Frédéric Bastiat, le défaiseur des mythes économiques |
Claude Frédéric Bastiat est né en juin 1801 à
Bayonne. Fils unique de Pierre, marchand respecté de la ville, il perd
sa mère à l'âge de 7 ans. Après ce décès, Pierre déménage à Mugron, plus
au nord. Son père meurt deux ans plus tard, laissant Frédéric sous la
tutelle de son grand-père et de sa tante Justine. Après des études au
collège de Saint-Sever, il se dirige finalement vers le collège
bénédictin de Sorrèze. À cette époque, on exaltait les héros de
l'Antiquité grecque et romaine afin de montrer des modèles à la jeunesse
française. Mais contrairement à plusieurs camarades classe, Frédéric
prend ses distances face à ces héros violents. Il en est d'ailleurs très
critique plus tard, attribuant la montée du socialisme à cette
glorification injustifiée d'esclavagistes et de pilleurs qui changent la
loi selon leur gré. Durant ces années, il se lie d'amitié avec Victor
Calmètes, avec qui il partage les premiers balbutiements de sa pensée,
notamment sur le manque de discernement entre le riche honnête et « le
riche fripon ».
Il quitte le collège de Sorrèze pour prêter main-forte à son oncle,
marchand à Bayonne, afin de répondre au désir de sa famille de le voir
dans le commerce. Bien que cet emploi du temps contrarie sa propension
au travail intellectuel, il lui permet tout de même de voir directement
l'influence néfaste de la réglementation et des tarifs douaniers sur le
commerce. Après quelques années d'hésitation sur son sort, durant
lesquelles son intérêt est piqué par l'oeuvre de Jean-Baptiste Say et
d'Adam Smith, il répond à l'appel de son grand-père et retourne à Mugron
à 22 ans. La mort de ce dernier en 1825 lui fait hériter de la terre de
250 hectares, divisée en une douzaine de métairies. Ce régime
d'agriculture, conservateur et routinier, l'a empêché d'apporter des
améliorations substantielles à la production. Malgré ses malheurs
agricoles, il se lie d'amitié avec Félix Coudroy, propriétaire d'un
domaine voisin, qui sera converti aux idées libérales de Bastiat malgré
sa ferveur socialiste aux débuts de leur amitié.
Les premiers balbutiements
Un des premiers écrits de Bastiat date de novembre 1830, peu après le
succès de la Monarchie de Juillet qui amène Louis-Philippe sur le trône
de même qu'une monarchie constitutionnelle en France. Dans sa lettre
Aux électeurs du département des Landes, en appui à M. Faubrie, il
s'attaque vivement à plusieurs sophismes politiques ambiants, notamment
le fait que cela discrédite un candidat s'il n'est pas de la région.
Comme si les intérêts des gens de sa région d'origine étaient si opposés
à ceux des gens de celle qu'il représente...
Un autre point intéressant amené dans cette lettre aura une influence
directe sur plusieurs penseurs (voir la section Son héritage). En
effet, il dénonce la propension des gouvernements à prendre de
l'expansion, « excitant la population entière à
déserter l'industrie pour les emplois, le travail pour l'intrigue, la
production pour la consommation stérile, l'ambition qui s'exerce sur les
choses pour celle qui n'agit que sur les hommes », alors que les emplois
publics ne devraient pas « faire briller ceux qui les ont ni exciter
l'envie de ceux qui ne les ont pas ». C'est effectivement ce qui se
passe: comme l'argent ne pousse pas dans les arbres, ça rend les
ressources limitées. Si le gouvernement dépense un dollar, c'est un
dollar de moins qu'un particulier peut dépenser. Ce dernier, gérant ses
propres ressources, dépense généralement son argent sagement; en
contrepartie, le gouvernement, en dépensant l'argent des autres, n'a pas
la même incitation, ce qui crée du gaspillage, ou « consommation
stérile ».
Ce discours n'a malheureusement pas convaincu les électeurs. Deux
ans plus tard, c'est à son tour de se présenter à une élection, et il
reste campé sur les mêmes positions, affirmant que la seule mission du
gouvernement est d'assurer la paix intérieure et extérieure. « Il
faut qu'il abandonne à l'activité privée tout ce qui est de son domaine.
L'ordre et la liberté sont à ce prix ». Ce discours n'a pas convaincu les
électeurs non plus.
