Pourquoi l'État n'a pas à se mêler des arts et de la culture* |
Dans la tête du commun des mortels évoluant dans nos vieilles économies
occidentales, il est monnaie courante d'accepter le subventionnement des
arts et de la culture via les fonds publics. Les arguments sont toujours
les mêmes: sans subventions, comment les arts et la culture
pourraient-ils éclore, vivre et survivre? Comment les masses
pourraient-elles y avoir accès? Et c'est de sophisme en sophisme que
nous naviguons dans le discours prémâché de nos grands défenseurs de
l'intervention publique. Pourtant, à la réflexion, les arts et la
culture ont-ils toujours été subventionnés?
Pour rappel, les arts et la culture sont au sommet de la pyramide des
besoins. Les besoins de base (nourriture, gîte et protection) une fois
assurés, l'ascension de notre apprenti-cultureux peut se poursuivre
pour, une fois le stade ultime de la désutilité du travail atteint,
l'épargne et le budget « arts et culture » constitués, allouer ce surplus
à un acte de consommation oisif mais rencontrant néanmoins les
préférences de la personne.
En Grèce et Rome antiques, ce privilège était souvent réservé aux
aristocrates, gouvernants et riches marchands. Néanmoins, des théâtres
de rue et prestations musicales non subventionnés étaient déjà connus.
L'utilisation des fonds publics à des fins de distraction du peuple
rencontrait déjà un succès de foule et assurait aux gouvernants une
relative tranquillité ainsi que l'estime de ses citoyens. Panem et
circenses (du pain et des jeux) est un leitmotiv éprouvé qui trouve
toujours ses débouchés sous d'autres formes de nos jours.
Ne nous y trompons pas. Derrière des intentions louables se cachent
d'autres intentions tout à fait inacceptables et liberticides.
Violation de la propriété privée par extorsion fiscale
Tout a un coût. Rien n'est gratuit. Même l'entrée du concert
généreusement financé par monsieur le Bourgmestre. Ce dernier présente
en fait la facture aux citoyens via le budget de la municipalité et lève
des taxes et impôts locaux pour assurer son financement. Il n'y a pas de
secret. Le concert, si vous n'y assistez pas, vous participez quand même
au paiement de la douloureuse.
Voyez le budget de la culture dans vos pays respectifs. Ça se chiffre en
centaines de millions d'euros et beaucoup de dépenses de la sorte sont
masquées dans divers budgets locaux ou supranationaux. Pensez aux
carnavals sponsorisés par l'Unesco dont le budget est financé par vos
contributions fiscales.
Il faut donc la violence fiscale de l'État pour vous prélever une partie
du fruit de votre travail ou encore opérer une ponction sur votre
patrimoine pour financer les arts et la culture.
Une démarche anti-démocratique
Le fait d'imposer un événement artistique ou culturel financé par des fonds
publics tient compte au mieux des goûts de la majorité, au pire des
goûts d'une minorité omnisciente (par exemple, le cinéma francophone
pseudo-intello où les frères Dardenne raflent les subventions et les
prix du jury, mais n'obtiennent jamais le plébiscite du public vu le
faible nombre d'entrées...). Dans les deux cas de figure, les goûts de
l'individu ne sont pas pris en compte alors que ce dernier doit
participer aux frais.
On ne lui a pas accordé la liberté d'exprimer son
vote démocratique en dépensant librement l'argent laissé dans sa poche
pour des activités culturelles ou artistiques de son choix. Ou en
choisissant de ne rien dépenser du tout, ce qui est aussi sa liberté.
Même un grand référendum municipal ou national, pour autant qu'il soit
possible, ne se montrera pas aussi démocratique que l'exercice des
libertés individuelles car il y aura toujours au moins une unité (un
individu) exprimant son désaccord sur un projet.
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« Si votre production est
bonne, mesdames et messieurs les artistes, elle trouvera
acquéreur auprès du public qui exprimera ses préférences en
dépensant ses deniers épargnés par l'absence de gabegie
étatique en la matière. Si votre production ne trouve pas
acquéreur, alors remettez-vous en question et changez de
registre. » |
Par ailleurs, il est fréquent de voir que José le bon Wallon préfère
dépenser ses petits sous dans un abonnement du Standard plutôt que se
rendre à l'exposition d'art dont l'entrée est gratuite (mais pas le
financement). Tout simplement parce qu'il se moque peut-être éperdument
des arts et de la culture et c'est son droit. Il n'a pas à payer pour
cela s'il n'en a pas exprimé la volonté.
