Au Québec, une trentaine de grands regroupements et d'associations se
sont prévalus de leur droit de parole devant la commission. Voici un
bref aperçu des principales recommandations:
Le Regroupement des grandes centrales syndicales du Québec a fait valoir
que la popularité d'Elle a des effets pernicieux sur l'emploi:
« En effet, à chaque fois qu'Elle répond à une requête, c'est
autant d'occasions ratées de faire valoir l'expertise québécoise au
niveau local, national et international. C'est autant d'occasions ratées
de faire travailler nos travailleuses et nos travailleurs ici et
maintenant. C'est pourquoi, pour le plus grand bien commun, nous
recommandons de débrancher Elle. Faisons ensemble un choix de
société. »
Les recteurs d'universités ont dénoncé la concurrence déloyale qu'offre
Elle: « Si les Québécoises et les Québécois ont accès à un puits
infini d'informations par l'entremise d'Elle, pourquoi
investiraient-ils dans une éducation (aussi gratuite soit-elle)? Nous
croyons qu'Elle rend la recherche d'information trop facile,
c'est pourquoi nous suggérons que l'accès à Elle soit
délibérément ralenti. Un accès plus lent à Elle pourrait en
décourager plus d'un, ce qui donnerait au réseau d'universités québécois
un avantage concurrentiel plus juste. »
Les associations étudiantes universitaires et collégiales ont réclamé
pour leur part un accès libre et gratuit à Elle: « Parce que
l'accès au savoir n'est pas un produit de consommation, nous réclamons
que l'accès à Internet (et aux réseaux de communication dits
intelligents) soit ajouté à la liste des droits reconnus par la
Charte des droits et libertés de l'étudiant-e. Nul-le étudiant-e ne
devrait avoir à payer pour un droit reconnu par la Charte. »
Impératif français a dénoncé le caractère bilingue d'Elle:
« L'organisme de lutte pour la sauvegarde du français estime que les
Québécois, étant plus que jamais en situation minoritaire, sont en droit
de s'attendre à une prise de position franche et ferme de la part de
leurs élus. Pour le bien de la population et de la langue française,
nous exigeons que soit retiré l'option "English" d'Elle sur
l'ensemble du territoire québécois. Bloquons la voie à l'assimilation
lente. »
L'Union des artistes du Québec a fait remarquer que la présence d'Elle
ne devrait pas détourner les projecteurs des problèmes réels et
récurrents qui affligent notre société depuis des décennies: « À titre
d'exemple, l'UDA tient à rappeler que le secteur de la culture souffre
encore d'un sous-financement chronique et qu'il est toujours maintenu à
bout de bras par une poignée d'artisans à bout de souffle. C'est
pourquoi, nous recommandons l'imposition d'une redevance d'un dixième de
cent sur chaque requête faite à Elle afin de réparer en partie
cette injustice et enfin financer adéquatement la culture au Québec. »
La Fédération des femmes du Québec a plaidé qu'Elle est misogyne
car elle ne priorise pas les médias de femmes dans ses résultats de
recherche: « Nous croyons qu'Elle détient un trop grand pouvoir
sur la représentativité des femmes sur la Toile et dans nos vies. C'est
pourquoi nous recommandons qu'Elle soit scindée en plusieurs
entités afin qu'Elle soit davantage en mesure de représenter la
diversité des êtres. »
Les associations regroupées sous la bannière LGBTIA (lesbiennes, gais,
bisexuels, transgenres, intersexués et asexués) ont relevé pour leur
part le caractère omniphobe d'Elle: « Nous déplorons le fait qu'Elle
ne prend pas en compte de toutes les orientations sexuelles et
non-sexuelles dans ses résultats de recherche. Nous estimons qu'en
agissant de la sorte, Elle contribue à abaisser de façon
significative le niveau d'estime de soi des membres de la communauté
LGBTIA. Pour cette raison, nous suggérons de débrancher Elle. »
Les groupes de protection du consommateur ont dit estimer de leur côté
qu'Elle encourage la surconsommation en favorisant
systématiquement les grandes entreprises dans ses résultats de
recherche: « Nous croyons qu'il faudrait contraindre Elle à
n'offrir qu'un lien vers la grande entreprise dans chaque page de
résultats. Cette restriction ferait en sorte de sensibiliser les
citoyens aux solutions de rechange à la consommation de biens et
services. »
Les groupes écologistes, sous la gouverne de Vert de Terre, ont dénoncé
le caractère polluant d'Elle: « En effet, à chaque fois qu'Elle
dispense des résultats de recherche, Elle utilise de l'énergie et
émet de dangereux gaz à effet de serre. Dans une dynamique de
développement durable, nous croyons que l'accès à Elle devrait
être restreint à une recherche par citoyen par jour. L'accès Triple-1
(pour 1 recherche par 1 citoyen par 1 jour) permettrait d'atteindre plus
rapidement nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre tout en
sensibilisant les citoyens à l'importance de leur empreinte écologique. »
Les groupes autochtones ont déploré le fait qu'Elle ne mentionne
presque jamais les Premières Nations dans ses résultats de recherche:
« Nous croyons qu'Elle devrait être poussée à reconnaître l'apport
important des communautés autochtones dans l'histoire du monde et ce
dans toutes les pages de résultats qu'Elle génère. Un éventuel
refus d'acquiescer à notre demande serait vu comme une atteinte à nos
droits ancestraux et se traduirait par une obligation de notre part de
barrer routes et ponts jusqu'à ce que nous ayons compensation. »
Le Regroupement pour une plus grande acceptation des croyances
alternatives du Québec a dit voir d'un bon oeil l'omniprésence d'Elle:
« Nous croyons qu'Elle est la réincarnation sur Terre de la grande
déesse Gaïa et que remettre en question ses façons de faire revient à
remettre en question l'existence même de Dieu. Étant omnisciente,
omnipotente et possédant le don d'ubiquité, Elle doit être en
mesure de faire comme bon lui semble. Et ce, pour le plus grand bien de
tous et chacun. Ainsi soit-Elle. »
Plusieurs autres groupes et associations, ainsi que des individus, se
sont prononcés sur ce que devrait être Elle. Les membres de la
commission parlementaire québécoise sur l'initiative mondiale pour un
meilleur encadrement d'Elle doivent maintenant acheminer les
recommandations recueillies à l'Organisation des Nations Unies afin
qu'elle les incorpore à la liste finale. Un groupe de hauts
fonctionnaires et de sages se penchera ensuite sur cette liste pour
tenter d'en dégager les grandes lignes et recommander à son tour la
marche à suivre.
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