15 mai 2013 • No 311 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
Opinion
Il ne faut pas réformer l'État
par Michel de Poncins


Il ne faut surtout pas réformer l'État! Il faut le faire maigrir selon une méthode adaptée, ce qui n'est pas évident. Les politiques qui en France ont imaginé des actions diverses pour prétendument le réformer étaient soit ignorants soit complices.

Raffarin avait annoncé 230 mesures pour réformer l'État, ce qui devait générer 500 millions d'euros d'économies. La chasse aux taille-crayons était ouverte, avec Francis Mer comme « Grand Veneur » qui avait réuni une commission de plusieurs dizaines de personnes pour organiser cette chasse!

François Fillon avait le projet de noter les ministres. Ce rôle de professeur était comique. Il les jugeait sur leurs aptitudes à faire passer des textes: cela revenait à leur capacité de nuire puisque le pays croule sous l'inondation de lois.

Une autre méthode fut la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui consiste en une analyse des missions et des actions de l'État, suivie de la mise en oeuvre de scénarios de réformes structurelles. Cette RGPP inaugurée en 2007 puis poursuivie en 2012 n'a guère donné de résultats probants. Elle ne le pouvait pas, car selon une vieille tradition républicaine, elle dégageait une forte puanteur d'usine à gaz.

La fausse droite laissant la place à la vraie gauche, celle-ci a voulu continuer mais autrement. Nous voilà partis vers un audit des politiques publiques qui doit se prolonger pendant tout le quinquennat. Adieu à la RGPP et bonjour à la MAP ou « modernisation de l'action publique ». Personne ne voit pourquoi cela marcherait mieux maintenant.

Les objectifs avoués

Les personnes au pouvoir depuis des lustres sont noyées dans la même idéologie super-étatique, et ce quelle que soit leur place appartenance sur l'échiquier politique. Bien que lavés et relavés par la Pensée Unique Totalitaire qu'ils alimentent comme d'autres, il leur reste assez de bon sens pour constater qu'ils agissent dans le vide.

En 2007, un audit avait dénoncé les dysfonctionnements: « Le travail de coordination interministériel connaît un emballement pathologique propre à la France ». Il y a trop de réunions interministérielles, trop de conseillers, trop de décisions prises sans l'avis des ministres, et le gouvernement ne parvient plus à travailler.

Le phénomène s'est accru d'année en année. Les rapporteurs n'ont certes pas eu l'idée que le mal venait justement du nombre de ministres! L'une des conséquences est la pléthore croissante des cabinets ministériels.
 

   

« L'État au fil du temps est devenu le mammouth suprême, père de tous les mammouths qui pillent la richesse nationale. Ceux qui prétendent qu'un programme d'économies suffit pour le réformer sont des menteurs car la racine du mal subsistera. »

   


Il en résulte, de temps à autre, la résurgence de l'idée de réformer l'État.

Les objectifs avoués n'ont rien d'absurde: dépenser mieux, être plus efficace, faire des économies. Pour justifier l'immense remue-méninge de la maladie de la réformite, les chiffres d'économies prévues sont calculés à grand renfort d'experts. Ils sont faux par nature; s'ils étaient justes, par miracle, ces économies ne seraient jamais réalisées, les administrations faisant le gros dos en attendant la fin de l'épidémie.

L'explication de la réformite

La réformite se trouve dans l'obésité croissante de l'État, sur toile de fond d'idéologie socialiste qui répand l'effet de ruine dans tout le corps social composé.

L'État prétend s'occuper de toute la vie nationale dans tous les détails, au lieu de laisser le marché jouer librement, et il s'invente ainsi une foule de tâches et d'objectifs dans lesquels il n'est pas possible de mettre de l'ordre et qui sont souvent contradictoires.

Tous les autres signes de la décadence de la France en découlent: inflation des ministères, inflation des conseillers et des « machins » inutiles, parlottes innombrables sans effet et sans intérêt, efforts perdus de coordinations impossibles, gaspillage inimaginable de temps et d'efforts.

Dans un pays libre, personne n'aurait l'idée d'infliger aux populations une horreur « bourreaucratique » comme le chèque-transport, faisant suite au chèque-déjeuner ou au chèque-vacances! Chacun gèrerait les évolutions du prix des carburants dans le cadre du marché. Et l'exemple vaut pour la majeure partie des actions étatiques qui devraient donc être supprimées à grande vitesse, comme il est parfaitement possible de le faire.

Jean-Louis Borloo est à lui seul un exemple emblématique. Étant l'auteur d'une parlotte mémorable du nom de Grenelle de l'environnement, il a inspiré 268 mesures. Celles-ci conduisent à l'inflation législative au nom de concepts aussi fumeux que le développement durable.

Dégraisser le mammouth suprême

L'État au fil du temps est devenu le mammouth suprême, père de tous les mammouths qui pillent la richesse nationale. Le rappel historique ci-dessus montre que le réformer est une tâche impossible. Ceux qui prétendent qu'un programme d'économies suffit sont des menteurs car la racine du mal subsistera.

La seule solution est de supprimer totalement des tâches complètes: plus de bureaux, plus de formulaires, plus de contentieux, plus de ministère, plus de cabinets, plus de guerres internes, plus de circulaires, plus de parlottes... Si quelqu'un veut et peut le faire, nous tenons à sa disposition une première liste de tâches réellement idiotes à supprimer.

Les lecteurs qui ne seraient pas convaincus peuvent constater qu'il existe depuis longtemps un ministère de la Réforme de l'État: le mammouth produit lui-même sa mauvaise graisse.

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Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

   
 

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Première représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie, environ 2300 av. J.-C.

   


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