Dans le même ordre d'idée, sa
femme exprimera sa préférence en payant 100 euros pour un ticket de
concert de U2 pendant que leur fille optera pour le concert de Lady
Gaga, les deux événements payants et non subsidiés ayant à leurs yeux plus
de valeur que l'exposition et le concert « gratuits » cités plus haut.
Endettement
On est fauché, endetté jusqu'au cou. Le financement des fonctions
régaliennes de l'État et au-delà consomme tellement d'argent que, comme
cité plus haut, les dépenses allouées à des besoins non essentiels en
deviennent très malsaines.
Les civilisations et les sociétés qui ont pu développer les arts et la
culture sont celles qui ont accordé une place prépondérante au commerce
et à son libre exercice dans une environnement juridico-fiscal
relativement équilibré et respectueux de la propriété d'autrui. Et il
n'y a rien d'étonnant à cela. L'accumulation de capital augmente les
standards de vie et les individus, une fois délivrés des contraintes
liées aux besoins essentiels, peuvent s'adonner à des activités non-économiques. Les arts et la culture, c'est quand on a accumulé de
l'épargne, et même un surplus. Ça ne se finance pas via l'endettement
public, mais sur fonds propres et privés.
Censure
L'art a bien existé sous les pires dictatures, me rétorquerez-vous! En
effet, c'est indéniable. On peut même s'étonner qu'une telle floraison
artistique ait eu lieu sous les Borgia à la Renaissance. Toutefois, ne
nous y trompons pas: il était courant pour le pouvoir et ses proches à
cette époque de faire preuve d'opulence en prenant un artiste prometteur
ou confirmé sous son aile, le payant sur sa propre cassette, sans
intervention du public. C'est ce qu'on appelle du mécénat.
Je rappellerai à nos zélés défenseurs des arts et de la culture par les
fonds publics que nazis et communistes étaient intolérants et lapidaires
vis-à-vis de toute forme d'art qui ne soutenait pas leurs théories
extravagantes et nauséabondes. Le nazi Joseph Goebbels fit fermer
l'école d'architecture Bauhaus en 1935 dans laquelle il trouvait « la
plus parfaite expression d'un art dégénéré ». On n'était guère mieux
loti en tant qu'artiste de l'autre côté du rideau de fer si les oeuvres
ne servaient pas parfaitement l'appareil de propagande.
Avec Staline,
les artistes sont entièrement mis au service du régime, ils doivent être
syndiqués et être membres du Parti communiste. On ne rigolait pas avec
l'art chez les Soviets. Certains auront l'audace de me rappeler
l'adhésion de Picasso au Parti communiste espagnol. N'oublions pas que
ce dernier, riche de son vivant grâce à son talent et son travail, y
voyait là une distraction et un moyen de s'afficher avec son temps. Les
communistes, de leur côté, le détestaient, lui et sa peinture abstraite,
y voyant néanmoins un formidable outil de propagande.
Quoi qu'il en soit, lorsque l'État se mêle des arts et de la culture,
il est évident que seuls ses mignons auront accès aux fonds nécessaires
et malheur à ces artistes maudits qui oseront tancer le Dieu-État et ses
cerbères.
Conclusion
Il n'y a rien de plus anti-démocratique que l'État se mêlant des arts et
de la culture. Si votre production est bonne, mesdames et messieurs les
artistes, elle trouvera acquéreur auprès du public qui exprimera ses
préférences en dépensant ses deniers épargnés par l'absence de gabegie
étatique en la matière. Si votre production ne trouve pas acquéreur,
alors remettez-vous en question et changez de registre. Ne maudissez pas
le public qui, quoi que vous en pensiez, possède certainement des goûts
dans les domaines culturel et artistique.
Le fait de vous détourner de
la souveraineté du public et de réclamer le subventionnement et la
protection de l'État est un déni de démocratie et une atteinte aux
libertés civiles et à la propriété privée d'autrui. Il convient que vous
soyez à même d'anticiper les demandes de votre public-cible et d'y
répondre en assurant une offre adéquate. De grâce, évitez d'aller
pleurnicher auprès des autorités. Nous n'aurons au final qu'une offre
raréfiée, peu innovante et coûteuse dans un contexte de spoliation
fiscale et de dictature du « bon goût ».
En vous remerciant.
*Texte publié le 29 mai 2013 sur
CONTRARIO.
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