La découverte de la liberté anglaise
Malgré ces échecs, il continue d'occuper ses modestes fonctions de juge
de la paix à Mugron; il est également nommé membre du Conseil général
des Landes. Dans ses loisirs, il aime discuter avec le cercle local, où
les échanges d'idées sont souvent vifs et l'anglophobie, omniprésente.
Un jour, un anglophobe notoire porte à l'attention de Bastiat une
citation du premier ministre anglais Peel, qui aurait dit qu'adopter un
certain parti aurait fait tomber l'Angleterre au dernier rang des
nations comme la France. Incrédule, il commande la version originale de
The Globe and Traveller. Ladite citation de Peel n'apparait nul
part...
Ce n'est pas tout: non seulement la presse française traduit mal, mais
elle omet parfois de traduire. Nul part ne mentionne-t-elle l'agitation
causée par la Ligue pour la liberté du commerce, qui combat les vieilles
législations commerciales vues comme nuisibles, particulièrement les
lois sur les céréales. On les considère comme une vulgaire histoire
locale sans importance. Fasciné par les idées des ligueurs – il a
d'ailleurs la chance de les rencontrer –, il prend soin de traduire
leurs plus importants discours, ce qui aide à raviver sa flamme
libérale. « Il eut honte de n'avoir rien fait jusqu'alors pour une cause
[le libre-échange] qui avait rallié en Angleterre de si nobles
intelligences et des coeurs si dévoués », mentionne-t-on dans sa
biographie. Il se rattrape vite et publie, en octobre 1844, De
l'influence des tarifs français et anglais sur l'avenir des deux peuples.
Le succès est instantané, bien que le nom de Bastiat n'était pas encore
connu des cercles d'économistes de Paris. Il se charge également
d'écrire un livre sur Codben, un des grands manitous de la Ligue, qui
connait un succès retentissant à sa sortie en 1845.
De l'influence des tarifs est la base des écrits
économiques qui l'ont rendu célèbre. Ce texte détruit complètement les
arguments des producteurs voulant des mesures protectionnistes. Ces
mesures ne profitent qu'à eux, leur permettant de vendre plus cher,
appauvrissant ainsi la masse et la menant vers le dénuement.
Le vulgarisateur et polémiste économique
En même temps qu'il pond ses écrits sérieux sur la Ligue
anglaise, Bastiat s'occupe de ses fameux
Sophismes économiques, cette série de textes courts et très punchés qui ont fait sa renommée.
Dans chacun d'eux, il expose divers mythes et les poussent jusqu'à
l'absurde pour montrer leur ridicule. On raconte même que dès qu'il
apercevait un sophisme dans un journal le moindrement crédible, il
s'empressait de le démolir, même s'il n'avait pas déjeuné.
Le plus célèbre de ces sophismes est sans aucun doute
La pétition des marchands de
[chandelles]. Cette pétition implore les députés d'ordonner le
blocage de toutes les fenêtres et de tous les trous afin que les
fabricants de produits d'éclairage puissent en finir avec ce concurrent
déloyal qu'est... le soleil. Par ce geste, les (faux) pétitionnaires ne
font qu'utiliser la « logique » des producteurs
de divers secteurs, qui veulent se prémunir de la concurrence étrangère
pour palier leur inefficacité.
Pour que les gens approuvent ce protectionnisme, plusieurs
n'hésitent pas à recourir aux métaphores démagogiques
du genre on se fait envahir par les produits anglais ou les
soieries belges nous inondent. Comment peut-on prétendre faire un
parallèle entre une « vraie »
invasion/inondation, où il n'y a que destruction et mort,
et l'arrivée
pacifique de produits d'ailleurs qui viennent s'échanger contre
des produits locaux? Apparemment, les écrits de Jean-Baptiste Say (un
des maîtres à penser de Bastiat), qui affirmait la même chose une
trentaine d'années auparavant, n'ont pas suffit pour démonter ce mythe
voulant qu'importer, c'est payer un tribu, alors que les importations
sont en fait payées par la production des gens, et donc par les
exportations.
Say, par ailleurs, est un des premiers économistes à s'attaquer à
ce concept ridicule qu'est la balance du commerce, allant même jusqu'à
dire qu'un pays est gagnant s'il importe plus qu'il n'exporte, car
« toutes les espèces de relations
commerciales sont mutuellement avantageuses;
car personne n'est forcé à faire des affaires, et il n'est aucun pays
où l'on consente, d'une manière suivie, à en faire pour y perdre ».
