Les OGM ou l'obscurantisme français* |
Après l'exception culturelle, voici l'exception
culturale. Dans sa grande sagesse, le conseil d'État vient d'annuler
l'arrêté de mars 2012 qui interdisait en France la culture du maïs
transgénique. Mais cela n'a pas découragé le gouvernement de rechercher
de nouvelles parades. Philippe Martin, le nouveau ministre de
l'Écologie, définit la position de l'État comme « d'une hostilité absolue
à l'égard de ce qui est génétiquement modifié ».
Pas de surprise, Philippe Martin a toujours été un écologiste
ostentatoire. Au point de vouloir interdire les organismes génétiquement
modifiés (OGM) dans son département
du Gers par tous les moyens légaux à sa disposition, au point d'avoir
voulu faire un référendum auprès de gens qui n'y connaissaient rien,
alors qu'il est si simple de se documenter auprès de ceux qui savent, au
point de recevoir avec égards José Bové qui a bâti sa célébrité sur la
violence et le mépris des lois.
Mais pour qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'impartialité politique de
cet article, notons que Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut aussi
ministre de l'Écologie, mais sous Sarkozy, a défendu bec et ongles la
même position. En France au moins, ce n'est donc pas une question de
droite ou de gauche.
Statistiques génétiquement modifiées
Si l'on veut comprendre à quel point cette exception « culturale » est
ridicule, il faut prendre conscience qu'il existait l'année dernière
dans le monde 170 millions d'hectares cultivés en OGM. Plus de 17
millions d'agriculteurs en cultivent dans 28 pays dont les États-Unis,
l'Inde, la Chine, le Brésil, etc. Même Cuba vient de s'y mettre. Alors,
vous pensez peut-être qu'il s'agit d'une mode récente dont on n'a pas
encore bien mesuré les dangers. Eh bien pas du tout!
Il y avait déjà plus de 100 millions d'hectares cultivés en OGM en 2007,
dans 17 pays et par 8,5 millions d'agriculteurs! Du soja, du
maïs, du colza, du coton et du riz sans compter les plantes
thérapeutiques. Il y avait déjà 1,7 million d'hectares en 1996, il y a
dix-sept ans. On peut donc dire que cette progression n'est pas récente
et qu'on a eu tout le loisir d'en mesurer les effets. Or on n'a
pas encore noté un seul cas d'intoxication ou de conséquence négative
sur l'environnement.
Pour l'environnement, c'est le contraire. Ainsi le maïs BT(1)
permet d'éliminer la pyrale et la sésamie, parasites très virulents, et
de diminuer ou d'éliminer les traitements phytosanitaires, ce qui
devrait enchanter les verts. L'utilisation de deux espèces de riz
génétiquement modifiés en Chine a permis de réduire de 80% l'utilisation
de pesticides, ce qui a eu aussi comme conséquence d'améliorer la santé
des agriculteurs.
Pour ceux qui connaissent le sujet, comme en France les chercheurs de
l'Institut national de recherche agronomique, il est clair aujourd'hui
que les OGM représentent un immense espoir pour les pays pauvres.
Ils permettent de lutter contre les maladies des plantes (responsables
de la perte de 30% des récoltes) et de les améliorer de diverses façons:
résistance aux maladies, aux herbicides, amélioration des qualités
nutritives et du goût, adaptation aux sols salés ou alcalins, résistance
au froid et aux courants d'air, détoxification des sols par captation de
métaux lourds. Ils permettent aussi la production de molécules
utilisables pour fabriquer des huiles, des détergents, des fibres, et
même de l'insuline. Certaines plantes transgéniques, comme le riz doré,
pourraient contribuer à réduire les graves déficits en vitamine A et en
fer qui frappent un nombre considérable d'êtres humains.
Les semences OGM ont des rendements plus élevés, permettent une
meilleure nutrition, sont plus résistantes aux insectes, aux parasites
et aux maladies. Enfin, elles nécessitent moins d'eau et d'insecticides.
De nouvelles variétés sont développées, qui croissent mieux dans des
conditions de sécheresse ou dans des milieux très humides, et qui
pourraient aider à fournir des vaccins et des éléments nutritifs
antidiarrhéiques.
