État brise ce processus dynamique.
Imposer des prix plafonds, c'est condamner un producteur à faire
faillite quand il doit vendre ses produits plus chers pour en tirer
profit; au final, il renonce à poursuivre sa production et les
consommateurs en pâtissent tout autant, puisque les produits ne sont
plus en vente. En l'absence de ce contrôle des prix, il aurait pu y
avoir un ralentissement plus ou moins accentué de la production pour
éviter la pénurie ou une diminution progressive des prix à l'occasion du
renforcement de l'offre concurrente. Producteurs et consommateurs
auraient accordé leurs intérêts d'une façon ou d'une autre.
Les méfaits du salaire minimum sont tout aussi éloquents. À moins que sa
productivité ne soit supérieure au salaire qu'il exige, un individu va
difficilement garder son emploi ou trouver un travail. La liberté de
contracter fait qu'un candidat même peu productif et son patron peuvent
éventuellement trouver un terrain d'entente, si le candidat en question
accepte un salaire suffisamment bas. Cependant, s'il leur est interdit
de fixer un salaire en dessous d'un certain seuil, ils ne pourront tout
simplement pas trouver de terrain d'entente. Mais le salaire minimum,
comme toute restriction à la liberté de contracter, joue également en
défaveur des entrepreneurs. Les petits employeurs sont, en effet,
désavantagés par le fardeau qu'il impose. Il n'est pas étonnant que
Wal-Mart ait milité, il y a quelques années de cela, en faveur d'une
hausse du salaire minimum aux États-Unis; en imposant ce poids à ses
concurrentes plus petites, la firme pouvait se dispenser d'autant plus
des contraintes de la concurrence.
Pour la plupart des gens, il est contre-intuitif que le marché libre
exclut tout rapport de domination et oblige les entrepreneurs à
concilier leurs intérêts avec ceux des salariés et consommateurs.
Certes, le principe d'une harmonie spontanée des intérêts, présente à
tous les niveaux de l'économie, ne saute pas aux yeux. Cette vérité
nécessite seulement un minimum d'attention logique.
|