Bastiat affirme la même chose, et question d'exposer l'incongruité des
« importationphobes »,
il affirme que la France n'a qu'à jeter la marchandise destinée à
l'exportation à la mer une fois qu'elle est inscrite au registre des
douanes. Ainsi, il n'y aura que des exportations et pas d'importation.
Il pousse même ce
reductio ad absurdum au plan
personnel. En effet, si importer d'un pays, c'est payer un tribu, alors
il en va de même pour le cultivateur des Landes qui
« importe » certains
produits de Provence. Ce dernier peut donc décider de tout produire
lui-même... au prix de voir sa richesse diminuer parce que l'usage des
terres n'est pas optimal.
En fait, le sophisme protectionniste est tellement bien ancré
chez les intellectuels que c'est à se demander si les économistes
libéraux ne sont pas en train de proposer
« un ordre social nouveau,
chimérique, étrange, une sorte de phalanstère sans précédent dans les
annales du genre humain! ».
Pourtant, chaque humain sur cette planète est un économiste; il produit
et échange là où c'est le plus avantageux. S'il en est incapable, alors
il n'aura d'autres choix que de recourir à la force pour le faire, et
c'est exactement ce que le colonialisme vise à faire. Si tous les pays
visent à exporter le plus possible et importer le moins possible, alors
seul le territoire national peut absorber la production intérieure.
Bref, le gouvernement commet une grossière injustice.
Un autre sophisme tenace auquel Bastiat s'attaque, c'est cette
croyance que la richesse se calcule par la quantité de travail qu'on met à une tâche – c'est d'ailleurs un des
« arguments » des protectionnistes:
faisons travailler les gens d'ici plutôt que d'encourager ceux
d'ailleurs. Suivant cette logique, un cultivateur a donc intérêt à semer
ses champs les plus stériles et à gratter le sol avec ses ongles, les
travailleurs ont intérêt à détruire toutes les machines qui travaillent
à leur place – même si, dans les faits, il y a plus d'emplois depuis la
mécanisation massive de la production –,
et décréter l'amputation de la main droite de tous les
travailleurs augmenterait considérablement
l'emploi, et donc la richesse.
|
« On raconte que dès qu'il
apercevait un sophisme dans un journal le moindrement
crédible, Bastiat s'empressait de le démolir, même s'il
n'avait pas déjeuné. » |
Dans la réalité, le travail est un moyen et non une fin. On
travaille afin de se faciliter la vie, afin de surmonter les nombreux
obstacles auxquels on fait face. La division du travail rend ce combat
d'autant plus facile. Certes, libéraliser les échanges risque de
froisser certains secteurs de l'économie et ses travailleurs. Mais ce ne
sont là que des cas particuliers; pourquoi pénaliser la masse seulement
parce que quelques personnes perdent leur emploi? Ce n'est qu'une petite
tempête à traverser. C'est comme si on convainquait les esclaves
d'adorer leur bourreau parce que sans lui, trouver de la nourriture sera
périlleux. Bref, la logique des protectionnistes peut se résumer à ceci:
mieux vaut la disette que l'abondance.
L'activiste politique
Au travers de ses écrits, Bastiat voit se développer, surtout dans le
Midi, les germes d'associations pour la liberté du commerce. Heureux de
voir grandir ce qu'il a semé, il joint des gens de Bordeaux et forme, en
février 1846, l'Association bordelaise pour la liberté des échanges.
Il tente même de se représenter à des
élections. Dans son discours Aux électeurs de l'arrondissement de
Saint-Sever, il renchérit sur ce qu'il a toujours dit. Il rappelle
que « lorsque le pouvoir a garanti à chacun le libre exercice et le
produit de ses facultés, réprimé l'abus qu'on en peut faire, maintenu
l'ordre, assuré l'indépendance nationale et exécuté certains travaux
d'utilité publique au-dessus des forces individuelles, il a rempli à peu
près toute sa tâche ». Tout le reste est donc du domaine privé. Ainsi, le
gouvernement sera bon marché, car extrêmement limité dans son action, et
libéral, en laissant libre cours aux facultés des citoyens ne violant
pas celles des autres.
Malheureusement, sa santé fragile l'empêche d'être à la hauteur de ses
ambitions. De plus, la Révolution de Février 1848 coupe court à toute
idée de réforme du commerce. Pour ajouter aux malheurs, un nouvel
adversaire point à l'horizon: le socialisme. Mais ce dernier bat
constamment en retraite face à la plume inépuisable de Bastiat.