Les biotechnologies libèrent les paysans les plus pauvres des chaînes
d'une nature potentiellement destructrice. Ils paient les semences plus
cher, mais ils utilisent moins d'eau et d'insecticides, obtiennent de
meilleurs rendements et gagnent plus d'argent. Les agriculteurs
d'Afrique du Sud qui sont passés aux plants OGM en témoignent
volontiers. Des agriculteurs comme Richard Sithole: « Avec
l'ancienne variété de maïs, j'obtiens 100 sacs de céréales avec mes 15
hectares. Avec le maïs BT, j'en obtiens 1000. » Ou Thandi
Myeni: « Avoir du coton BT signifie
que je ne pulvérise mes champs avec des insecticides que deux fois par
an, au lieu de six. À la fin de la journée, je sais que mes plants ne
vont pas être détruits, que j'aurai une récolte et un salaire. »(2)
Quand Norman Borlaug, docteur en agriculture de l'Université du
Minnesota né dans la campagne de l'Iowa, a reçu le Prix Nobel de la paix
en 1970, le comité le lui décernant déclara que « ses travaux avaient
permis de sauver environ un milliard de vies humaines ». Il a par la
suite remporté la Médaille présidentielle de la liberté et la Médaille
d'or du Congrès américain. Borlaug savait qu'il n'est pas possible de
construire un monde pacifique avec des estomacs vides et de la misère
humaine. En 2005, lors d'une conférence sur les biotechnologies
parrainée par le Congrès pour l'égalité raciale aux Nations-Unies, il a
déclaré qu'il ne voyait aucun moyen de nourrir la population mondiale à
venir sans avoir recours à des céréales génétiquement modifiées.
Et il en a fait la preuve quantitative.
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«
Lorsque des gens que l'on croit intelligents font des âneries, il ne
faut pas en conclure que ce sont des ânes. Il faut se demander
pourquoi ils le font. » |
Les cultures OGM sont plus rigoureusement réglementées et testées
que n'importe quelles autres, bien que ceci ne soit plus, selon l'avis
de nombreux scientifiques, nécessaire. Les Américains ont déjà mangé des
millions de plats contenant des ingrédients OGM, sans que le moindre
dommage n'ait été noté sur leur santé ou sur l'environnement, comme l'a
noté Henry Miller, l'ancien directeur de la section des biotechnologies
à la Food and Drug Administration.
Résistance en France
Il y a hélas beaucoup de gens en France, autour de José Bové, d'ATTAC,
ou même au gouvernement, qui expliquent benoîtement qu'ils ne sont pas
a priori contre les OGM: ils demandent seulement que l'on n'en
plante pas tant que l'on n'aura pas établi leur absence de nocivité au
moyen de recherches appropriées. On se demande alors pourquoi José Bové
et ses acolytes ont commencé par le sabotage des installations de
recherche. Le 5 juin 1999, dans notre beau pays de France, dans cet État
de droit où l'on apprend qu'il ne faut pas se faire justice soi-même,
une centaine de personnes appartenant à la Confédération Paysanne,
pénétrèrent par effraction dans une serre du Centre de coopération
internationale en recherche agronomique pour le
développement (CIRAD), organisme public de
recherche agronomique. Devant les journalistes convoqués pour
l'occasion, la bande procéda à la destruction d'ordinateurs et de
milliers de plants de riz, génétiquement modifiés pour améliorer leur
résistance à la sécheresse et la salinité.
Incidemment, elle détruisait aussi l'émulation salutaire qui existait
entre le CIRAD et l'Université Cornell, aux États-Unis, laquelle faisait
des travaux sur le même sujet. Mais ses chercheurs, eux, n'ont pas
bénéficié d'un José Bové. Ils ont mis au point un riz à concentration
élevée en tréhalose, un sucre qui permet une résistance accrue à la
sécheresse et à la teneur du sol en sel. Ce riz est capable de résister
à des sécheresses intenses et de renaître à la moindre goutte de pluie.
De même, il survit dans des sols contenant 50% plus de sel que les zones
de culture considérées comme très salées. Enfin, il supporte des
températures inférieures de dix degrés à celles que peut supporter la
variété non transgénique. Un immense progrès pour les pays pauvres.
Il est à peine besoin de mentionner les destructions systématiques de
champs plantés en maïs OGM auxquels se livrent régulièrement les nervis
de José Bové.
Un autre des griefs mis de l'avant par les écologistes anti-OGM est que
le développement des OGM est fait par des compagnies privées pour
accroître leurs profits au détriment du tiers-monde. C'est faire preuve
d'une ignorance qui confine à la stupidité:
- D'abord parce que beaucoup de découvertes utiles sont faites dans
des universités et des instituts de recherche publics. Or ce sont
celles-là que les délinquants détruisent, car les compagnies privées se
protègent mieux.
