Pour le droit de déblatérer |
Chaque année au mois de mars, le gouvernement québécois lance une
campagne de pub pour sensibiliser les gens contre l'homophobie. Celle de
2013 vise à mesurer l'ouverture d'esprit des gens face à
certaines
situations.
Au-delà de l'inutilité de cette campagne – le gouvernement n'a pas à
utiliser l'argent des impôts pour « aider » l'acceptation de qui que ce
soit –, ce qui a surtout retenu l'attention, c'est la réaction de
certaines personnes, dont Jeff Fillion, le controversé animateur de
radio.
Sur les ondes de sa station satellite – on paie
pour l'écouter –, il a ouvertement exposé son malaise à ce que ses
enfants voient deux hommes ou deux femmes s'embrasser à la télévision,
plaidant que ça devrait être diffusé après 22 h. Il pointe également du
doigt certains homosexuels comme Jasmin Roy, président d'une fondation
contre l'homophobie, qu'il accuse de jouer les victimes et qu'il
qualifie de « lobby rose ». Il n'en fallait pas plus pour que le torrent
de la rectitude politique (et des menaces de mort, semble-t-il)
déferle
de nouveau sur Fillion.
Est-ce que ces paroles étaient déplacées? Sans
doute. Est-ce qu'elles montrent une certaine fermeture d'esprit?
Peut-être. D'ailleurs, je semble avoir moi-même créé un certain malaise
lors de mon passage dans ses studios, quand
je lui ai révélé une partie
« invisible » de moi-même. A-t-on le droit de rire de
ses paroles? Certainement. Avait-il le droit de prononcer
ces paroles? Absolument!
« Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites,
mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez le dire »,
disait Voltaire. Combien de personnes sont mortes ou ont été torturées
parce qu'elles ont osé parler contre le roi? Veut-on retourner à une
époque où seuls les discours épurés et approuvés par le gouvernement
peuvent être prononcés? Certains affirment que le Canada s'engage sur
cette pente glissante, avec une décision récente de la Cour suprême au
sujet d'un pasteur saskatchewannais et de ses dépliants
jugés haineux.
Cette rectitude ne peut mener qu'à une « bien-pensance » généralisée,
pour reprendre
les mots de Jacques Brassard.
Elle est encore très présente au Québec, cette
bien-pensance, malgré la présence de voix « discordante » comme celles
du RLQ et de sites comme Antagoniste ou Le Québécois libre.
Pensons seulement à des chroniqueurs comme Richard Martineau et Sophie
Durocher qui ont été crucifiés sur la place publique parce qu'ils ont
osé s'opposer aux carrés rouges. Ou encore au mouvement de Radio X
Écoeuré de payer, qui a rapidement trouvé un adversaire, Écoeuré de
penser, venant de gens qui n'ont visiblement aucun problème à se
faire piétiner leurs libertés et à se faire voler un pourcentage
indécent de leur salaire en taxes et impôts (et dont le niveau
d'éducation ne dépasse pas le primaire). Ou à ce « scandale » créé par
le magazine
Maclean's, qui osait qualifier le Québec de province la plus
corrompue – chacun sait que toute critique contre le Québec est un crime
de lèse-majesté –, une affirmation que la commission Charbonneau
confirme de jour en jour. Ou à cet autre « scandale », dans lequel le
député fédéral de Beauce Maxime Bernier a osé remettre en question
l'utilité de la liberticide loi 101, ce qui lui a valu de nombreuses
attaques et même
une invitation au silence.
Non, je ne veux pas vivre dans une telle société.
Accepter la liberté d'expression, c'est accepter les vues contraires au
siennes, disait Noam Chomsky. Si on les refuse, alors la société stagne.
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« Accepter la liberté
d'expression, c'est accepter les vues contraires au siennes,
disait Noam Chomsky. Si on les refuse, alors la société stagne. » |
Assez grand pour se défendre
Je ne veux pas vivre non plus dans une société où
les gens lésés dans le passé sont pris en tutelle aujourd'hui afin qu'on
force leur acceptation. Jusqu'à l'élection de Claire Kirkland-Casgrain,
les femmes au Québec avaient le même statut juridique qu'un enfant. Elle
a remédié à la situation, permettant aux femmes d'obtenir enfin
l'égalité juridique qu'elles revendiquaient. Malheureusement, certaines
féministes n'étaient visiblement pas satisfaites. Maintenant, elles
exigent qu'on force les employeurs privés à engager un certain
quota de femmes,
comme dans la construction.
Par contre, je doute qu'elles veuillent faire la même chose pour les
hommes dans l'enseignement, les garderies ou les soins infirmiers...
S'il y a « si peu » (terme subjectif) de femmes en construction, dans la
mécanique automobile ou même en politique, ne serait-ce pas parce
qu'elles ne s'y intéressent pas? D'ailleurs, choisir une personne
uniquement à cause de son sexe peut parfois donner des choix
pour le
moins douteux.
La même chose vaut pour les gais. Jusqu'en 1968,
c'était un crime passible d'emprisonnement pour deux hommes que de
s'embrasser ou de se tenir la main en public. Heureusement, Pierre
Trudeau (dans ce qui constitue sans doute la seule action intelligente
de sa carrière politique) a mis fin à cette aberration sans base
rationnelle. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis 45 ans: les gens
font leurs sorties du placard sans honte, l'homosexualité est
ouvertement discutée dans les écoles, et semble même banale – dans des
exercices de démystifications sur le sujet que j'ai faits avec le
GRIS-Québec, la majorité des jeunes devant qui je parlais connaissaient
une personne gaie –, et les gais « peuvent » maintenant se marier, quoique
l'intervention de l'État dans ce domaine
soit discutable.
Mais pour certains, ça ne semble pas assez.
Je n'irais pas jusqu'à les qualifier de lobby rose, mais ils jouent
effectivement les victimes en se plaignant dans les médias au sujet de
l'homophobie. Oui, elle doit être dénoncée, mais je refuse qu'on utilise
la coercition de l'État pour « corriger » la situation. Seul le temps
peut amener l'acceptation et la fin des préjugés. Même après la fin de
la ségrégation aux États-Unis il y a environ 50 ans, les Noirs et les
mariages interraciaux étaient vus d'un oeil suspicieux; plus maintenant.
Toutefois, le forçage de l'égalité dans le mouvement des droits civiques
aurait mené certains politiciens à vouloir indirectement maintenir
l'inégalité des Noirs pour calmer les peurs de certains, notamment avec
la guerre à la drogue.
En conclusion, je défends corps et âme la liberté
de Jeff Fillion et de quiconque d'exprimer son « malaise », si
irrationnel soit-il, face à l'homosexualité, même si ça me touche
directement, ou à quoi que ce soit d'autre qui va à l'encontre de la
rectitude politique. Il ne menace ni la vie, ni la propriété de qui que
ce soit avec ses paroles et a donc le droit de les prononcer en toute
liberté. Évidemment, il doit s'attendre à ce que des gens lui
répliquent, ce qui a été abondamment fait. Seul le temps pourra
(peut-être) un jour lui faire accepter/mieux tolérer deux hommes qui
s'embrassent; forcer le jeu, surtout avec des fonds publics, risque de
maintenir son dégoût encore plus longtemps.
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auteur |
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(no
309 – 15 mars 2013)
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Première
représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie,
environ 2300 av. J.-C. |
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