C'est une victoire totale qu'il gagne sur Prudhon lors de leurs échanges
sur le crédit, car n'en déplaise à ce dernier, prêter de l'argent est
une privation. De plus, ce prêt est un service, et tout service doit
être payé. Victor Considérant aussi s'est fait rappeler à l'ordre quand
Bastiat lui rappelle que tout service se paie car il est utile;
il permet à qui le paie de s'éviter des peines, fusse pour obtenir de
l'eau. C'est pourquoi un service plus pénible vaudra plus, et le seul
véritable « droit au travail », c'est de jouir de sa personne et de sa
propriété. Restreindre à quiconque le droit à cette jouissance constitue
la véritable spoliation. Comme elle est souvent faite au travers de
l'État, « cette grande fiction au travers laquelle tout le monde
s'efforce de vivre aux dépends de tout le monde », elle encourage la
paresse car tout le monde voudra obtenir ses privilèges. S'en suit ainsi
une baisse de l'accumulation de capital – les gens ont peur de se le
faire voler – et un appauvrissement.
Par ailleurs, Bastiat a l'occasion (trop brève) d'exercer ce qu'il
prêche en représentant le département des Landes à la Constituante, et
finalement à l'Assemblée nationale en 1848. Pour s'assurer de rester
fidèles à ses idéaux, il ne s'associe à aucun parti et vote autant avec
la gauche qu'avec la droite. Il s'oppose notamment à l'octroi de crédits
pour transporter des gens en Algérie, non pas par manque d'amour pour
les Français, mais justement parce qu'il a leurs finances à coeur.
D'ailleurs, il ne manque pas de rappeler que l'argent des finances
publiques a immanquablement été pris à quelqu'un d'autre. Et quand
l'État prend cet l'argent, il en a rarement trop; il augmente ses
dépenses en conséquence. Il prend ainsi de plus en plus de place,
restreignant le commerce avec les douanes, la liberté d'éducation avec
l'instruction publique et la liberté des communes avec une très grosses
bureaucratie.
Son dernier souffle
Avant que la mort, le seul adversaire qui ait eu raison de
Bastiat, ne l'emporte, le Landais a le temps de publier un tome de ses
Harmonies économiques. Elles se voulaient une mise à jour de ses
Sophismes, et comme ceux-ci, elles s'attaquaient à l'adversaire
du jour, qui était le socialisme cette fois.
Il démontre, comme Smith avant lui, que les intérêts personnels des
humains sont généralement en harmonie, n'en déplaise aux socialistes.
Ces derniers basent leur raisonnement sur les observations parfois mal
faites des économistes – car les économistes observent avant tout
l'action humaine – afin de complètement vouloir recréer la société à
neuf. Ils oublient, par le fait même, que les hommes sont libres, et
donc faillibles. C'est dans ces failles que l'homme commet des erreurs
et souffre. Si cette erreur ne le touche que lui, elle engendre la
responsabilité; si elle touche autrui, elle engendre la solidarité.
Mais les socialistes ne l'entendent pas ainsi; pour eux, l'organisation
d'une société parfaite est à portée de la main; ils s'imaginent que les
dirigeants de cette société agiront sans tenir compte de leur intérêt
personnel et que les gens les suivront avec enthousiasme. Enfin, les
socialistes ont la fâcheuse habitude, comme les philosophes de
l'Antiquité, de voir la richesse comme un mal, une immoralité, alors
qu'ils sont incapables de voir une différence fondamentale: la richesse
antique était pillé, celle contemporaine est créée parce qu'elle apporte
une utilité, qu'elle épargne des efforts. Les socialistes agissent donc
comme « des perroquets répétant ce qu'ils ne comprennent pas ».
Malheureusement pour Bastiat, ses Harmonies, malgré plusieurs
points intéressants, sèment plutôt la discorde chez ses alliés. Pour
commencer, Charles Carey, un économiste américain contemporain à
Bastiat, l'accuse de lui avoir volé sa réfutation des théories de
Malthus et Ricardo. Ensuite, plusieurs économistes français s'objectent
aux Harmonies. C'est comme si Bastiat, tel un général au milieu
d'une guerre, change soudainement la stratégie et l'armement. Il n'aura
pas le temps de défendre son livre et de publier un second tome. Il
meurt le 24 décembre 1850, cinq ans à peine après être rentré à Paris
pour la première fois, et tout juste après avoir publié son dernier
chef-d'oeuvre, Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, où il
montre qu'un bon économiste voit un bon résultat à long terme, même au
prix d'une souffrance temporaire, alors qu'un mauvais « poursuit un petit
bien actuel qui sera suivi d'un grand mal à venir ».