- Ensuite parce que les sociétés privées ont une incitation
beaucoup plus forte que les organismes publics à ne pas commettre
d'erreur sur le plan de l'environnement ou de la santé. Pour elles,
c'est simplement une question de vie ou de mort.
- Enfin parce qu'elles sont bien obligées de fabriquer des produits
assez bon marché pour que les gens aient intérêt à les acheter.
Finalement, les ignorants prétendent qu'avec les OGM,
les agriculteurs sont obligés d'acheter les semences chaque année. Cela
fait rire les agriculteurs, qui ne cultivent que du maïs hybride depuis
plus de cinquante ans, et achètent déjà leurs semences chaque année. En
effet, la fabrication du maïs qui servira de semence l'année suivante,
dit le « maïs semence », exige beaucoup de main-d'oeuvre temporaire et est
donc beaucoup plus coûteuse à produire que le maïs qui sera consommé(3).
Il se fait sous le contrôle des « semenciers », qui l'achèteront à un prix
plus élevé que le maïs consommation. Il n'y a pas de relation entre la
quantité de maïs semence fabriqué dans une ferme et ses besoins en
semence l'année suivante. Il est donc plus commode pour un fermier de
vendre son maïs semence à un semencier et à lui acheter les semences
dont il aura besoin l'année suivante. L'argument de Bové qu'avec les OGM
on devra acheter les graines aux marchands de semence au lieu de les
produire soi-même révèle soit une ignorance confondante, soit de la
mauvaise foi.
Ignorance ou mauvaise foi
Lorsque des gens que l'on croit intelligents font des âneries, il ne
faut pas en conclure que ce sont des ânes. Il faut se demander
pourquoi ils le font. Que Philippe Martin soit intelligent, cela ne fait
pas de doute. Il a été le plus jeune préfet de France, dans les Landes,
et il a eu le courage de démissionner pour se présenter aux élections
législatives et à celles du Conseil général dans le Gers. Il a été élu
député et président du Conseil général.
Que Nathalie Kosciusko-Morizet soit intelligente, cela fait encore moins
de doute et en plus elle a une formation scientifique ‒ ce que n'a pas
Philippe Martin. Elle a obtenu un baccalauréat scientifique à 17 ans et
est entrée à l'École Polytechnique à 19 ans. Elle a pris ensuite comme
école d'application, l'École du génie rural et des eaux et forêts. En
1997, elle a obtenu un MBA du Collège des Ingénieurs, établissement
international de grande réputation.
Peut-être se trouvera-t-il des lecteurs de ce texte pour m'expliquer ce
qui motive ces gens intelligents lorsqu'ils ont un comportement aussi
rétrograde. Une hypothèse possible est que l'un et l'autre sont plus
intéressés par leur carrière politique que par les OGM, et pensent qu'il
est politiquement payant de faire la cour aux écologistes.
Quoi qu'il en soit, le combat contre les OGM relève de la barbarie et de
l'obscurantisme. Il nous rend ridicules dans les autres pays civilisés.
Il a fait perdre beaucoup de temps à nos meilleurs chercheurs, dont
certains ont préféré partir à l'étranger. Il diminue la compétitivité de
notre agriculture et il a fait prendre un retard peut-être irréversible
aux semenciers français qui comptaient pourtant parmi les meilleurs du
monde.
Notes
1. Ainsi nommé parce qu'une bactérie appelée Bacilius Thurengiensis,
issue du sol, a été introduite dans la graine de ce maïs. Cette bactérie
contient une protéine qui tue trois espèces de chenilles meurtrières
pour le maïs, comme pour le coton.
2. Citations extraites d'un article de l'Institut Molinari intitulé
Nourrir la planète, par Paul Driessen.
3. Pour obtenir des semences de maïs hybride, on « castre » le maïs afin
d'obtenir une plante exclusivement femelle, donc qui ne soit pas
fécondée par le pollen male des maïs non castrés, qui sont
hermaphrodites.
*Article reproduit avec la permission d'Enquête
& Débat. |
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Du même
auteur |
▪
Savez-vous vraiment ce qu'est le libéralisme?
(no
143 – 15 juin 2004)
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Première
représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie,
environ 2300 av. J.-C. |
Le Québécois Libre
En faveur de la liberté individuelle, de l'économie de
marché et de la coopération volontaire depuis 1998.
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