Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/13/130615-7.html Dans toutes les discussions sur les conséquences des soi-disant politiques d'« austérité », la seule preuve mise en avant pour démontrer que des mesures d'austérité ont bel et bien été adoptées consiste en des statistiques indiquant que les déficits budgétaires ont diminué depuis trois ans. C'est en effet ce qui s'est passé. La moyenne des déficits en pourcentage du PIB des pays de l'UE en 2012 (4%) est bien inférieure à ce qu'elle était en 2009 (6,9%). Pour les critiques de l'austérité, cela explique pourquoi la plupart des pays du continent sont toujours en récession et pourquoi le chômage atteint des niveaux record. La seule façon pour eux de relancer l'économie est de dépenser davantage. L'ambivalence de l'« austérité » Or, la signification du terme « austérité » est l'objet d'une confusion importante, qui bloque la tenue d'un débat plus pertinent sur les causes de la crise. Il devrait être évident qu'il n'existe aucune relation directe entre une réduction de la taille du déficit et une réduction de la taille de l'État. Un déficit budgétaire peut se résorber soit en comprimant les dépenses, soit en augmentant les recettes fiscales. Il peut également diminuer si les dépenses sont fortement réduites alors que les impôts ne le sont que légèrement. Il peut même diminuer si les dépenses augmentent et que les recettes fiscales augmentent encore plus vite. En pratique, l'« austérité » peut donc recouvrir diverses situations qui ne présentent pas les mêmes effets économiques. Le terme peut aussi bien s'appliquer à une croissance qu'à une diminution de la taille de l'État. Il semble qu'on tienne partout pour acquis que les mesures d'austérité se sont traduites par des réductions de dépenses draconiennes, accompagnées de quelques augmentations d'impôt, avec comme effet net une réduction de la taille des États. Mais est-ce vraiment le cas? Les dernières données d'Eurostat montrent qu'il n'y a eu qu'une légère baisse de 1,7 point de pourcentage des dépenses publiques en proportion du PIB dans l'Union européenne depuis 2009. La proportion pour 2012 est par ailleurs toujours supérieure de quatre points à celle qui prévalait avant le début de la crise, soit 49,4% contre 45,6% en 2007. Dépenses croissantes malgré l'austérité En termes nominaux, les dépenses n'ont jamais cessé de croître pour l'UE dans son ensemble depuis le début de la crise financière, sauf en 2011 où elles sont restées constantes (voir tableau ci-après). Elles ont cru de 6,3% pendant les trois dernières années, c'est-à-dire durant la période ou des politiques d'austérité sont censées avoir été mises en oeuvre. Dépenses et recettes des administrations publiques en milliards d'euros - Union européenne Source: Eurostat, Principaux agrégats des administrations publiques, y compris recettes et dépenses. Seuls quelques pays ont vu leurs dépenses diminuer entre 2009 et 2012, notamment la Grèce et le Portugal. Autant en termes nominaux qu'en proportion du PIB, les gouvernements de ces deux pays ont toutefois dépensé davantage en 2012 qu'en 2007. S'il n'y a eu aucune réduction nette dans les dépenses, cela signifie que les diminutions de déficits n'ont pu être réalisées que grâce à des recettes fiscales qui ont augmenté plus vite que les dépenses. C'est précisément ce que les données d'Eurostat montrent, avec une augmentation des recettes de 12,9% de 2009 à 2012, soit le double du rythme d'augmentation des dépenses publiques. Les gouvernements n'empruntent plus autant ‒ même s'ils empruntent toujours beaucoup et que la dette publique continue d'augmenter. À la place, ils taxent davantage leurs citoyens de façon à financer des dépenses toujours croissantes. L'Europe a besoin d'États plus modestes Si nous définissons l'austérité comme l'ensemble des mesures qui ont été prises pour réduire les déficits budgétaires, alors dans ce sens, il est vrai que l'austérité est responsable de la crise. Si toutefois nous utilisons ce terme de manière plus appropriée dans le sens de politiques entraînant une réduction de la taille de l'État, alors ces politiques ne peuvent être tenues responsables de la crise en Europe puisqu'elles n'ont jamais été appliquées. Ce dont l'Europe a besoin, c'est d'États plus modestes. Pas uniquement en termes de dépenses publiques, mais aussi dans le sens d'une déréglementation du marché du travail et d'autres réformes structurelles visant à encourager l'entrepreneuriat, les investissements privés et la création d'emplois. Il n'y aura pas de croissance soutenue de l'économie en Europe tant que ce seront les citoyens et les entreprises, plutôt que les gouvernements, qui seront la cible des mesures d'austérité. ---------------------------------------------------------------------------------------------------- *Adaptation d'une Note économique produite pour le compte de l'Institut économique Molinari, à Paris, publiée dans La Tribune, le 21 mai 2013. **Martin Masse est directeur du Québécois Libre. |