Son héritage
Malgré sa vie très courte – il n'a pas 50 ans à sa mort –, Bastiat a,
encore aujourd'hui, une influence énorme, et ce malgré son style
considéré comme peu scientifique. En effet, Joseph Schumpeter le
considérait comme une journaliste avant tout et son biographe estime
qu'il n'a rien apporté de neuf à la science. Même s'il a précédé Carl
Menger, considéré comme le père de l'École autrichienne d'économie,
d'environ 20 ans, on peut facilement considéré Bastiat comme l'un des
pères spirituels de cette école de pensée.
Comme les autrichiens, Bastiat était considéré comme un idéologue
radical du libre marché qui utilisait un style littéraire et non
mathématique. Les deux utilisent la praxéologie, la science de l'action
humaine, comme le font la plupart des autres sciences humaines. La
praxéologie se base sur l'existence et la nature des choix, qui
proviennent eux-mêmes de la rareté des ressources. Les humains ont
naturellement tendance à vouloir surmonter ces obstacles, pas besoin de
méthode scientifique pour le découvrir. D'ailleurs, cette dernière
cherche à comprendre la nature des éléments et est tout à fait
appropriée pour analyser du zinc et ses propriétés magnétiques. Par
contre, elle est impuissante pour expliquer pourquoi un humain veut
posséder une barre de ce métal, contrairement à la praxéologie, qui
prend en compte la subjectivité des choix. Pour répondre à cette
question, Bastiat dirait sans doute que le morceau de zinc a une
certaine utilité aux yeux de son utilisateur.
Bastiat, comme les autrichiens, utilise le raisonnement déductif afin
que les lois de l'économie se révèlent – elles ne sont pas créées. Il
rejette lui aussi l'utilisation des mathématiques (sauf peut-être des
statistiques pour l'assurance) car l'économie, au contraire des sciences
physiques et de la géométrie, n'étudie pas de quantité fixes – comment
peut-on quantifier les besoins et les choix humains, qui sont en
constante évolution, contrairement à la structure atomique du zinc?
Enfin, les deux voient également la valeur comme subjective; elle se
forme dans l'action humaine selon l'utilité qu'elle apporte, ce qui en
fait une mesure ordinale et non cardinale.
Un prix Bastiat a été créé par l'International Policy Network pour
récompenser les journalistes qui, comme Bastiat, défendent le libre
marché et la liberté individuelle. Grâce à la technologie moderne,
certains ont même « mis en candidature » Frédéric Bastiat pour la
présidentielle française de 2012, en se demandant si l'État ne fait pas
fausse route depuis 60 ans en prenant toujours plus d'expansion.
En conclusion, Frédéric Bastiat est l'un des plus importants économistes
de tous les temps. La justesse de ses observations et de ses déductions
a peu d'égaux dans l'histoire. Sa clarté et sa capacité de vulgarisation
ont permis à Monsieur et Madame Tout-le-monde de finalement avoir accès
à des concepts jadis réservés à des intellectuels, leur permettant de
voir toutes les attrapes dont ils sont victimes à leur insu. Bastiat
avait le mérite d'être très tranché; on ne pouvait douter de sa farouche
opposition au protectionnisme ni au débordement de l'État de ses tâches
régaliennes. Enfin, il est un des grands économistes à voir l'économie
pour ce qu'elle est vraiment: une étude du comportement humain et des
implications qu'il apporte si l'État s'en mêle, notamment une diminution
de la richesse, une mauvaise allocation des ressources, une violation de
la liberté des individus et une augmentation artificielle des
inégalités, en favorisant certains groupes plutôt que d'autres.
Sources principales
Gustave de Molinari, « Frédéric
Bastiat », nécrologie publiée dans le Journal des
économistes (p. 180-196).
Roger de Fontenay, « Notice
sur la vie et les Écrits de Frédéric Bastiat », extrait
des Oeuvres complètes de Frédéric Bastiat, deuxième
édition, Paris, Guillaumin & Cie Libraires, 1862-1864.
« Frederic
Bastiat: biographical notes » Frederic Bastiat
resources on the Net.
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