En 1980, alors que je passais mon baccalauréat d'économie, le président
Giscard nous annonçait qu'il entrevoyait « le bout du tunnel ».
Aujourd'hui, le président Hollande nous promet la reprise de la
croissance pour le troisième trimestre 2013. J'ai passé les trois quart
de ma vie dans un pays en voie de sous-développement alors que le monde
a connu une croissance sans précédent dans la même période, les pays
émergents s'installant en deux décennies comme les futures locomotives
de la croissance mondiale.
Tout ça parce ce que nos dirigeants, à gauche comme à droite,
s'obstinent à croire à l'existence d'une « troisième voie » qui nous mène
pourtant à l'impasse. Ce n'est pas nouveau. Le Général de Gaulle
s'efforçait de placer la France en dehors de la sphère d'influence des
États-Unis et de l'URSS. Depuis, au nom d'une mystérieuse « exception
culturelle », les gouvernements français nous ont fait croire que notre
pays pouvait échapper aux lois de l'économie, qui, comme le nuage de
Tchernobyl, se seraient arrêtées à nos frontières.
Mais, pas plus que le théorème de Pythagore n'est grec, les lois de
l'économie ne sont américaines. Elles sont au coeur de nos comportements,
de la nature humaine et du bon sens qui échappent aux élites aveuglées
par l'idéologie. Et tous les pays qui ont nié les lois de l'économie
sont tombés dans la misère, la pénurie et le chômage, tandis que les
pays qui les ont acceptés et intégrés ont décollé en quelques décennies.
Il n'y a aucune exception à cette règle fatale.
Le XXe siècle est sans appel: les régimes totalitaires, qui promettaient
un monde sans inégalités et sans pauvreté, ont implosé sous l'effet
de leur propre ruine morale et économique. À leur tour, les
social-démocraties, sous le poids d'une dette devenue insoutenable, et
qui condamne l'avenir même de nos enfants, ont dû entreprendre les
réformes indispensables et nécessaires que, seule au monde, la France se
refuse à faire. Entre ces deux voies sans issue, il est encore temps de
redécouvrir la seule troisième voie qu'il a fallu tant de siècles à
découvrir, celle de l'État de droit, des institutions de la république
sans laquelle une économie de liberté et de responsabilité ne peut
s'épanouir.
L'auteur
Jean-Louis Caccomo est docteur en sciences économiques, maître de
conférences à l'université de Perpignan où il est responsable des
relations internationales du département « Economie & Management », et
directeur du Master professionnalisé « Économiste Financier ». Auteur de
trois ouvrages consacrés à l'innovation, il a réalisé plusieurs articles
scientifiques dans les revues internationales (Journal of
Evolutionary Economics, Economics of Innovation and New
Technology) et les revues nationales (Revue d'Économie
Industrielle, Revue Innovations) ainsi que de nombreuses
contributions dans la presse nationale (Les Échos, Le Monde,
Le Figaro, Le Midi-Libre) et internationale (Le
Providence à Boston, l'Express de Toronto, L'Écho de
Bruxelles). Il a été chroniqueur économique à l'AGEFI, le quotidien
suisse de l'économie et des finances. Il participe à de nombreux
programmes de coopération académique à l'international (dans la
formation et la recherche).
Extrait
Ce livre est le résultat d'une conviction profonde que, ni l'ignorance
des masses, ni le mépris des élites, ne pourront ébranler. C'est la
conviction que la société française est victime d'un mensonge
destructeur, entretenu par un malentendu dramatique qui tourne à la
farce en se présentant comme une espérance. Mais cette espérance est
illusoire, l'espérance d'une troisième voie qui nous éviterait à avoir à
accomplir certaines réformes et certaines adaptations qui seront
d'autant plus difficiles à mettre en oeuvre qu'elles seront retardées.
L'économie ne peut fonctionner sans valeurs morales.
Car l'économie est le résultat de choix réalisés par les individus. Plus
précisément, l'économie ne fonctionne plus quand les individus ne
veulent plus ‒ ou ne savent plus ‒ choisir. Généralement, les individus
agissent en référence à des valeurs lesquelles conditionnent leurs
préférences. Ces individus sont tour à tour producteurs, consommateurs,
épargnants ou encore investisseurs. Ces catégories ne sont pas des
classes ou des sectes composées d'individus intrinsèquement différents
et en opposition entre eux. Nous sommes tous, tour à tour dans nos vies,
consommateurs et producteurs. Cela dépend de la nature de nos choix.
Dans tous les cas, ces choix découlent de l'exercice de notre
responsabilité laquelle implique l'acceptation des conséquences de notre
liberté.
La liberté est un bien précieux que l'on a vite fait de perdre si l'on
se refuse à admettre ‒ et à assumer ‒ les exigences qu'elle impose. La
liberté ne se définit pas dans l'absence de contrainte. Un de mes
collègues me dit un jour, parlant de notre système universitaire: « nous
avons le meilleur système du monde; car il nous garantit la liberté ».
Mais il se trompait. Notre système nous garantit la sécurité de l'emploi
qui découle de notre statut, mais certainement pas la liberté.
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